2020
08.29


Préambule

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#DDEAV… Alpes (J-…)

Parce que les bonnes idées ne viennent jamais de nulle part, quelques mots d’abord sur la genèse de ce long périple… Un voyage comme souvent issu de rencontres… Avec les « Elles » qui depuis plusieurs années sillonnent les routes du Tour de France… A l’invitation d’Alex, j’aurais fait avec elles, trois étapes Alpestres dont je garderais beaucoup d’admiration et de bons souvenirs. A Méribel aussi, un échange furtif avec un cycliste aux allures vagabonde. Barbe éparse et sac en biais… Les « Elles » faisaient en groupe joyeux leur Tour de France. Lui faisais le sien. En secret. Et comme il l’entendait….

La douce quiétude de la voie verte (Via-Rhôna) qui me ramène à la voiture. Et cette idée qui au fil des tours prend forme. Car si je quitte les Alpes heureux, pourquoi ne pas suivre encore un peu les routes Tour ? Celui qui cette année en septembre viendra de l’Ouest… De l’Aile d’Oléron ou bien de l’Iles de Ré…  Et puis, mes étés à l’Océan, qu’il soit Loire à Vélo ou Paris-Brest ont toujours été chouette…

A peine arrivé, un thé, et une carte. Celle d’un Hexagone tout beau dans son maillot jaune. La trame se dessine, assez claire.  Le Tour qui en 2020 flirte avec l’Atlantique prendra ensuite ce chemin, et les vainqueurs, par anticipation, les suivant 😉 :

En 2020, le Tour fera la part belle à la moitié Sud du Pays… Après quatre jours dans les Alpes… Je n’ai qu’une idée en tête… Prolonger le périple un peu plus à l’Ouest…

– Etape 10 : Ile d’Oléron à Ile de Ré (S. Bennett)
– Etape 11 : Châtelaillon-Plage à Poitiers (C. Ewan)
– Etape 12 : Chauvigny à Sarran (M. Hirschi)
– Etape 13 : Châtel-Guyon à Puy-Mary (D. Martinez)
– Etape 14 : Clermont-Ferrand à Lyon (S. Kragh Andersen)

Voici donc de quoi faire une belle traversée en direction du Soleil Couchant… Mais comment faire pour s’y rendre. De manière éthique, je veux dire. Le jour du dépassement est déjà derrière nous (bien que pourtant repoussé au 22 août en 2020 cette année grâce au confinement) et tous déplacement se fait donc dorénavant au détriment des futurs générations… Alors il y aurait bien une solution… Mais… Chiche ! Nous sommes le 24 août. J’ai encore devant moi encore six jours de congés… Soit largement de quoi mener à bien une grande Aventure entre Saint Etienne et la Rochelle…Ni plus. Ni moins…

Invoquons l’Esprit du Tour. Combinons les étapes, adaptons-les. Reprendre les bases et les modifier pour construire un moment unique. Rouler, insister, lutter. Avancer chaque jour un peu plus pour se découvrir. Le dépassement de soi comme seul moteur… Sur ces quatre étapes fleuves et ces cinq journées dans et loin du monde. L’impréparation pour cette folie était totale… Et j’ai aimé ça…

5 jours, 1360 kilomètres, 13000 de D+. Cinq étapes toutes différentes. Quatre étape fleuve du lever au coucher du Soleil…. Saint Etienne >> Châteauroux, Châteauroux >> la Rochelle, la Ile de Ré et Phare des Baleines, la Rochelle >> Brive-la-Gaillarde, Brive-la-Gaillarde >> Saint Etienne

Si je ne devais évoquer qu’un regret, ce serait celui d’avoir conduit cette épreuve si tard dans la saison… En cette fin de mois d’août où les jours ont fortement raccourci. Faisant parfois du périple une course contre la montre… Un contre la montre de 1300 kilomètre pour ne pas trop avoir à rouler la nuit… Mais n’allez pas croire que je n’aime pas ça. Au contraire. Simplement, il est tout de même plus sûr de rouler de jour…

Dans cette configuration minutée dont j’avais fini par perdre l’habitude, la montre simpliste enlacée à mon poignet fût une très fidèle compagne. Battant la mesure, donnant le rythme à ma progression… Qu’elle minute mes arrêts ou raccourcisse mes nuits…. De mes pérégrinations libertaires, cette montre donne un récit assez précis… Une heure, une image. Pour se souvenir…. Ou le plaisir de découvrir… Raid intenté. D’une année démasquée…

Le Phare des Baleines… Parti avant hier de Saint Etienne… Un extrême de l’Aventure… Jamais son terme… 😉

 


>> Châteauroux

#FaitesDemiTourDèsQuePossible…

Envoyer balader le GPS…
Saint Etienne >> Châteauroux… (J1) … 🤘

La dernière nuit fût comme à son habitude agitée. Le départ, de fait, forcément matinal. 5h30 à peine sur le cadran noir et blanc de ma petite montre, achetée l’an dernier à l’occasion de Paris-Brest. Dehors, une nuit épaisse qui, si elle me rappelle à quel point je suis un peu fou, présente aussi l’avantage de me rendre presque invisible… Car qu’aurais-je pu bien dire, si, pris sur le vif, j’avais dû m’expliquer… « Mais que fais-tu ici ? A vélo au milieu de la nuit … » « C’est que je désire aller loin… Peut-être même jusqu’à l’Océan, si tout va bien… » « Non mais tu te fou de moi, l’Océan, au plus près, combien il y a … 500 ? Et tu veux me faire croire que tu vas y aller, comme ça, en solo et à vélo… Soit raisonnable, rentre chez toi, et dors un peu, veux-tu … ?»

Heureusement ces quelques échanges improvisés n’auront pas lieu… Mon évasion nocturne restera secrète, connue uniquement des quelques chats salués en chemin … Le monde derrière les volets clos est assoupi… Et moi, vigilant à ne faire aucun bruit, prend le chemin des rêves doux… Une révolution complète du rond-point d’Andrézieux… Comme ça. Pour rien…

6h49. Je vous l’avais bien dit. Ce récit sera marqué d’une grande ponctualité, et il faudra vous y habituer. Le moment est important. En ce matin du 25 août, le levé du jour a été annoncé à 7h et 2 minutes. Un instant toujours magique et que je n’aurais raté pour rien au monde… Je m’arrête donc, là. Debout dans le bas-côté d’une route qui pour moi file vers l’Océan. J’ai, face à moi, de fines montagnes que les gens d’ici appel non sans une certaine fierté, les montagnes du Matin… Ces montagnes sont de celles que j’aime par-dessus tout… Non pas qu’elles soient exceptionnelles, mais simplement parce que j’y suis né…. Alors quand le ciel au-dessus d’elles tout d’un coup devient incandescent. Intérieurement, j’exulte… Mon Aventure ici vient de commencer. Et elle l’a fait, exactement comme j’en rêvais…

Le spectacle est sublime… Ciel rougeoyant sur les cimes des Montagnes du Matin…

9h29. Je viens d’effectuer la traversée d’un bout à l’autre du Forez sans presque jamais m’arrêter. Peut-être parce que je ne l’ai pas jugé utile. Tellement je le connais par cœur, ce beau pays des Terres du milieu, ma comté… Ses plaines fertiles qu’une brume délicate mais toujours matinale enveloppe… Le parcours improvisé hier sur un coin de table est économe. Filant droit jusqu’au pied des monts de la Madeleine et du Bourbonnais… Saint Priest-la-Prugne, déjà presque 100kilomètres et le besoin assez primaire de se ravitailler… Saint Priest où le souvenir d’une Rose des Vents assez remarquable… Les routes sont calmes et agréables… Je n’en demande pas plus… Et c’est avec une certaine sérénité que j’effectué ma première ascension de ce col. Bonjour à toi, ô toi l’apprécié col du Beau Louis.

10h30. Une heure de plus que je roule depuis le dernier sommet et je ne m’en lasse pas. Quel plaisir d’aller mouvant au milieu de ces paysages toujours changeant… Les collines d’ici sont plus rondes et je prends énormément de plaisir à enrouler, parfois même sur le grand plateau. Me voici à Cusset, l’antichambre de la mal-aimée Vichy, à l’heure du goûter… Un masque bleu, quelques euros… Je viens de m’offrir une appétissante Pizza-Champignon qui fera une belle photo pour rassurer Maman. Je suis parti seul. Alors j’ai promis. Une fois n’ai pas coutume. De donner de mes nouvelles… J’étais alors bien loin de m’imaginer, que sur la table du salon la carte serait dépliée… Ma progression serait scrutée… Et aussi certainement commentée…

Toujours se méfier des aprioris. Vichy est une ville où il fait décidemment très bon flâner…

11h05. J’ai enfin pu traverser la ville (Vichy), où j’ai perdu pas mal de temps. Non pas que je me sois perdu mais plutôt parce que je ne n’ai pas su résister à l’appel de nombreux arrêts … Car derrière son passé trouble, Vichy est une cité plaisante à visiter et à regarder… Ses églises, ses jardins, ses rives aménagées et même quelques maisons à colombages… Sous le ciel azure, Vichy est resplendi. Une ambiance dont je me délecte.

Sous le pont où bruissent les armoiries colorées, coule l’Allier. D’un bleu plus dense que celui du ciel. Comme une onde de fraîcheurs, dans une journée que l’on pourrait presque qualifiée de caniculaire… Idéal pour la réfection des voiries… Beaucoup moins, pour les virées à bicyclette. Pied à terre, la route est coupée. La lourde chorégraphie des engins de chantier. Le bruit. Et l’odeur parfaitement désagréable du bitume qui se répand. De l’enfer naît le paradis… Demi-tour, énième tentative infructueuse à la recherche d’une échappatoire… Un lotissement. Une étroite voie filant hésitante entre les blés moissonnés. Je crois bien l’avoir enfin trouvé.

11h37. Bon an mal an, j’atteins Brugheas. Ce qui n’a aucun intérêt, étant donné que le village ne figure pas sur ma liste des villages à traverser…

11h53. Voici donc Cognat-Lyonne. Autour et à perte de vue, de vastes plaines céréalières…Le cadre, fait de jaunes et de bleus me plaît…

12h36. Ebreuil où la Sioule coule depuis la nuit des temps… Combien de cyclistes a-t-elle bien pu laisser passer, à la frontière, entre Puy-de-Dôme et Allier.

12h55. La chaleur devenue peu-à-peu insupportable est cette fois-ci accablante.  En nage à Mercurol… A droite de la route, une petite mare, où de petits canards suivent obéissant maman canard… Je m’octroie quelques minutes d’observation, assis comme ça,  les deux pieds dans l’eau …

Une courte pause au bord de l’eau. Comme eux, j’ai bien besoin de me rafraichir …

La campagne qui s’étend entre les villages m’offre un bien triste spectacle. Nous ne sommes qu’au milieu de l’été, et la région pourtant marquée profondément par la sécheresse… Tout n’est ici que jaune et couleurs terreuses…. Le pays souffre, et moi, comme lui, mourant de soif… Retour vers le futur…

13h27. C’est donc à l’économie que je poursuis ma route. Avec encore suffisamment de lucidité pour remarquer un nom qui me réconforte. La forêt des Colettes, prénom de ma maman… D’ailleurs, il est l’heure d’envoyer un petit message à la maison… Perdre ainsi la notion du temps n’est-il pas signe d’une déshydratation avancée ? Mais peut-être le temps passe t‘il juste très vite, sur cette machine à voyager…

15h02. Néris-les-Bains. J’ai bien failli tomber en sautant le trottoir qui me séparait du clocher. Un édifice proche duquel il est coutume de trouver de l’eau… Il en est en tout cas ainsi, dans le Lyonnais. Chaque commune y a son petit robinet, et chaque robinet est un repère à cycliste… Un privilège auquel nous sommes habitués et dont nous ne reconnaissons pas la valeur. Un sentiment que j’avais déjà ressenti il y a deux ans, dans l’interminable traversée du plateau de Langres

Mais voici Montluçon, le pays de Matthieu, vénérable compagnon d’Ailes… Parfaitement étourdi par l’horrible route empruntée, j’oublierai ici de relever l’heure… Une halte tant espérée à l’enseigne Patàpain, et l’occasion d’un bref échange avec une jeune serveuse…. Les premiers de la journée. A ma réponse pour savoir d’où je viens… je sens un peu de perplexité.   Je m’installe en terrasse, enfin, c’est comme ça qu’elle me l’avait présenté. En réalité, plutôt un parking. Avec toutes ses automobiles qui viennent encore une fois gâcher la fête… Mais la parenthèse est tout de même appréciée. Mon premier sandwich après 9h30 de vélo… Et un dessert basique mais des plus appréciable. Coupe de fruits frais et désaltérant… Relation équilibrée entre melon et pastèque.

Mais si la pause est méritée, elle n’en reste que trop tardive. Et le redémarrage s’avèrera compliqué. Car entre nous, je suis ici complètement carbonisé. Pssshhhiiiiiit…. Mon deuxième bidon cette fois est lui aussi complètement vide… La situation devient critique… Un cimetière aperçu en haut de la butte, et un espoir qui renaît. Je pousse la haute grille qui grince sur ses gonds mal graissés. Moi qui voulais rester discret. Et bien c’est raté.  Du coin de l’œil un homme m’interroge. Et sa réponse m’atteint de manière assez nette.  « Il n’y a pas d’eau à boire ici, seulement pour les fleurs… ». Tout est dit, je ne trouverais pas mon bonheur ici.

Le pays n’est qu’une suite de vallons rapprochés… et chaque franchissement loin d’être évident. Je suis victime d’un gros passage à vide… Manger trop tard. Pas assez bu… Cependant, j’ai ces quelques mots qui tournent en boucle. « Faites demi-Tour dès que possible… ». Quelques mots qui sans en avoir l’air vous titillent l’orgueil… Vous pousse à continuer.  Pour le seul plaisir, de pouvoir les contredire.

17h44, Communes de Préveranges, Col du Magnoux, 504m, le sommet « culminant » du Cher et de la région Centre. Allons, disons plutôt… Son point haut.

Ici, tout est écrit. Je n’ai donc rien à ajouter …

La température a baissé. Beaucoup baissé. Et j’ai pu aussi trouver de l’eau, au détour d’un village oublié. Sur cette place désertée, j’ai vidé plusieurs bidons. Cul-sec et s’il y en eu à côté ce n’était pas pour gaspiller. J’étais juste simplement heureux…

Heureux de retrouver le plaisir de rouler loin, d’être libre à ne plus vouloir jamais arrêter… Heureux comme un gosse qui découvre un pays qu’il découvre pour la première fois… Mon jouet de cœur s’appelle Berry. Il est campagne, odeur, calme, et lumière. Il est espace, forêt, bocage, nature et oiseaux. Et au-dessus de lui je vole, dans cet éveil profond qui m’envahi souvent au terme des longues journées d’efforts… Oublié la sonnerie du réveil, la gorge sèche et les jambes vides… Je vis, je vibre d’une Aventure qui s’annonce merveilleusement belle… Je savoure. Un instant. Qui pour longtemps. Restera. Unique.

La Châtre, le clocher de l’Eglise Saint Germain l’annonce de loin. La Châtre. Son donjon abritant George Sand et une œuvre, « La Vallée noire » …

« La Vallée Noire fait partie de l’arrondissement de La Châtre, mais, bon voyageur, tu tâcheras de ne pas te tromper de chemin, car tu pourrais courir longtemps avant de trouver l’Indre guéable. Où mangeras-tu, où dormiras-tu, où trouveras-tu du café, des journaux, des cigares, et quelqu’un à qui parler ? Nulle part, je t’en préviens. Tu feras comme tu pourras, et même, pour te diriger à travers ce labyrinthe de chemins verdoyants et perfides, tu trouveras peu d’aide. Tu n’es pas ici en Suisse ; si tu demandes à un paysan de te servir de guide, il te répondra en riant : « Bah ! est-ce que j’ai le temps ? J’ai mes bœufs, mes blés ou mes foins à rentrer. » Si tu demandes à Angibault le chemin du Lys-Saint-George, on te dira : « Ma foi ! c’est quelque part par là. Je n’y ai jamais été. » Tu rencontreras partout des gens polis et bien élevés mais ils ne peuvent rien pour toi, et ils ne comprendront pas que tu veuilles voir leur pays. » (1884)

Faisant mienne cette recommandation au voyageur, je traverse ce village sans m’y arrêter…

La trace tracée pourtant sans beaucoup de précaution n’a de cesse de me surprendre. S’éloignant des axes principaux qu’elles se complaît parfois à traverser, zigzaguant au rythme doux de l’Indre et de ses méandres…

19h11. Me voici bientôt à Montipouret. Autour, la campagne berrichonne rayonne dans la lumière chaude d’une soirée qui approche. Un moment toujours un peu particulier dont que j’aime par-dessus tout… Et qui, à l’issu d’une journée de vélo harassante, ne manque jamais de me remettre en selle 😉.

La campagne Berrichonne, dans la lumière d’une belle fin d’après-midi …

20h30. Cette fois, le Soleil et son inoubliable spectacle vient de plonger derrière l’horizon. Me laissant un peu seul. Avec une machine qui sans coup férir m’a emmené si loin de la maison.  La suite est moins agréable. D’abord parce que D990 se fait monotone à l’excès. Courant, droite et rigide sous l’épaisse forêt de Châteauroux. Et puis il y eu aussi ce vent. Redoutable toute la journée mais que j’avais fini par ignorer… Alors, monsieur, fâché, devient méchant. Se renforce et tournoie. Ralentissant ma progression autant qu’il la rend hasardeuse. Pourtant, la cause est entendue. Puisque rien ne me fera plus renoncer, à la promesse d’un lit douillet.

21h. Enfin. Après avoir trainer entre les allées sans âmes de la zone commerciale, après avoir contourner quelques travaux, me voici cette fois devant l‘hôtel. A l’intérieur, dépitée, l’hôtesse tente d’expliquer pourquoi elle ne servira pas ce client venu sans masque. Encore un têtu qui rêve d’une vie difficile. Pour rien. Car moi qui avait le mien. J’ai été reçu (probablement avec le sourire) par une dame absolument charmante. A qui je n’ai dû faire qu’une concession. Celle de ne prendre qu’une pince pour demain, me faire un déjeuner… 😉

Mais dépêchons-nous. L’heure tourne et le service du restaurant d’à côté ferme dans trente minutes. Vélo déchargé en vitesse, douche exquise mais express. Me voilà déjà devant le poivre rouge.

21h30. Avec moi, l’établissement prend son dernier client. Un œil sur le menu pour un choix des plus évident. Burger, frites et salade. Et pour finir en beauté. Une glace 3 boules. Passion-Fraise-Framboise. Avec deux fraises. Mais sans framboise…

Parce qu’en voyage, soigner le moral est fondamental …

22h30. Et si dehors le vent se fait tempête. Dans cette piaule. Les monstres s’endorment.

 

>> La Rochelle

#ALaFinDeLaRoute…

Rouler tout droit vers l’Océan…
Châteauroux >> La Rochelle… (J2) … 🌅

6h30.  Je me réveil, comme souvent lors des voyages, quelques minutes avant le réveil. Moi qui ne suis pourtant pas matinal, je me sens en pleine forme. Surement rassuré par le silence qui règne à l’extérieur. Après la fureur de la veille, le vent a donc fini par se calmer… Une douche, et un petit déjeuner copieux prit quasiment seul dans le réfectoire. Avec la télé, mon masque et ma pince à viennoiseries. A Châteauroux les gestes barrières sont respectés. Tandis qu’à Marseille. Les plages sont bondées…

Mais Ô. Nous sommes le 26 août. Une journée bien particulière puisque c’est l’anniversaire de mon frangin. Et même s’il était d’accord, je me sens un peu coupable de ne pas être présent pour le lui souhaiter, physiquement je veux dire. Pour me faire pardonner, je vais lui envoyer un petit message, qu’il trouvera à son réveil. Et puis lui faire une promesse, celle de me dépêcher pour souffler ses bougies, dimanche en famille. Nous en profiterons aussi pour partager le récit de la route, et ce sera bien. Je te souhaite un bon anniversaire, petit frère 😊.

7h30. Il m’aura finalement bien fallu une heure pour me préparer, chargement du vélo inclus. Je n’ai pourtant pas trainé. Mais cela en fait des choses à faire, et à penser…. Mais prenons quelques minutes pour récapituler l’étape du jour. Châteauroux, Poitiers, la Rochelle. 3 villes, un peu plus de 300 kilomètres. La nuit, de ce que j’ai pu constater hier, arrive vers 20h30… Soit 13h de jour… Et donc 23km/h sans les arrêts. Ce qui, bien sûr, est impossible. Il va falloir en être conscient. Ce soir, quoi qu’il arrive, je terminerai tard. Et peut-être même. Très tard…

7h58. J’ai laissé derrière moi Châteauroux dans cette quête d’horizons et de plaisirs sans cesse renouvelés. Il fait plutôt froid et la mise en route, plus difficile que je l’espérais. Surtout que le vent n’a pas disparu. Mais m’attendait. Là. A la sortie de la ville. Comme hier, soufflant d’Ouest en Est, et toujours assez fort. C’est un fait. Il faudra faire avec…

La route menant à Poitiers sera l’occasion d’un appréciable détour. Visitant le parc régional de la Brenne, connu pour la richesse de sa faune et les innombrables étangs qui le jalonnent. Sur des axes étroits et tracés au cordeau. J’avance, le soleil dans le dos. Ma propre ombre fuyant sous mes roues. En ces heures matinales que je vénère. Il y a moi. Et le vol bruissant. De charmantes colonies d’oiseaux.

8h02. Photo souvenir devant la carpe de Neuillay-les-Bois. Une véritable carpe de Brenne… Peuplant les étangs de Bellebouche, des Baudets, du Renard, des Vigneaux, de Besnadoux, ou des Roux…. Comme l’Ain, la Brenne est parfois appelée le « pays aux milles étangs ». Ce qui est un peu faux. Puisqu’on en dénombre, pas moins du double…

9h05. Saint Michel-en-Brenne et l’envie irrépressible de sourire. Les yeux encore brillants de ce qu’ils viennent de traverser. Mais peut-être un peu trompés aussi. Comme dans le village, où ce que j’avais pris d’abord pour un château est en fait Abbaye. Saint Cyran-en-Brenne, fondée au 7ième siècle. A vélo. Tout est plus beau.

L’Abbaye de Saint Michel-en-Brenne (VIIième siècle) …

9h54. Après Saint Michel, malgré quelques surprises, l’ennui. Le relief, les campagnes, les villages, tout me semble d’un coup bien terne. Un passage à vide, comme il y en a immanquablement dans tout voyage. La boulangerie de Tournon-Saint-Martin, avec sa devanture très « petit commerce » faisant presque office de distraction.

10h25. Néons-sur-Creuse. Ne vous y trompez pas. Nous ne sommes pas en Creuse. Mais bien dans l’Indre…

11h05. Ma fuite en avant se poursuit, dans un pays que décidément, j’apprécie peu. A Pleumartin, je contourne un marché couvert comme il y en a beaucoup dans la région. A l’heure des circuits courts, un bâtiment historique à nouveau des plus utiles… La direction Poitiers m’est indiquée… Tout le monde la connaît. Pourtant combien savent-ils, sur une carte, la placer ? Moi en tout cas. Je ne savais pas… 😉

Le marché couvert, centre névralgique de la place …

La direction de Poitiers est tout indiquée…

11h53. Ma route est un moment celle des tournesols. Tous regardant vers l’Est, baissaient un peu la tête. Et moi, vers l’Ouest, je les imite. Fatigué d’un vent qui se renforce.  M’arrêtant au-dessus de la Vienne, vers Bonneuil-Matours. La Vienne est le plus gros affluent de la Loire (en débit) et cela se voit. Bleutée. Large. Ses rives parfaitement soulignées de végétation. Je distingue une maison bourgeoise, à la hauteur de ses cheminées. Puis derrière, dans une perspective trompeuse, le clocher de l’église Saint Pierre-au-Liens…

12h49. Après une longue matinée de pédalage, un peu morne avouons-le, c’est presque  soulagé à Poitiers. Côtoyant en premier ses banlieues Nord-Est faites de larges voies encombrées. Mais je suis tout de même content. Je suis tout de même content. Poitiers devrait, je suis sûr, m’offrir de jolis point-de-vue. Et aussi parce que l’endroit sera propice à un petit encas.

Boulevard de la Digue. Coincé entre deux murs gris et bétonné, le boulevard s’élève ensuite dans un virage où me déposera un cycliste en sandales. Peu de chance que lui était encore hier à Saint Etienne mais la vision reste un peu difficile à digérer… Le boulevard s’étire ensuite en une longue ligne droite que termine un angle droit… Et un petit Square. Qui m’offre une vue imprenable sur le Clain et le cœur historique de Poitiers. L’immense vaisseau formé par la Cathédrale Saint Pierre de Poitiers me fascine. Sa construction débutant en 1162…Et un véritable Chef-d’œuvre…

Le petit Square où je déjeune… La vue y est imprenable….

Assis dans l’herbe je tire de mon sac la part de quiche le restant du sandwich acheté à Tournon-Saint-Martin. Replongeant la main, en ressort encore un pain au chocolat tout traumatisé par les nombreux soubresauts de la route. Voilà qui est suffisant. Appétit face au spectacle de siècles d’histoires. Pour 30 minutes. Sieste comprise…

14h28. Je viens de quitter Poitiers et voilà que déjà les paysages ont radicalement changés. Pour le meilleur. La campagne est toujours profonde mais retrouve ce caractère inexplicable qui vous fait vous sentir bien. Je profite. M’arrêtant ici et là, glanant au passage quelques mûres au bon goût sucré. Respirant à plein poumon l’odeur âcre et sèche d’une terre que l’on travaille…

La Creuse, et ses campagnes bien aimées…

14h43. Sanxay réside dans le cadre verdoyant de la Vonne. C’était l’une des agglomérations majeures à l’époque gallo-romaines et il en subsiste un site archéologique que je n’ai, malheureusement pas eu le temps de découvrir…

… une fontaine. A gauche de la route. Je fais le plein des bidons et m’autorise quelques minutes, les yeux fermés, adossé au bord de la route. Devant moi une voiture passe. Et le son du moteur est lointain. La petite supérette que je viens de repérer est fermée… Et tandis que je m’apprête à faire demi-tour, penaud, une vieille dame m’interpelle. « Vous trouverez un Proxy d’ouvert, dans le village de Ménigoute…« . Ménigoute, comme par hasard, est ma prochaine étape.

15h. Dans le proxy indiqué je me suis arrêté, quelques minutes avant l’ouverture. Le premier client d’une enseigne familiale et bien achalandée. Tenue par une gérante pas pressée avec qui prend le temps de discuter. Sur la caisse quelques produits simples et sains qui me feront continuer. Une salade de blé concassé aux raisins et des carottes râpées comme entrée, le véritable pâté croûte pour la résistance, des génoises fourrées et un Orangina pour le sucré. Tout juste quelques euros pour un plein goûteux… Bref, du vélo à la portée de tous…

16h02. Fomperron. A peine sorti du village, je me rends assez vite compte que je me suis trompé… La voie empruntée est celle de Soudan et si, rêver c’est déjà ça, elle n’est pas ma direction…  En fait, je dois aller à Exireuil puis Saint Maixent-L’Ecole donc, demi-tour… Une erreur sans conséquence et qui m’offre même une jolie surprise… Cette belle fresque d’un Martin-Pêcheur veillant sur l’abbaye des Châteliers. Une œuvre du graffeur Rebeb comme allusion aux zones humides qui parsèment la région.  Quant à l’Iris qui surgit du plumage, un clin d’œil au symbole du village, à sa fontaine Pérenne et aux jardins qui l’entoure… Bref… Une bien jolie fresque…

Parce qu’une erreur d’aiguillage est toujours la bienvenue…

17h et des poussières. Je remonte une longue file de voitures… Des moteurs qui ronflent. Un klaxon agressif. Un imbécile qui gesticule…La jungle. Et puis devant moi enfin la cause de ce marasme… De nombreux camions et engins de chantiers s’agitent… La D611 que je devais emprunter se réduit à une seule voie. Canalisée par ces lourds séparateurs que vous connaissez…. Image atroce et sueurs froides… Nous ne sommes pas là pour provoquer le destin. Je fais donc demi-tour, à la recherche d’une échappatoire, bien moins hostile…

Lorsque vous êtes à Saint Maixent, il y a le temple, et tout de suite après, une petite route filant plein sud. Cette route, c’est la D182. Elle est sauvage et surtout vraiment tranquille… Peu après Charchenay, vous descendrez dans une jolie cuvette, où serpente un cours d’eau qui se nomme : Ruisseau de l’Hermitain. De jolis lacets avant lesquels il faudra peut-être vous arrêter. Porter sur quelques mètres par-dessus des branchages fraichement coupés… L’aventure cycliste n’est pas une course. Mais un truc de vie dans lequel on s’amuse à déjouer les pièges… comme les crevaisons… 😉

Une fois le pont franchit, on se hisse, debout sur les pédales, coupant les lignes de niveau comme pour atteindre plus vite « Les Fontenelles ». Continuer ainsi. Sainte Néomaye puis la Crèche. Et toujours l’horrible D611… Je tourne un peu, cherchant l’itinéraire Vélo-Friendly que je pourrais emprunter. L’A83 qui depuis Nantes rejoint l’A10 me barre la route…

Chauray… Puis Niort. Je m’extirpe de ce que je croyais pourtant être l’ultime galère du parcours. Car si Saint Maixent et Niort ne sont, par la D611, distante seulement d’une vingtaine de kilomètres, le chemin le plus court est aussi celui des voitures…

18h09. Quelques péripéties plus tard me voici enfin à Niort. De prime abord, la cité la plus importante des Deux-Sèvres est assez moche. Avec ses routes crasseuses et ses commerces sans âmes… Bref arriver à Niort. C’est comme arriver à Poitiers… Mais en plus fatigué…

Et comme à Poitiers, la déception n’est que de courte durée. Niort devient plus belle à mesure que l’on approche du centre. Grâce à son patrimoine et à son cadre naturel avantageux. Ma visite commence Rue du Vieux Fourneau. Où s’érige de hautes façades prestigieuses qui abritent aujourd’hui le conseil d’Architecture et d’Urbanisme ou bien encore le conseil général des Deux-Sèvres… Il faut avouer. L’ancienne caserne de cavalerie du Guesclin (1736) a su conserver un certain charme. Ses longs bâtiments disposés en plan à 90°, autour de l’imposant et non moins majestueux manège à chevaux. La vue y est imprenable. Je m’avance. Et découvre à mes pieds… Les délicats méandres de la Sèvre Niortaise. Celle que l’on nomme affectueusement « Coulée verte » et qui remplace le grand parc que les Niortais n’ont pas. Les Niortais et Niortaise d’ailleurs y sont aujourd’hui nombreux : marcheurs, joggers, amoureux de la petite reine.  Tous flânent, de quais en berges, par les chemins blancs…

18h19. Je profite d’angles de vue exceptionnelles sur l’église Saint André et de Notre-Dame de Niort. Les chutes d’eau du Pissot, les vieux ponts, ou bien encore le Donjon que nous a laissé un roi Anglais…

Niort resta longtemps une place forte…

18h52. Les villes ont toujours cette faculté farouche de vous retenir. Au cœur de leurs entrailles, impossible pour nous cyclistes insouciants de filer comme nous savons le faire dans la campagne. Tout observer. Toujours rester vigilant. Déjouer les risques d’une circulation ardente. Surveiller des piétons qui, pouces levés, se jette, nonchalant, sous vos roues… « Bonjour, si-si, après-vous, mais je vous en prie… Tout le plaisir est pour moi… 😉 »

Encore une fois, tout s’est bien passé.  Je vais quitter Niort, avec l’agréable souvenir de l’avoir découverte… Sur mes verres assombris, arrive l’éblouissement graduel d’une soirée roulée plein Ouest. C’est une longue traversée du marais Poitevin qui m’attend. Mais avant. Dernier arrêt dans ce commerce dont le patron initie la fermeture. « Je prendrais un bol de taboulé, un poulet/crudités et …. Le choix est difficile… ce far breton qui m’a l’air si appétissant… » « Très bien, mais où compter vous aller comme cela … ? » « Et bien je me rends à la Rochelle, voir l’Océan… » « C’est bien. D’ici je vois aussi beaucoup de gens faire le chemin inverse. Certains vont à vélo. D’autres sont à pied. Mais le marais… Vous verrez…. Ayez un bel appétit… »

Ce boulanger, aux paluches aussi larges que les gros pains qu’elles façonnent, avait raison. Courbé tel le roseau dans la lumière du soir. Dans le marais. Je me suis régalé…

19h42. Ce territoire, qui forme la deuxième plus grande zone humide de France (après la Camargue), est tout bonnement exceptionnel. Irrigué de kilomètres de canaux, bordé de frênes têtards, de peupliers blancs (du Poitou), d’iris jaunes et de centaines d’espèces florales ou familières des eaux douces. Roulant en silence, inspirant chaque minute que m’offre ce spectacle de verdure. Décor d’eau. Et de végétation….

Me voici arrivé à Saint Georges-de-Rex. L’une des plus anciennes et authentiques cités parmi les villages maraîchins. Son port, son prieuré et son château témoigne d’un certain goût. Loin de l’agitation permanente. Où les gens vivaient. Et continuent de vivre. Entre îlots de frênes et prairies humides. Humains seulement. Au milieu des oiseaux…

Le prochain village traversé sera Saint Hilaire-la-Palud. D’ailleurs je l’aperçois déjà. A l’ombre de son clocher qui se découpe sur le soleil couchant. Un peu plus à gauche, la silhouette conique du château d’eau… Et sur ma rétine. L’image quelque peu insistante du Paris-Brest…

L’image quelque peu insistante du Paris-Brest…

20h02. Voici la Grève-sur-Mignon, fière d’accueillir le Tour de France et qui le montre. Mais les nombreuses banderoles pourtant éclatantes ne suffisent pas à masquer les véritables héros… Costumés. Casqués. Masqués. Bref. En cuissard. Saisis d’invincibilité…

Costumés. Casqués. Masqués. Bref. En cuissard. Comme saisis d’invincibilité…

20h38. Je roule cette fois en suivant au plus près le bas-côté. Me sachant à contre-jour. Donc vulnérable. Je m’arrêterais à deux reprises, jugeant à chaque fois la vitesse des véhicules excessives… Quelques secondes de perdu… Un coût modique pour une assurance…

L’heure est maintenant celle du cadeau. Aussi éphémère qu’indissociable des virées longues. Comme une promesse qui justifie à elle seule les heures de selle et les petits tracas. Un spectacle grandiose haut en couleurs… Que l’on admire. Sans jamais vraiment parvenir à s’en saisir. Les couchers de Soleil sont un apprentissage. Que l’on ne peut jamais maîtriser…

Les couchers de Soleil sont un apprentissage…

La suite est en nocturne. Un peu éprouvante. La N11 est interdite au vélo et il est bien difficile de s’y retrouver. Dans une région en poisson où cette grande route est colonne. J’hésite, envisage, tergiverse, me résout. Chaque carrefour considéré comme si ma vie en dépendait… La nuit noire. Sous les yeux de passants incrédules, je m’équipe. Un phare au guidon, puissant, pour faire peur aux voitures. Une frontale aussi, mais pour les lapins. La nuit, le monde se renverse. Les fourrés s’animent et vous observent. Curieux de vous voir ainsi rouler. Dans cet accoutrement, parfaitement régressif.

21h30. Il est bien tard et je dois faire une croix sur mes envies d’Océan. Ma priorité ? Rallier au plus vite l’hôtel qui m’a appelé sans me laisser de message. Alors j’appréhende, de me retrouver face à un guichet vide comme cela m’est arrivé semaine dernière à Genève. COVID oblige, guichet et borne automatique n’y étaient accessibles qu’avec une réservation en ligne… Alors j’ai pris mes précautions. En réservant une nuit, au Première Classe d’Aytré.

22h. Après une longue journée de vélo riche en émotions, la délivrance d’accéder à ma chambre. Je suis agréablement surpris. Contrairement aux établissements de la franchise, du genre motel, l’accès se fait depuis un hall intérieur. Quant aux chambres, elles se révèlent aussi de meilleur standing. Un lit haut, large et moelleux, des oreillers doublés, une cabine de douche parfaitement propre. Le bleu nuit de la couette incite à rêverie… Je me sens bien…

Mais avant de se coucher, il faut manger un peu. L’inconvénient de ce genre d’établissement étant d’être situé au milieu de zones industrielles où tout est fermé très tôt. Heureusement, j’ai conservé de mon arrêt anticipé à Niort les ¾ du sandwich au poulet. Et il me reste la banane emportée en prévision. Banane noire de désespoir à laquelle je me voudrais d’avoir touché… Pourtant conscient en la mangeant, que quelque chose clochait…

2h du matin. Du fond du lit où je me suis littéralement écroulé, je délire. Je transpire. Mes pensées se mélangent, se percutent. Non ni queue ni sens. Et malgré mes efforts, je ne sais plus ni où, ni quand je suis… La couette jusqu’au cou et parcouru de frissons dans un lit qui sous moi se dérobe… Je m’accroche, et me lève. Vite ! Pour vomir plusieurs fois, la banane trop mûre ainsi que tous mes repas… Me trouvant, langue et gorge brûlée, seul dans ma piaule. Et parfaitement honteux de ce qu’il m’arrive. Un débutant ! Qui partit hier de Saint Etienne est venu vomir à la Rochelle. Tu parles d’un voyage…

3h du matin. Vidé dans tous les sens du terme, je me sens pourtant un peu mieux. Bref éclair de lucidité. Impossible demain de poursuivre ma route en direction Brive, comme je l’avais espéré. Cet état de faiblesse rebat les cartes. M’obligeant à faire étape un jour de plus dans la cité Rochelaise. Quelques clics maladroits sur Booking me permettent de décaler d’une journée ma réservation d’hôtel à Brive.  Quelques clics encore, je réserve ici une nuit de plus, même chambre, même hôtel.  Encore un clic, je supprime le réveil qui doit sonner dans 2h30. Demain. Je m’offre une grasse mat’. Et une journée de vacance. Faire de cette faiblesse momentanée une force. En profitant de ce répit pour parcourir l’Île (de Ré). Cette pensée m’est agréable. Et me rendors…

 

 

>> Ile de Ré

#L’ÎleDesVélos …

Au pied du Phare des Baleines…
Île de Ré… (J3) … 🐳🏃

9h00. Déjà lorsque je descends prendre mon petit déjeuner… Pain, confitures, croissants… Le buffet est copieux, j’ai faim et dévore ce qui s’offre à moi. La pièce est agréable. Une loggia où l’air frais entre par une fenêtre laissée légèrement entrouverte. Après une nuit éprouvante, mes forces reviennent peu-à-peu…Finalement cette journée ne sera peut-être pas un long repos forcé… Car il y a de nouveau ce petit vélo qui piaffe d’aller voir de ses propres yeux la Rochelle, et puis surtout. L’Ile de Ré…

Ce petit déjeuner copieux, j’en rêvais…

11h10. Voici la capitainerie de la Rochelle, ses bateaux, et ses plaisanciers. L’air iodé de l’Océan a produit ses miracles. Je me sens vraiment de mieux-en-mieux…

11h18. La piste cyclable est construite en bord de route ce qui a pour effet de rendre les quais entièrement piétons. Une bonne idée même s’il faudra poser pied à Terre pour contempler les trois Tours. La Tour Saint Nicolas et de la Chaîne tout d’abord, qui régule l’entrée des navires de commerces dans le vieux Port. La Tour lanterne et son cône caractéristique dont le rôle était double. Désarmer les bateaux en amont du port et leur en indiquer l’entrée (phare).

La Tour lanterne et son cône caractéristique…

Si des histoires de mer aux chansons de matelot,
La tempête et l’aventure, la chaleur et le froid,
Si des goélettes, les îles, les robinsons marronnés,
Et les flibustiers, et l’or bien caché,
Et toute la vieille histoire romanesque,
Exactement redite à la façon de jadis
Peuvent plaire, comme elles m’ont plu autrefois,
A la jeunesse plus sage d’aujourd’hui :
– Alors, ainsi soit-il, allons-y ! Sinon !
Si la studieuse jeunesse a perdu cette soif,
Si elle a oublié ses anciennes passions,
Kingston, ou Ballantyne le brave,
Ou Cooper des bois et des vagues :
– Alors, tant pis, ainsi soit-il encore ! et qu’avec
Tous mes pirates je partage la tombe
Où ceux-ci reposent avec leurs créations !

(Préface de l’île au trésor par R.-L. Stevenson. Editions Stock 1946)

12h09. Et voilà. Dans mon élan je viens de quitter le continent. Depuis le lieu-dit La Repentie près du port de la Pallice, vers la pointe de Sablanceaux à Rivedoux-sur-Plage… Des maisons blanches aux tuiles claires… Une longue bande de sable fin face à la baie. Je traverse le village, le plus petit de l’Ile, par la promenade du port, le long des venelles fleuries. Au bout ? Des parcs ostréicoles alignés dans le Pertuis Breton.

12h18. Vient ensuite le Fort de la Prée (la Flotte), le plus vieux fort militaire de l’Ile de Ré (1626) et dont le but initial d’impressionner fonctionne toujours autant. Malheureusement la visite du Fort n’est pas libre. Je devrais donc me contenter. D’une seule perspective. Une construction faite de remblais, sans fard, basse car semi-enterré. La solution trouvée à l’époque pour se protéger de canons devenus trop puissants… Exit le hauts et vertigineuses murailles de nos vieux châteaux forts. Le temps est venu de baisser la tête. Et de se fondre, au milieu du paysage…

12h22. Les ruines de l’ancienne abbaye des Châteliers se découpe sur un ciel où les nuages s’amoncellent. Les prévisions de la météo semblent juste. Nous devrions avoir un peu de pluie, mais j’espère que ça tiendra encore un peu. Fatigué de la veille, j’aimerais autant éviter de trop me mouiller aujourd’hui…

12h30. Les rues étroites de la Flotte m’offre le dépaysement que je suis venu chercher. C’est splendide… En fait ça me rappelle un peu les villages de pêcheurs que l’on voit parfois dans les documentaires sur les marins. C’est propre. Et bien entretenu. Je remarque alors ce beau triporteur garé devant un portail sombre. Philippe le remarquera aussi. Une question de (bon) goût, que voulez-vous 😉 …

Je remarque alors ce beau triporteur garé devant un portail sombre…

12h33.  Le vieux port, cœur battant de la cité. Pourtant, il y a toujours l’étrange sensation que procure cette suite sans fin de masques déambulant… Mes vacances cette année sont et resteront un souvenir bizarre. Mais où est donc passé l’insouciance et l’agitation bruyante qu’on aime tant… Les gens cette année sont tout de même venu en vacances. Mais ce n’est pas pareil…

Le vieux port, cœur battant de la cité…

12h47. Voici cette fois les vraies. Et fameuses. Aneries de Saint Martin-en-Ré. Celles-ci se déclinant en caramels, biscuits, bières ou autres sardines en fêtes…. Les âneries sont un fief pour Florent, compagnon émérite du Tour des Brasseries, du Tour des Arbres Remarquables et j’espère un jour, de la campagne Stevenson…

Voici cette fois les vraies. Et fameuses. Aneries …

12h56. J’ai quitté la Flotte et suivi comme de nombreux cyclos et cyclottes la piste cyclable qui conduit à Saint Martin-de-Ré. Saint Martin-de-Ré, je crois bien que c’est la plus grande ville de l’île. Et je l’ai trouvé vraiment jolie. Avec ces petites maisons aux volets de couleurs et ses tuiles claires. Et puis ce côté sauvage qui transpire des ruelles pavées et des plantes grimpantes qui s’élève bien haut sur les façades. Saint Martin a aussi son port, qui chante des cris des oiseaux. Puis l’on sort de la ville, par l’imposante Porte des Campani (anciennement Porte de La Couarde). Tandis qu’au fond du fossé, 3 ânes laineux en formation font le bonheur des petits…

13h05. Toujours une belle piste cyclable qui longe cette fois le fossé de Loix. Le ciel s’est encore obscurci. Et je sens sur moi, quelques gouttes au goût iodé… Décidément, le grand air est le meilleur vaccin qui soit. A vrai dire. Je me sens même tout-à-fait bien…

Et il le faut. Car l’île est grande. Le chemin pas forcément des plus directe. Et c’est une chance. Car cette partie, bien plus sauvage, est magnifique. L’itinéraire 100% cyclable, bien qu’un peu trop fréquenté à mon goût, oscillant entre longues pistes du bord de mer et chemin inquiétant pour le routier que je suis… Mais quel spectacle. La route zig-zag entre les marais et des broussailles qui abritent milles espèces d’oiseaux…. Mais l’Océan que de si loin je suis venu cherché me reste paradoxalement caché, par l’absence de relief. Je le devine pourtant. Il est là. Dans l’air des vents qui balayent l’île, d’une rive à l’autre… Dans ce crachin symptomatique des terres océaniques. Je poursuis mon effort. Me faufilant, de plus en plus impatient, dans un peloton plus hésitant que merveilleux, celui des cyclistes du dimanche.

13h59. Nous sommes au début d’un après-midi pas comme les autres, un après-midi dont je me souviendrai longtemps. Parti il y a deux jours de Saint Etienne, je suis debout. Là. Fasciné devant la hauteur d’un édifice à l’harmonie parfaite. Dressé en phare dans le ciel, en phare dans la tempête. Un trait de lumière qui dans le ciel éteint donne le cap. Une évocation architecturale des fables maritimes et des odyssées perdues d’avance. Et des plus grands exploits. Ce phare au bout du monde est celui des Baleines… Une structure derrière laquelle on retrouve l’ancienne Tour des Baleines… Fortification transformée depuis en musée. A l’intérieur, sur les larges dalles de pierres usées. S’éloigne le pas des Anglais…

Le Phare des Baleines, la pointe occidentale de mon aventure …

14h07.  Mais ce qui m’a conduit jusqu’ici, c’est bien lui, le Grand Océan bleu. Et il est là, tout près, juste derrière cette digue. Alors je m’approche. Très doucement. Désireux d’étendre au maximum cet instant de plénitude et de sérénité absolue. Un couronnement tout personnel, une récompense ultime après les efforts consentis. On arrive en voiture. On voit l’Océan que milles poètes nous ont décrit comme merveilleux. On essaye. Mais baste, on regarde 5 minutes, et on s’en retourne. Un peu blasé. On arrive en vélo, exténué d’avoir dû traverser la France. On regarde. Du bleu-vert qui se jette dans le ciel et les mouettes qui jouent dans les airs. Le bruit sourd que font les vagues qui s’abattent sur le rivage, le vent qui siffle à vos oreilles et les embruns qu’il jette à votre visage. La rugosité du mur qui s’incruste dans vos paumes. Cette odeur délicatement iodé… Tout ce spectacle est vivant, et vous, en spectateur émerveillé, vous y prenez part. Fatigué, certes, mais vivant comme jamais vous ne vous étiez senti. Il y a quelques choses de magique dans ce monde merveilleux. Mais pour s’en saisir, il faut peut-être fuir une civilisation trop cérébrale et revenir à la nature du corps. J’ai trouvé dans le vélo un moyen d’y arriver…Cela me convient. Je ne peux que vous enjoindre à chercher, et à trouver le vôtre…

Aujourd’hui je suis en vacances. Alors je prends mon temps. Debout à la pointe du monde, comme ça, des heures j’aurais pu rester… Pensant à ma famille, à mes amis restés au port, à cette belle route qui m’a mené ici, à ces durs mois assignés à résidence, à l’Océan découvert   pour la première fois au terme de la Loire à Vélo, à l’Océan présent mais caché de Paris-Brest-Paris. A cette formidable épopée entre Ganagobie et Napoléon où avec Christian et toute l’équipe nous étions allés toucher la Mer Méditerranée… A tous ces projets que j’ai maintes fois repoussé… A cette bonne étoile dont nous avons plus que jamais besoin… De cet instant de ma vie que jamais je n’oublierai…

Il y a quelques choses de magique dans ce monde merveilleux…

Aujourd’hui je suis en vacances. Alors je prends mon temps. Debout à la pointe du monde, comme ça, des heures j’aurais pu rester… Pensant à ma famille, à mes amis restés au port, à cette belle route qui m’a mené ici, à ces durs mois assignés à résidence, à l’Océan découvert   pour la première fois au terme de la Loire à Vélo, à l’Océan présent mais caché de Paris-Brest-Paris. A cette formidable épopée entre Ganagobie et Napoléon où avec Christian et toute l’équipe nous étions allés toucher la Mer Méditerranée… A tous ces projets que j’ai maintes fois repoussé… A cette bonne étoile dont nous avons plus que jamais besoin… De cet instant de ma vie que jamais je n’oublierai…

15h. Après avoir longuement hésité, la pluie a cette fois-ci fait son entrée sur l’Île. Une pluie d’août, pas trop froide. Presque agréable si on se laissait aller…. Alors comme de nombreux cyclo j’ai enfilé mon beau ciré jaune et puis, comme eux, un peu triste j’ai plier les gaules… L’Océan en aura peut-être bien eu assez de voir nos milles têtes agglutinées… Il a dit. « Suffit ! »

La débandade ne m’amuse plus. L’Île de Ré est l’Île d’Alceste (à bicyclette) et de cyclo de tout poil qui, à y regarder de plus près, ne maîtrise pas grand-chose de leur machine… Entre zig-zag et coup de patin intempestifs, leur flot est à de nombreux égard plus dangereux qu’une forte tempête dans le Pot-au-Noir… Alors j’ai décidé de m’en éloigner un peu. Choisissant le Sud de l’île pour le retour. Oui mais voilà. La rive Sud est tellement découpée qu’il est bien difficile de s’y retrouvé… 1, 2, 3 et 4 voie sans issue… Passablement énervé j’emprunte la route des voitures… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles n’apprécient pas. Klaxons et rétroviseurs à deux doigts de l’épaule. Sur l’île, de lourd investissements ont été fait rien que pour les vélos. Et je n’ai donc strictement rien à faire ici, je l’admets.

Je retrouve finalement mon flot de touristes au environ d’Ars-en-Ré, et de son clocher élancé vers le ciel. Fine pointe noir et blanche, tellement gracieuse et visible à des kilomètres à la ronde… Né des marais salants au XIème siècle, 60 sauniers exploitent encore aujourd’hui les marais du Fiers d’Ars.

D’ailleurs, une inscription sur le bord de la route vient d’attirer mon attention. Inscrite en lettres rondes sur le mur d’un cabanon de sauniers comme il y en a plusieurs le long des marais. En fait, des points de vente directe de fleur de sel en libre-service. Un peu dans le même esprit que les boites à livres en fait. Je m’arrête pour déchiffrer ces quelques caractères griffonnés : « C’était super, gros bisous à tout le monde… ». Et tout y est…

« C’était super, gros bisous à tout le monde… ».

15h36. Je retrouve la Flotte, non, je veux dire le village, la rue des volets verts et la petite église Sainte Catherine d’Alexandrie. Contrairement à celles de la rue, les huisseries sont bleues, couleur traditionnelle de l’île… Et si vous ne le voyez pas sur la photo…Et bien c’est simplement qu’elles sont ouvertes… 😉

… BRrrZzzzIiiiiiiiiiii…Voici le son que fait l’affreux passé à toute berzingue à deux centimètres de mon épaule… Ratant la chute… Mais me tirant de mes rêveries… Maudit soient les cyclos électriques durant mes vacances. Je sursaute, et, d’un simple réflexe, déclenche…

15h47. Le temps s’est encore assombri mais résiste encore suffisamment pour m’éviter le gros orage que la météo pourtant annonçait… Un fait dont je profite, ne m’interdisant pas quelques détours par des endroits pourtant déjà traversés. Ainsi revoilà l’abbaye des Châteliers, ruine austère au milieu de champ découvert… Seule la façade reste quasi intact. Pour notre plus grand bonheur à tous. Et si certains parlent fort, il n’y a strictement aucunes velléités. Je ne peux pourtant m’empêcher de penser à ce qu’il en était aux époques où Francs et Britanniques guerroyaient constamment…A ne pas douter que l’abbaye, et les moines qui l’occupaient, devait former une proie bien facile…

16h01. La marée s’est depuis retirée. Un spectacle en soi. Qui laisse les bateaux sur le flanc. Eux qui de loin préfèrent l’air du large. Ses écueils, ses dangers, son ivresse parfois. Celle de voir l’écume sur l’étrave se franger… Et toutes les mers du monde défiler…

Eux qui de loin préfèrent l’air du large. Ses écueils, ses dangers, son ivresse parfois. Celle de voir l’écume sur l’étrave se franger… Et toutes les mers du monde défiler…

Pourtant tout cela est beau, même très beau…

 

Une promesse d’évasion …
L’esprit conquis par ces bleus irisés…
Les fardeaux et affres du temps régressent…
Sillons, lignes effilochées, courbes écumeuses…
Traces sur le sable délicatement déposées…
Entre murmures et bruissements…
Le ciel, le sable et la mer…

 

Me voici cette fois de retour à la Rochelle. Sur la terre ferme pourrait-on dire…
L’Île fût pour moi une parenthèse que je n’oublierai pas…
Un moment privilégié qui m’a donné deux fois du plaisir
Lorsque je l’ai traversé. Et lorsque je vous l’ai raconté…

 

>> Brive-la-Gaillarde

#RendezVousEnTerresDuMilieu…

Ainsi va la quête, et la quête était bien ….
La Rochelle >> Brive-la-Gaillarde… (J4) … 😅

Une deuxième nuit passée à deux pas de la Rochelle. Mais cette fois ci, et contrairement à la première, une nuit sereine marqué par un sommeil de grande qualité. Alors lorsque je me réveil, à 5h30, je suis en pleine forme… Et il faut le dire, assez impatient, de découvrir le chemin du retour.

5h30, donc. Je pousse la porte la porte de l’hôtel avec comme bonne surprise celle de constater qu’il ne pleut pas…  Le ciel nocturne reste en revanche couvert ce qui a l’avantage de maintenir une température plutôt agréable.

Une belle journée en perspective qui commence par quelques aller/retour infructueux à l’intérieur de la vaste zone commerciale d’Aytré. Qui comme bien souvent, multiplie les impasses et les noms d’enseignes en cette heure totalement inutile… Une barrière, une voie sans issue. Sous mes pneus fragiles le verre pilé d’une canette injustement fracassée… Alors quand je trouve sur ma route, ce buisson quelque peu abimé, je l’enjambe, vélo sur l’épaule, et passablement énervé. Un tour pour rien d’un énième rond-point qui lui non plus ne sert à rien, j’entrevois « Rochefort » qui luit sous l’étroit faisceau de ma frontale…

Quel sentiment étrange d’avancer seul au fond de la nuit sombre, apeuré de voir sa propre ombre étirée sans fin par les phares des quelques voitures croisées. Mais que peuvent bien penser leurs conducteurs ? Me prennent-ils pour un fou ? M’ont-ils seulement vu ? Car pour ma part, si j’aime la nuit accompagnée, seul, je la redoute. Sueur glaçantes au moindre bruits feutrés. La peur des animaux, bien sûr, mais encore davantage des gens bizarres qui s’y promènent… Et vous pouvez me croire sur parole, si je suis parti si tôt, ce n’est que dans l’espoir d’éviter une arrivée tardive… Mes désormais nombreuses expéditions nocturnes me l’ont appris. Il n’y a pas une nuit, mais plusieurs… Le matin d’abord, qui débute à 5h / 5h30 et qui est l’heure des braves. De celles et ceux qui se lèvent de bonne heure pour aller travailler… Et qui. Si la situation l’exigeait, vous aideraient volontiers… Le début de soirée ensuite, jusque vers 10heures / 10h30minutes je dirais. Là encore, la vie des hommes et des femmes n’a pas encore totalement cessé. Tous ces automobilistes ne sont bien sûr pas sans danger, mais la plupart roulent de manière, disons-le, plutôt honnête…  A vélo, le créneau du matin est adorable pour les lever de Soleil qu’il peut offrir. Mais celui du soir, est celui que je préfère. Peut-être parce que c’est ici que l’on éprouve au fin fond de soi les raisons qui nous font pratiquer la longue distance…  Quand, tout assommés d’endorphines, on éprouve un certain plaisir à avoir pu vivre une journée entière au rythme des astres. Avoir pu assister, minutes par minutes, à la longue progression du Soleil, puis, avec ses propres forces en reflets, à son inéluctable chute… Puis le coucher, et cette sensation ultime de faire corps avec la nature…

Et puis, entre ces deux privilèges, il y a ce qu’on appelle, la nuit. Quelques heures où l’humanité disparaît pour laisser place à monde, autre, riche, et insoupçonné… Faire du vélo revêt alors un caractère totalement transgressif, pour ne pas dire jouissif. Un monde magique. Qu’il faut, ne serait-ce que pour le préserver, garder pour les grandes occasions. Toujours en groupe, pour contrer l’hostilité… Savoir prendre des risques, en se gardant de toute forme d’inconscience. Voilà. Désormais vous savez. Les seules limites du périple que je me suis posé…

Toute digression étant, me voici, roulant, ma foi, sur une piste en bois des plus agréables. L’Océan est tout proche. Dans la nuit, seulement perçu. Un air frais et subtilement iodée. Des reflets, perdus sur le noir profond de l’eau. Le clapotis d’une vaguelette qui sur le rivage s’étale. L’obscurité a cette attrait de renforcer vos sens. Invisible au creux de la nuit, rien n’a jamais pourtant été si précis.

Niché au cœur d’un méandre du fleuve Charente, l’Arsenal maritime de Rochefort surnommé le “Versailles de la Mer” est un lieu d’innovation technique en matière de construction navale. Entre son ouverture en 1666 et sa fermeture définitive en 1927, près de 550 navires de guerre y ont été construits !

Rochefort. Forte de ses arsenaux maritimes et militaires, parmi les plus grands, et les plus beaux du royaume… Vestiges de ce passé prestigieux, un patrimoine riche et remarquable dont je profite aux premières clartés du jour. Première voiture. Premières odeurs de la civilisation. Celle du pain chaud, qui dans les paniers d’une boulangerie cachée, abonde… Une jeune sportive, bondissant souplement au rythme d’un son que je voudrais électro… Woman After All… Un vieux monsieur, immobile devant le passage piéton, semble hésiter. Pour d’un signe de la main m’enjoindre à passer. Premier bonjour, une belle nouvelle journée s’annonce. Libre et sans contraintes. Un sourire aux coins des lèvres….

A ma montre, il est désormais très exactement 7 heures et 8 minutes. Je suis debout, devant la capitainerie du port de Plaisance de Rochefort… Une perspective de lumières ravissantes…

Cette lumière, capturée par l’objectif d’un appareil photo, réserve quelques surprises… Le relief, l’exposition, le Soleil rebondissant sur l’objectif. Image trompeuse d’une aube qui n’en ai pas une….

7h38. Plus loin, à l’Est, une boule de feux immense embrase la campagne…

Quand l’objectif se fait trompeur.

De Bords, je conterais une anecdote. Celle du quart de seconde où la belle Aventure aurait bien pu tourner court…  Par ma seule faute, je vous explique… Le corps un peu gourd du froid matinal, je m’étais arrêté dans la boulangerie du village dans l’espoir d’y trouver, un peu de réconfort… Comme à mon habitude, j’ai d’abord retiré mon casque. Et adossé, avec soin, ma monture contre la façade la plus proche… Règlement d’un croissant, d’un sandwich et du pain au chocolat réglementaire… Bruit de la monnaie sur le comptoir, le sourire rendu est lui gratuit. Tout se passait bien. J’étais trop content de marcher, et m’éloignais là où le Soleil dorait… Assis maintenant à même le sol, je constatais avec effroi la disparition soudaine de la première viennoiserie. Affamé, j’allais attaquer la suite, et patatras. Un barouf moitié métallique, moitié plastique, suivi d’un juron. Puis… d’un grand embarras. Je ne compris pas tout de suite puis le vis. Là. Mon vélo gisait sur le flanc. Sous un volet, partiellement ouvert… Debout, un vieil homme en robe de chambre, les cheveux hirsutes… Comme figé. La sueur froide passée, je me jetais d’un bond relever le blessé. Non sans une certaine appréhension. Un dérailleur arrière est fragile, mais heureusement protégé par ma très grande utilisation du grand pignon… De petits pocs sur des cocottes qui en auront vues d’autres. Idem pour la selle, ou encore le pédalier. Rien ne semblait cassé. Rien ne semblait cassé. Une chance, au vu du chargement de la bête… L’homme s’était approché. L’homme s’était approché. Lui qui n’avait pas grand-chose à se reprocher mais qui pourtant se confondait en excuses. Me montrant rassurant, ce fut l’occasion de discuter un peu. J’appris qu’il avait un fils… De mon âge, un peu plus âgé peut-être…. Il habite à Paris, et, lui aussi, aime beaucoup le vélo. Mais pas trop les petites balades du dimanche. Plutôt ce qu’il appel, son échappatoire. Son vélo longue distance… Et tandis que nous discutions, nos traits s’étaient détendus… Heureux finalement que cet incident sans conséquences ait confronté nos chemins. Mais le temps passe, et je décline poliment le café proposé… Car devant, une route longue et inattendue m’attend…

8h35. Immobile devant la barrière, je regarde passer un train… Tristement vide.

9h41. La Chapelle-des-Pots. Sur une petite placette, un étrange puit, en forme d’igloo…

Le paysage a tout autour progressivement changé. Les plaines fertiles laissant peu à peu la place à des vignobles, tirés au cordeau. Typique de cette région de Cognac. Un pays dont on m’a beaucoup parler l’an dernier, puisque s’y était rendu une délégation valeureuse et accrocheuse de la Squadra. Une semaine fédérale restée pour beaucoup mémorable ;-).

De l’Ugni blanc au Colombard en passant par la Folle blanche, le Montils, le Sémillon et le Folignan…

10h30. Me voici à Cognac (le « yak », dont les rappeurs raffolent) que je souhaite rapidement traverser. Il fait dire que la circulation m’emmerde de plus en plus. Alors j’ouvre l’œil. Une petite route est une opportunité. Filer en direction des campagnes, de leur quiétude, de leurs terroirs, de leurs crus aussi. Chemins tortueux. Décors spiritueux…

What we gon’ tell ’em man ?
We gon’ tell that nigga (Pass the Courvoisier)
We gon’ tell that brotha (Pass the Courvoisier)
Everybody sing it now (Pass the Courvoisier)
Everybody sing it now (Pass the Courvoisier)
Waah oooooooooooo oh !!!

« Pass The Courvoisier » de Busta Rhymes (2001)

11h10. Le ciel jusqu’ici passablement dégagé a décidé de mettre mon optimisme à l’épreuve. Le ciel jusqu’ici passablement dégagé a décidé de mettre mon optimisme à l’épreuve. J’observe une ligne de démarcation, entre les lourds nuages s’accrochant vers Rochefort et l’espoir mince et ténu de pouvoir leur échapper. Alors j’écrase plus fort les pédales, ignorant murailles crénelés comme forêts abritées. La fuite est une issue comme une autre… Fuyons… !

11h43. Lorsqu’on vient de Cognac, on franchit un pont sur la Charente pour se retrouver face à la large rue de Condé, le centre-ville à sa gauche… S’étalant au bord de la Charente, le quai de l’Orangerie. Et dans les légères ondulations de ses eaux, le reflet de la célèbre Maison Courvoisier… Un vaste ensemble architectural qui reste empreint de modernité. Du plus bel effet, sous la lumière si typique du ciel Charentais… Oui. La chance continue de sourire. Cette fois-ci, les nuages ont bien perdu ma trace…

« Ô plaines de Jarnac, Ô coup trop inhumain » – Voltaire.

13h31. Angoulême. Je m’arrête sous l’imposante Cathédrale Saint Pierre pour envoyer un p’tit message rassurant à maman. C’était le Deal. Je me doute aussi que la carte de France sur la table du salon est étalée. Par ce petit message, mes parents m’accompagnent un peu dans cette folle traversée. Un point qui se déplace est un point pour qui tout va bien… Et ce point qui vient de poser ses roues sur le « i » d’Angoulême est super content. Coucou chez vous !

Cathédrale Saint Pierre d’Angoulême. Dans la salle du Lapidaire, c’est une majestueuse Vierge à l’Enfant du XVIIe reposant sur un socle de perles de verre de Murano qui vous accueille….

13h39. Epidémie de COVID oblige, je traverse le bourg historique d’Angoulême un masque sur le nez. Les petites rues sont particulièrement vivantes. Avec tous ces bars et restaurants qui, forts d’une dérogation exceptionnelle, ont pu envahir places et ruelles. Ça discute. Ça rigole. Et je dois à maintes reprises aller à pied pour me faufiler… Loin d’être contraignant. Patience et insouciance. Qualités premières du voyageur à vélo. Pour le reste. Une vie en trompe-l’œil…

14h39. Cela doit maintenant faire une bonne heure que j’ai quitté la belle ville d’Angoulême. L’ambiance a depuis imperceptiblement changé. Plus calme, plus rurale. Une sensation renforcée sur cette piste cyclable (en fait une partie de la Flow-Vélo) qui me laisse à bonne distance des automobilistes et de leurs rejets pour le moins douteux… La fatigue m’a rattrapée mais je prends tout de même du plaisir sur cette piste ombragée et sans difficultés aucunes. Simplement ouvrir l’œil, pour éviter les innombrables branchages jonchant le sol. Les jambes tournent rondes, l’esprit vagabonde…

17h02. Je roule, je roule encore, je roule toujours. Mes arrêts réguliers mais brefs. Je ne fais attention ni à l’heure ni au kilométrage… Quel intérêt cela aurait-il ? Je suis en vacances, et mon seul but est de profiter du pays et de ses richesses. En proie un temps à une certaine lassitude, la faute à des portions trop plates, trop vides, j’ai à l’approche du Périgord retrouvé un monde joliment vallonné. Tout comme Nico l’avait prédit, lorsque nous avions partagé mon intention d’un périple en pays Périgourdin. Un espace où nature et génie humain ont trouvé leur équilibre. Villars, une photo hommage à mes grands-parents qui vécurent bien loin d’ici, au Villars ligérien. Relier un jour les deux ? Cela serait une idée intéressante. Je retourne l’image, et au dos écrirais : « Ici s’élève le château de Puyghuilhem, chef-d’œuvre de la Renaissance. Affectueusement. Votre petit-fils qui très souvent pense à vous ».

Le « village aux trois merveilles »

J’ouvre une parenthèse pour vous donner quelques lieux remarquables situés entre Marthon et Nontron :
     – Marthon : Donjon de la tour du Breuil, la chapelle Saint Jean.
– Feuillade : Eglise Saint pierre avec ses fresques intérieures.
– Souffrignac : Les jardins du Bandiat
– Varaignes : Le château, Lud’eau Vive (site dédié à l’énergie hydraulique)
– Javerlhac : La chapelle Saint (Nicolas ?) Robert
– Nontron : La coutellerie nontronnaise, le jardin des Arts

17h16. Nous approchons de la fin de l’après-midi et la cueillette continue. Jadis raisins, me voici mûrs. Nos routes regorgent de friandises.

17h27. Je découvre Saint Jean-de-Côte et tombe immédiatement sous le charme de la petite cité. Classée, maintes fois primée. Saint Jean-de-Côte se présente comme un trésor d’architecture au cœur du Périgord vert… Y coule « la côte », une charmante rivière qu’enjambe délicatement un pont médiéval. Un village où les maisons sont construites de murs ocres et de tuiles brunes… Un coin de paradis où un jour, c’est promis, je m’attarderais…

Saint Jean-de-Côte, un village typique du Périgord ….

19h55. La voici enfin, la photo. Du jour, peut-être celle du voyage. Comment résister à un coucher de Soleil aussi grandiose ? Récompense d’une belle montée, au pied de laquelle, je savais déjà que tout serait réuni. Les Bichets, lieu-dit situé sur la commune de Saint Cyr-en-Champagnes est une place haute. En atteste ce château d’eau à la topologie pourtant des plus commune. Pour l’atteindre, une rampe que l’on grimpe debout en longeant les arbres fruitiers… Au sommet, quelques bâtisses. Un chien, bancal, hirsute, qui jappe. Répondre … ? « Bonjour le chien. Ne t’inquiètes surtout pas. Je ne fais que passer. Surveille mon vélo. Pendant que j’escalade l’estrade. » L’heure est celle des promesses… Rétine dilatée, j’assiste au spectacle. La parade du Soleil, sa dernière ronde. Et puis, soudain. Plus rien. Le brûlot s’éteint…

19h55. La voici enfin, la photo. Du jour, peut-être celle du voyage. Comment résister à un coucher de Soleil aussi grandiose ? Récompense d’une belle montée, au pied de laquelle, je savais déjà que tout serait réuni. Les Bichets, lieu-dit situé sur la commune de Saint Cyr-en-Champagnes est une place haute. En atteste ce château d’eau à la topologie pourtant des plus commune. Pour l’atteindre, une rampe que l’on grimpe debout en longeant les arbres fruitiers… Au sommet, quelques bâtisses. Un chien, bancal, hirsute, qui jappe. Répondre … ? « Bonjour le chien. Ne t’inquiètes surtout pas. Je ne fais que passer. »

La parade du Soleil, sa dernière ronde. Et puis, soudain. Plus rien. Le brûlot s’éteint…

20h06. La volonté de continuer en moi toujours vivace. Dans cette France en souffrance qui pourtant mérite. Juillac, j’entends ton message et le relaye…

J’aborde cette fois le dernier secteur, à l’heure du clair-obscur. Le terme d’une étape qui m’aura mené vers mes montagnes adorées. La chance solidement chevillée au corps, j’ai esquivé toutes les averses. Les dangers… L’expérience compte un peu aussi je crois…

Je vais rejoindre Brive-la-Gaillarde, agglomération où se trouve l’hôtel où je passerai la nuit…. Une route trouvée presque par hasard. Sauvage à quelques mètres seulement de l’autoroute. Une merveille. Sinueuse, mystérieuse, couvertes d’herbes folles et de lièvres… Rester prudent. Index au phare, majeur au frein. Poumons emplis de liberté. Esprit exténué. Je peine à réaliser la distance que je viens de couvrir. Mon troisième 300 en quatre jours.  Parti ce matin de la Rochelle, me voici au pied d’un Massif qui les Alpes a vu grandir. Un Massif qui les Pyrénées a vu grandir. Un Massif sculpté par les âges. Un massif qu’il me reste à traverser !

Brive-la-Gaillarde / Saint Etienne. Voici le terme de ce voyage. Avaler en une fois, ce profil dantesque. Une étape que l’on attend au moins autant que l’on redoute. Un tracé fait en dépit du bon sens. Monstrueux car venant après 1150kilomètres en à peine 4 jours. 4 jours durant lesquels j’ai pu inscrire dans ma chair les paysage du Berry, de la Brenne, de la Creuse, le marais Poitevins, l’île-de-Ré, la riche région de Cognac ou encore le Périgord… Seul face au vent, frappé par le Soleil, heureusement très peu par la pluie. Usé par les longues heures de selles, les casse-croûtes à même le sol, les nuits écourtées. Fatigué. A fleur de peau. En condition de vivre chaque petit rien comme si c’était un moment de grâce…

Demain, j’ai décidé de me lever tôt. Avec la ferme intention de prouver que j’en suis capable. Effectuer cette traversée qui depuis longtemps me fait rêver. Le Trans-Massif Central, de ses versants Occidentaux à Orientaux. Au milieu ? Des montagnes., rien que des montagnes. Celles du Sud de la Corrèze, du Stratovolcan « Puy-Mary », des plateaux oubliés du Cézallier….

Lorsque toutes auront été franchies, il y aura encore des montagnes, mais ce seront les miennes. Celles du Forez où je suis né il y a une trentaine d’année. Celles qui me font vibrer… Ce parcours, je ne l’ai pas piqué à Pierre ou Paul. Je l’ai cousu pour moi. Du sur-mesure. Rêvé entre ciel et terre. Exigeant puisque point d’Orgue d’une expédition qu’en ces temps de restrictions j’ai voulu marquante… Inoubliable. Au même titre que d’autres voyages de plusieurs jours, et en autonomie. Pour moi l’essence même du cyclotourisme : Alès/Retour (4jours en 2013), Loire à Vélo (9jours en 2015), Stevenson (3jours en 2017), Nancy/la Boutonne (3jours en 2018), Saint Etienne/Nice de Ganagobie à Napoléon (5jours en 2019) …

Dans mon lit, inquiet, je consulte encore les chiffres : 325km, 5200m de D+. Il est minuit passé. Demain sera un combat. Les voisins gueulent, frappent contre les murs. Je n’en ai que faire. Demain. Quoiqu’il arrive, le réveil sonnera à 4heures. Et cette journée sera fabuleuse.

Bonne nuit … 😉

 

>> Saint Etienne

#OnRaconteQu’UneVoieTraverseCesMontagnes …

Epilogue d’un si beau voyage…
Brive-la-Gaillarde >> Saint Etienne… (J5) …🌲😎👌

C’est dans des rêves bien agréables que je voguais lorsque la vibration du pire me rappela à lui… Le rythme du voyage, pourtant, l’exigeait. Emplir les journées, les étirer autant que possible. Reprendre le contrôle. Il fallait pour cela partir tôt. Et finir tard. Entre les deux ? Laissez les choses « devant se produire » se produire. Prendre le temps de les apprécier…

La journée commence par ce qui au fil des jours est devenu mon petit rituel. Eclairer puis, allongé sur le dos, réaliser quelques étirements. L’objet n’étant pas tellement de trouver un brin de mobilité mais bien de vérifier que toute cette fragile mécanique fonctionne encore suffisamment pour supporter le poids de mon corps lorsque je serai debout… Une douche chaude et les deux viennoiseries glissées hier prudemment au fond du sac. S’habiller, un choix de vêtement pas toujours évident. Puis passer au chargement… Un équilibre à trouver. Ranger chaque chose, à sa place et bien au sec. Une précaution qui aura son importance lorsque, plus loin, on se retrouvera, immanquablement, perdu et fatigué…

Tout ceci prend du temps. Presque 5h30, et je quitte cet hôtel toujours profondément endormi. Casque attaché au sac-à-dos, vélo sur l’épaule. Je dois pour m’échauffer descendre par les escaliers 3 étages, franchir 2 portes coupe feux armées de ressorts épouvantables… Tout cela en ne commettant aucuns bruits. Personne ne m’a vu rentrer. Et personne ne me verra sortir. D’ailleurs. Je n’ai jamais été là. Et il ne faut jamais croire ce qui est écrit…

Nous sommes à la fin du mois d’août. Et la nuit, sombre et humide. Voilà bien une leçon que je retiendrai de ce périple. Un voyage avec des étapes aussi longues est préférable un peu plus tôt dans la saison…

Critique la soupe, il faut les croûtons qui vont avec. Car j’aime aussi ces heures matinales où l’humanité a déserté les rues… Je traverse Brive. Personne. Sauf cette patrouille qui me considère, avec insistance… Je flippe. Ça sent fort le contrôle du mec chelou. Réfléchir. Et agir comme si je ne les avais pas vu.  De toute façon, je n’ai rien à me reprocher. Mon éclairage est si ce n’est puissant, du moins homologué. Je porte mon gilet, et, sur mon cadre, sont un peu partout collés des stickers réfléchissant… Nous vivons dans un pays libre (du moins c’était vrai en 2020) et rien n’interdit aux gens de tous poils de faire un usage abscons parce que noctambule de leur bicyclette favorite. Brive endormie. Cette patrouille a refroidi mon envie de griller chaque feu rouge rencontré. Je ne suis pas très pressé finalement. De quitter la fausse sécurité qu’offre la ville et son éclairage publique…

Dans cette nuit sans lune ni étoiles, l’atmosphère me paraît bien oppressante. L’ombre des grands arbres encadrant la route, la présence perceptible d’imposantes montagnes. Ce pays reste sauvage et préservé. La nuit, elle, loin d’être silencieuse… C’est tout une vie qui s’anime ici, j’ai cru voir bouger ce fourré. Mon inquiétude me joue des tours, et c’est de cet arbre que semble venir un frémissement…. Etait-ce un écureuil ? Un volatile ou bien seulement le vent farceur… ? En contrebas, le murmure ronronnant d’un cours d’eau. Sans la clarté du jour, nous voici bien aveugles. Mais non privés de sens. Ceux-ci d’un coup s’aiguise. Je tends l’oreille, écoute ma peau. Au creux des paumes, le grain des routes. Je respire. Lâche prise pour enfin me laisser transporter. Distrait de mes peurs enfantines. Oui. J’aime rouler la nuit… Même seul.

Ménoire-le-Prehaut. Cela doit bien faire une bonne trentaine de kilomètres que je roule comme ça. Et obscurité décline doucement. La route n’a eu de cesse de s’élever depuis que je suis parti et j’évolue dorénavant à l’intérieur du plafond brumeux si commun aux matinées montagneuses. La fatigue et la faim rendent mille fois plus mordant la froidure de l’aube… De vastes campagnes, glaciales et isolées. Souvenir insupportable, m’y voici errant, un masque sur le nez. A croire que la maigre protection conférée présente au moins un avantage… Un automobiliste, roulant lentement en sens inverse. Derrière le pare-brise, me fait-il signe ? A moi qui, sous mon masque, et intérieurement. Souris…

Argentat-sur-Dordogne, l’extrémité sud de la faille d’Argentat, aux confins du Limousin de l’Auvergne et du Quercy. Cette dernière descente fut encore un vrai supplice…. Le corps tout entier transit, les doigts à moitié collés sur l’aluminium bien trop froid… Et puis je crève la dalle. Définitivement à la merci de cette voix intérieure qui s’époumone « Vas-y ! Mais laisses toi un peu aller. Jette l’éponge. A quoi cela sert-il te t’imposer cela. Sérieusement ? Tu t’en croyais vraiment capable ? »

Il est 8h. Et la vieille citadelle se révèle bribe par bribe, l’effet d’une brume étrange. Le quai Lestourgie, sur la Dordogne. De belles maisons aux toits sombres et parsemés de Lichens. Ce doux flottement lorsqu’au détour de la place du marché, j’aperçu ma délivrance. Cette chaleur douce et agréable qui à l’intérieur régnait. Cette boulangère charmante.  Ma gueule décrépie. Ces sandwichs aux garnitures toutes plus appétissantes les unes que les autres… Jambon de pays (avec fromage évidemment), quiche aux lardons, une part de flanc et deux croissants. Le cycliste pourrait paraître bon client. Il est seulement affamé. Et redevable. Redevable envers ce petit commerce qui est tellement fondamental. Sans lui. Pas d’aventures de ce genre. Moins de Yo-Yo émotionnel… Moins de passions. Moins de rencontres. Demain le progrès fera des cubes robotisés ouverts 24/24, et tout le monde sera content. 8h16, je rumine, un peu perdu, dans l’irréelle lumière…

Un réveil bien difficile. Premières lueurs, Argentat-sur-Dordogne…

9h34. Me voici tout en haut d’une belle montée durant laquelle je me suis doucement ressaisi. Saint Julien-aux-Bois. Le ciel toujours très gris m’offre une petite ondée que je peine à ignorer…

9h54. La route s’élève encore. Et le ciel, brusquement, s’éclairci. L’occasion de s’offrir une courte pause. Un peu avant Pleaux…. Au milieu des pâturages, de belles vaches, faisant tinter harmonieusement les lourdes cloches attachées à leur cou. Des pièces d’orfèvrerie (savez-vous combien peuvent coûter ces cloches ?). Accordées et harmonieuses.

Perçues du coin de l’œil ou de l’oreille, toutes les choses informent, intriguent, mais surtout inspirent…

10h51. Me voici désormais en Pays de Salers. Toujours magnifique malgré un ciel de nouveau devenu incertain. Je me rappelle la première fois où j’y suis passé, c’était à l’occasion d’une Cyclo désormais oubliée, l’Antonin Magne. De l’emblématique nous étions descendus sur le versant ouest du Massif Cantalien. Mine de rien, quand même le plus vaste volcan d’Europe, avec 2700km² !!! Tout de même, ça en fait ça encore des circuits !!!  Si le pédalage n’est plus tout à fait efficace, mes multiples arrêts me donnent au moins l’occasion d’observer ce miracle dressé à plus de 180° devant moi… Mais repartons, c’est une belle page qui nous attends…

11h32. Je trouve enfin la cité venue tout droit de l’époque féodale. Une ville si charmante où les terrains se vendent pourtant 5€ le mètre carré… Et pourtant. Quel cadre de vie privilégié.  Je m’assois quelques minutes au milieu de la place des Tyssandier-d’Escous. Autour, de belles demeures probablement édifiées par de riches bourgeois ou magistrats. Sombres façades ornées de blasons, toits en poivrières, linteaux sculptés et fenêtres à meneaux… Tout ici transpire le solide et le rustique. La pierre volcanique et la lauze dissimule ce joyau niché au pied des montagnes. L’un des plus beaux villages de France qu’il m’a été donné de voir. Assurément. Je me faufile à pied, dans la rue du Château. Mes calent claquent sur les pavés et résonnent d’un mur épais à l’autre. S’imprégner de l’ambiance. Entre ces vieilles pierres, une boulangerie à l’enseigne austère et qui ne propose ni croissant, ni pain au chocolat, ni la moindre viennoiserie … Pas de salé, quiche ou pizza non plus. Chou blanc…

Au lieu de tout ça, la patronne me recommande la tarte à la myrtille. Mais insiste pour que je goûte la tarte à la tome fraîche du Cantal… Signature d’un pays. Ainsi tenté, je cède, et ne regretterais point. Ronde, de couleur d’or, franchement délicieuse. Le vélo, un prétexte formidable pour s’initier à la gastronomie fabuleuse de nos territoires…

Salers doit sa réputation aussi bien à son patrimoine médiéval qu’aux richesses de son terroir…

12h. Le voici, l’épouvantail de la journée. La difficile ascension du Puy Mary, par les cols de Neronne (1242m) puis du Pas de Peyrol (1589m) … Deux cols qui cette année feront arrivée d’un Tour de France que chaque année j’adore un peu plus… Mais qui, trait d’une curieuse année, se déroulera assez bizarrement en septembre… Tant mieux. Cela me donne encore plus de temps pour découvrir ses routes en vrai.  Avant d’encore les apprécier davantage plus tard sur mon canapé, une bière à la main.

Le col de Neronne est pour une approche suffisamment facile pour y trouver mon deuxième souffle. Sur une route s’élevant régulièrement à même les flancs de la vallée, tel un balcon offrant juste ce qu’il faut de recul pour pouvoir pleinement apprécier le paysage volcanique de cette région préservée. Une région unique et ne ressemblant à aucune autre… Une région qui, à chaque fois, m’hérisse des poils de bonheur… Le spectacle est à couper le souffle… !

Le col de Neronne commence par une belle rampe, longue, douce et panoramique…

Le Puy Mary fût il y a fort-fort longtemps le plus grand Stratovolcan d’Europe… Un immense massif, formé entre 13 et 3 millions avant notre ère, une formation géologique immense, sensiblement conique et d’un diamètre de 70km.  D’en haut ? Des flancs creusés de sept vallées glaciaires s’étalant en étoiles… Et dans l’une d’entre elle… Un vélo, minuscule, qui parfaitement silencieux avance… Et votre modeste serviteur. Qui après un gros passage à vide retrouve doucement le sourire… Heureux en ces lieux si magiques.  Le plaisir absolu de la montagne. La simplicité totale d’un voyage à vélo. L’incertitude, et la liberté associée…

12h16. Le col de Neronne, altitude 1242m… Il passe ici ! Venez, on vous attend … !

La 13ème étape du TdF 2020, entre Châtel-Guyon et le Puy-Mary est une étape 100% volcans

12h57. Voici les trois derniers kilomètres du Pas de Peyrol, un final où dans quelques semaines, le trop-sage Roglic croira avoir garder la main sur un Pogacar débordant de panache et d’ambition … Trois kilomètres d’une rampe un peu folle… Arqué sur la machine, trois petits kilomètres où chaque mètre arraché à la montagne revêt le goût d’une petite victoire… Collé au bitume. De multiples inscriptions à l’intention des champions, et au milieu cinq lettres revendicatrice face à l’injustice : « DDEAV » pour « Donnons des Elles au Vélo ». Des filles fortes, un projet, une fraternité, un courage et des valeurs… Solène alias « Soso » la régionale, Claire, présidente et porte-parole, Karine qui après le Tour fera les 1000 du Sud… Sûr que les quelques kilomètres partagés en leur compagnie garderont une place à part dans mes nombreux souvenirs cyclo… Bref, des fois ce n’est pas que du vélo.

Coraline, Bettina, Nathalie, Valérie, Magali, Aline, Laura, Céline, Caroline, Karine, Sandra, Solène, Ofélie, Claire… Né en 2015, le projet est celui de filles qui défendent un Tour de France 100% féminin. Et aussi un peu plus. 3443kilomètres en trois semaines pour plus d’équité. Je ne peux que m’incliner. Et partager.

Pied-à-terre à la sortie de la dernière épingle. Je suis seul donc sans témoin. Et cette dernière ligne droite, c’est en poussant le vélo que je la ferai. Sans précipitation, l’œil avide de ces paysages magnifiés par la brume… Au sommet, les coureurs du Tour, eux, en auront fini. Tandis qu’il me restera encore un peu plus de 200 kilomètres à couvrir. L’avenir appartiendra à celles et ceux qui savent s’économiser…

13h09. Epuisé par l’effort d’une heure et demi d’ascension, vélo chargé, je me tiens enfin debout au sommet… Les doigts engourdis par cette brume humide, j’envoie un petit sms à mes parents qui leur arrivera déformé… « Pas de pétrole épique… » … Il leur aura bien fallu un instant de réflexion, mais ils auront compris…

Le pas de Peyrol restera le point culminant de ce voyage en direction de l’Océan.

Avec le froid et l’humidité qu’il règne ici, pas question de trainer. Je plonge dans la descente et celle-ci est terrible, dans cette soupe épaisse qui m’enveloppe et me cache les virages… Mains sur les freins, tout phares clignotants, je glisse tremblotant au pied du géant Cantalou.  Priant intérieurement pour que cette météo quasi-automnale, ne soit que passagère …

…. Arrivé à Dienne, un modeste village fait de maisons serrées les unes contre les autres, je retrouve non sans plaisir un petit coin de ciel bleu… L’eau du bachat, parfaitement limpide, coule abondamment … Je ne m’en prive pas. Observant les détails imagés d’une plomberie certainement centenaire…

Après les routes oubliées du pays de Brive, ce passage en altitude était le deuxième acte d’une journée de vélo pas comme les autres… Pas le dernier cependant… Ce qui approche est une promesse… On l’appelle Cézallier, ces vastes plateaux qu’affectionne tant Romain. Romain qui nous a promis qu’un jour il nous emmènerait en faire le Tour… (voir le reportage photo du 16 cols à Lier)…

Laissant l’étang de Collanges et le lac Sauvage sur ma droite, j’emprunte la route étroite qui mène à Fortuniès. Bifurque ensuite à gauche, par la D31 qui m’offre soudain son panorama sublime sur le lac du Jolan… Un reflet du ciel dans la verdure joyeuse des terres immenses… Un espace de jeux infini pour le vent, qui d’une colline à l’autre, gonfle et enfle, bruisse et siffle, gronde et frappe … Ma joue droite rougie, je tends l’autre… Docile. Car ce voyage m’a fait entrevoir quelque chose d’important. Si le vent est bien souvent épuisant, il est aussi quelque part le meilleur ami du voyageur solitaire… En formidable pourvoyeur de son et d’ambiances… Virant de bord, j’ouvre la voilure. Déconnecté, mon imaginaire flirtant entre les plateaux Mongols et les landes Ecossaises…

L’étang de Jolan… Au cœur de l’une des plus remarquables tourbières d’Auvergne, classée Espace Naturel Sensible… Il n’est pourtant pas bien grand en comparaison de ce vaste Océan qu’il y a deux jours je côtoyais. Pourtant. Pourtant…

La beauté et l’étendue de ces paysages m’émerveille, dans mes tripes, dans ma chair et dans tout ce qu’il y a de plus profond en moi… Je me sens véritablement enfant des montagnes.

14h25. Allanche, ultime rappel à la civilisation.  Son clocher austère, sa tour et au carrefour, cette pancarte discrète que mes yeux dévorent… Camping « Les Gentianes ». Allanche. Tu me donne rendez-vous. Alors Allanche, je te promets, que dans ton giron, un jour, je reviendrais…

Avant de reprendre la route de ces contrées désertées par l’Homme, je m’octroi une petite pause bien méritée au détour d’un virage. D’une main aveugle, j’extirpe du fond de mon sac ce qui fut jadis un pain au chocolat joliment moelleux et savoureux…  Compacté par les soubresauts de cette route sans fin, la galette a gagné en consistance…

« Ici aussi, il y avait des foires, mais c’est fini. Mercredi prochain, il y en a une… Vingt bêtes au foirail. Mais c’est pour le folklore. Comparé aux cinq cents bêtes de l’époque… C’est fini tout ça ! Maintenant on vend les bêtes directement sur internet. On vend bien des humains sur internet… »

 

14h52, la route qui s’élève, sur ces hauteurs où jamais le vent ne cesse… Je suis à Chavanon et franchirai bientôt le col de Baladour, et ses 1207m… Sur cette ligne de crêtes, tourne et tourne le présentoir à cartes postales… Perplexe. Sur l’une d’elle, de jaunes prairies, un ciel moutonnant, une ferme de vaches rouges et de graciles rotors caressant le vent… Ma longue chevauchée solitaire est désormais concentré de sentiments fantastiques… Je vis ce paysage de moyennes montagnes, des plus saisissants, et sans nulle autres pareils.

Mon voyage touche à sa fin et je sens que le temps s’accélère. Les jours raccourcissent. La température baisse. Je dois aller plus vite sans sacrifier l’essence de mon voyage : rester ouvert à l’inconnu et – le plus difficile – profiter du moment présent sans trop anticiper la suite…

16h18. Je roule en direction Paulhac, un village situé avant Brioude où je m’engage à planter le drapeau des 200 kilomètres… De longs traits droits, menés grand plateau, m’ont fait perdre rapidement l’altitude que j’avais si longuement acquise. L’herbe est plus verte ici. Les mûres plus mûres. Et la ligne soulignant l’ensemble plus douce… Ne faire qu’un avec la route, en oublier l’effort, et, tout simplement, se laisser glisser…

Quitter le ciel, redescendre sur terre, joindre Brioude et la Senouire.

16h30. Je dépasse la vieille Tour de Paulhac…

16h45. Voici Brioude où je m’arrête un instant pour ravitailler… Un savoureux sandwich montagnard, jambon cru, roquette et fromage de pays, qui m’aura suivi depuis Argentat-sur-Dordogne… Et puis il y a cette hésitation… Question d’horaire et d’itinéraire. Car si j’envisageais hier de rallier le Puy depuis Brioude dans le but d’y attraper le TER pour Saint Etienne, mes errements du matin ont remis en cause cette option… Le train cité partira à 18h44, deux petites heures à peine… Je suis émoussé. Et doute désormais profondément de mes capacités à y arriver… Si je rate ce train, il me faudra encore suivre les Gorges de la Loire. Une route certes bucolique, mais qui allonge grandement. Avec une arrivée probable à Saint-Etienne vers 2/3 heures du matin… C’est rude. Mais il y aurait cette autre solution… Abandonner l’idée du train, et couper court. Par les plateaux de Sembadel et d’Usson-en-Forez. Routes empruntées récemment en compagnie des fines lames du Tour des Arbres de Haute-Loire…  Une possibilité qui devrait néanmoins m’amener au-delà des 5000m de dénivelé positif…  Effort jamais anodin… mais toujours mémorable. J’hésite, tergiverse. Cette option pure bike me laisse espérer une arrivée vers 23heures, minuit dans le pire des cas… Ce serait bien. D’autant que la météo annonce des épisodes orageux pour la soirée. Je décide. Choisir les plateaux du Forez sera un choix de raison, le dernier de cette aventure.

17h47. Au milieu des résineux, j’aborde le dernier tronçon de ce périple. Epuisé jusqu’au fond de mes tripes mais également serein au plus haut point… Les longs voyages vous placent dans cet état second qu’il vaut mieux vivre plutôt qu’expliquer. Un état de grâce, fragile et éphémère… Progression lente dans la longue montée qui me transporte vers Saint Pal-de-Senouire puis Sembadel. S’accorder tout le temps qu’il sera nécessaire… Patient. Sur cette route en sous-bois et légèrement humide… Dans le pré d’à côté, soudain, cette jument tachetée qui bruyamment s’étale. Et moi qui, aussi assommé qu’elle, me marre…

18h03. Le ciel s’est paré de sombres volutes et de violets profonds … Perdu dans ce morceau tendre de campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer, me voici plus que jamais prêt à danser.

Au solstice de cette année, Craponne fut choisie comme orée des A.R.B.R.E.S. remarquables…

19h43. La gare de Craponne-sur-Arzon… Siège de ma dernière gaufre…

20h02. Je laisse derrière mois Pontempeyrat, et l’Ance enjambée par ce vieux pont de pierres. Quelques lacets pour s’extraire de la vallée… Et saisir, au vol, ce qui restera le dernier cliché d’un voyage magnifique au Phare des Baleines… l’Astre orangé qui s’efface, fuyant, au loin par-delà les montagnes…

Le soleil se couche sur ce qui sera bientôt la fin du voyage…

 

Sur les hauteurs des Monts du Forez, la nuit est tombée plus rapidement que je ne l’espérais… Au gré de cette course poursuite perdue, rattrapé par mon ombre, j’avance solitaire dans l’obscurité apaisante… Le pale halo de mon éclairage laissant miroiter les noms des villages que j’ai appris à connaître tandis que j’étais encore petit… Usson-en-Forez.  L’averse gronde ce qui a le don d’agacer les corbeaux qui du grand arbre s’envolent avec fracas… Saint Bonnet-le-Château dont je perçois la masse imposante de l’église fortifiée… A droite à l’intersection, en direction de la gare où les chiens aveugles dans l’obscurité jappent à n’en plus finir. Bang, le trou que je n’avais pas vu se propage entre mes vertèbres et manque de m’envoyer au fossé. Agrippé au guidon, je fusille mes freins sur cet enrobé truffé de pièges…

Saint Just-Saint Rambert, et ouf de soulagement.  Le vélo doucement adossé à l’une des rares bornes de recharge rapide présente dans la métropole stéphanoise… Un message maladroitement pour dire que je suis arrivé… Une pâte de fruit pour se donner du courage… Entre-temps. Il s’est remis à pleuvoir…

J’arrive. Détrempé et extasié devant les mille trois cents cinquante kilomètres (pour 13000m de D+) que je viens assez égoïstement de m’offrir… Heureux et satisfait comme je n’aurais pu l’imaginer au moment où les grandes lignes du projet furent esquissées… Oui, des grandes lignes car ce projet que je pourrais qualifier d’intempestif fut tracé la veille pour le lendemain. Avec seulement quelques checkpoints mais surtout un objectif. Celui de rallier le phare des baleines, depuis Saint Etienne. Entre les deux, exercée et boire jusqu’à la lie cette merveilleuse liberté de pédaler pour découvrir… Porté par un sentiment puissant de « petit miracle » … Celui de se dire, je l’ai fait, pour rien, juste pour soi. A tire d’aile, viser encore une fois l’Océan… Et en revenir… Pas nécessairement plus fort… mais très certainement plus mûr… 😉

 

Parcours

GPX : #SaintE/PhareDesBaleines-J1, J2, J3, J4, J5
Pays : France
Distance : 331km / 280km / 112km / 311km / 326km
D+ : 3600m / 1465m / 287m / 2658m / 5154m
Durée : 60h 57min
Sport : Cyclisme Route


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