2019
08.21

La Squadra&Nico, 7/7 au Paris-Brest 2019…. :-)


Il était une fois…

De gauche à droite. Daniel, Damien, Philippe, Marie-Claude, Marc, René pour la Squadra. Ainsi que Nicolas de l’Amicale Laïque Fayol Gaffard….

Un parcours de légende…. 1219km reliant Paris à Brest, puis Brest à Paris, un peu plus de 11 000m de dénivelé positif et une multitude de cotes (au nombre de 365 paraît-il)….. 80 heures pour réussir….ou ne pas réussir…. 7 copains pour ce défi….

 

Nous l’avons fait, et nous l’avons bien fait… ! Parti à 7, nous allons à 7 au bout de ce Paris-Brest. Franchissant la ligne tous ensemble, après 75 heures et 11 minutes d’efforts.
Les voici, notre plus grand exploit, et notre plus belle récompense…

 

Crédits : Paris-Brest est un défi hors norme qui m’a, je l’avoue, un peu paralysé…La peur de l’échec, de la chute, un besoin impérieux d’éviter toutes dépenses énergétiques inutiles…. Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi mais j’aurais traversé cette épreuve sans jamais utiliser mon téléphone. Celui-ci réglé sur le mode avion, me voici immerger totalement dans cette grande Aventure… Sans Strava ni sms, en déconnexion totale. Juste le Paris-Brest assis là, en face de moi… Juste moi et mes camarades…

Désireux de partager mon expérience, je me suis permis de récupérer ici et là quelques photos et vidéos, en précisant leurs origines lorsque cela m’a été possible… N’hésitez pas à me contacter si jamais l’utilisation de l’un de ces documents devait vous poser problème… J’y répondrai aussi rapidement que possible. Sportivement. Damien.

 

Paris-Brest-Paris….Une épreuve mythique, une épreuve de dingue… Considérée par beaucoup comme l’Everest du cyclotourisme, comme un Graal absolu ou un modeste bâton de pèlerin… Le départ sera donné demain mais c’est un rêve que nous poursuivons déjà depuis longtemps…Grâce aux brevets qualificatifs qui resteront également inoubliables ….#200-Feurs, #300-Gillonnay, #300-Feurs, #400-Gillonnay, #600-Feurs….

 

PREAMBULE : La veille du grand départ…

 

Samedi 17 août 2019. Il est un peu plus de 6 heures lorsque je rejoins Philippe et Marie-Claude sur les hauteurs de Panissières. Comme convenu, nous allons covoiturer à trois jusqu’à Rambouillet, suivi par une deuxième voiture où Marco, René et Daniel trouverons place. Nicolas qui a voulu s’acclimater au climat breton en y passant ses vacances devrait nous rejoindre là-bas… du moins… si tout se passe bien…

Nous effectuons la longue route jusqu’à Paris sous une météo peu engageante… La pluie s’est invitée pour semble-t ’il tester une dernière fois notre motivation. Inquiet, je jette un coup d’œil à travers la lunette arrière. Nos trois vélos sont détrempés … tout comme leurs transmissions… Je pense à ces longues heures passées à bichonner la bête.

L’ambiance dans la voiture est tout en retenue… La météo pluvieuse n’y est certainement pas étrangère mais il y a aussi cet immense défi qui devient concret à mesure que nous approchons. Et peu importe que ce soit le premier, le deuxième ou bien le septième… , Il y a toujours cette même appréhension… Car tout le monde sait bien que Paris-Brest ne tolère aucun écart. Que le moindre petit grain de sable, aussi petit qu’il soit, peut mettre un terme immédiat à l’aventure…Tout doit être parfait. Le matériel, le physique, le mental… Nous nous sommes préparés autant que nous pouvions. Reste maintenant à découvrir si la chance se maintiendra à nos côtés…

Nous avançons bien. Le GPS nous conduit de petites routes zigzaguant à l’écart des grands axes… Derrière-nous, le Picasso vert nuit de Marco. A l’intérieur Daniel commente peut-être les errements de la conduite numérique… Il n’a pas tout à fait tort. Mais le temps passe plus vite lorsque le parcours réserve quelques surprises… Nous atteignons enfin la bergerie nationale de Rambouillet dont le parc de plusieurs hectares accueille pour la première fois le Paris-Brest. L’endroit est le plus bel écrin que cette 19ième édition pouvait espérer. Immense, superbe avec ses bâtisses, ses parcs, ses étangs et ces cyclistes venus des quatre coins du globe…. Le contrôle des vélos est pour nous prévu à 13h45. Nous mangerons tout à l’heure… Nous voici dans la longue file d’attente conduisant aux commissaires. Debout sous la pluie… Ce n’est jamais facile… un Paris-Brest….

L’entrée du Pigeonnier, c’est ici que nous effectuerons notre tour d’honneur….(Le blog de Brigitte)

« Besoin d’un parapluie … ? » Cette voix je l’ai reconnue tout de suite …. C’est celle de Marguerite, une amie Lyonnaise (et Alsacienne) de Romain. Marguerite va prendre part au concours des machines, sur un joli vélo dessiné rien que pour elle… Celui-là même qu’elle nous avait dit hésiter à acheter lors du dernier Tour du Vaucluse (cf. édition 2018, les discussions autour d’une bonne pizza).  Elle en a de la chance Marguerite… Nous discutons un peu, sous la pluie ruisselante. Nous nous souhaitons de réussir… Son téléphone sonne, la file m’emmène avec Marie-Claude et Philippe… Bonne chance Maggie, j’espère te revoir demain, ou bien prendrai-je de tes nouvelles dans le futur numéro de 200…. Et il y en aura, dans le n°22, Marguerite finira son premier Paris-Brest en 76h35 minutes… Mais en doutions-nous … ?

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Bonne chance Maggie M, je trinque à ta santé 😉

L’attente avant le contrôle (Véloblan)

Nous avançons doucement, au milieu de cette foule bigarrée et multiculturelle… C’est LA plus belle particularité de cette épreuve…. Tous rassemblés ici par un but et une passion commune…. Asiatique, Américains, Européens, Africains, pas moins de 66 nations représentées avec lesquelles nous allons pédaler, pour le meilleur…. et peut-être aussi pour le pire….

Une petite vidéo illustrant la diversité croisée sur Paris-Brest… Ce sont les voix….de Paris-Brest….

Le contrôle des commissaires est rapide, mais sérieux… A Paris-Brest, on ne badine pas avec le règlement, les commissaires attachant une attention particulière à la présence d’un éclairage en parfait état de marche ainsi qu’à la vérification des freins. Il y a tellement d’enjeux que je me demande qui pourrait être assez fou pour venir avec un vélo délabré. La révision de mon côté a été totale. Pneus et patins neufs, éclairage doublé à l’avant et à l’arrière, guidoline doublée sur le haut du cintre…J’ai seulement fait l’impasse sur la mise en place d’une chaîne et de cales neuves… D’un geste adroit que voici mon numéro de dossard accolé sur le dessus de mon cadre. Ce qui revient à dire que j’ai été déclaré apte. Aurevoir Messieurs, à très bientôt… J’attrape un bidon officiel au passage…

Deuxième étape, la récupération du dossard… Pas d’attente sous la pluie cette fois, nous pourrons nous abriter sous les hautes toitures de la Bergerie…. Mais d’abord…. Il nous faut garer le vélo au parc… Dans une boue collante qui vous arrive à hauteur des rayons…. Je me dépêche, Philou et Marie ayant déjà filés… Efficace les tourtereaux !!!

Le parc à vélo, transformé en véritable champ de boue (Véloblan)

Sur le chemin, je croise plusieurs personnes qui ont de prêt ou de loin participées à l’aventure des qualifications… Maurice (81h57), en sandales et bermuda, parfaitement détendu… Toujours son air malicieux et en pleine forme après le double périple Ganagobie / Napoléon que nous avons terminé tout récemment. Et puis il y a toujours ses petits conseils rassurants qui finissent à force de vous convaincre que tout ira bien… Regis ensuite (69h03), le sourire jusqu’aux oreilles, il rayonne dans ce nouvel imperméable fluo qu’il vient d’acquérir… Ici, Régis est dans son jardin. Ce sera son cinquième Paris-Brest je crois …. Et s’il me confie être inquiet après son récent tour de reins, j’ai tout de même confiance. Sur une jambe ou sur les mains, Régis peut finir un Paris-Brest….Le sourire d’une force tranquille… La Bergerie n’est plus qu’à quelques mètres…. Mais avant de l’atteindre, voici Julien qui accompagne Jean-Pierre… A eux deux, ils forment Craponne…. Des cracks, des cadors comme Joëlle les appelle.  Ma première question est de savoir si record il y aura… ? Car en sachant que le troisième larron sera Benjamin, cela paraît plus que probable. Marie et Philippe ont déjà récupéré leur pochette, et moi je suis encore à la traîne…. Mais c’est que je suis bien content de les revoir. Tous cs camarades auprès desquels j’ai œuvré durant ces huit derniers mois… Et puis il y a cette excitation d’avant course qui commence à m’enivrer. Le dossard, les consignes, en tant que novice, je me fais bien tout expliquer comment cela fonctionne, la plaque de cadre que l’on fixe la PUCE BIEN VERTICALE, le numéro collé à cheval sur les évents du casque. Je me nomme désormais E099. Je glisse dans ma poche la belle carte de pointage sur laquelle il me faudra donner un numéro d’urgence. On ne sait jamais… La gentille dame m’aide à fermer l’étroit bracelet bleu (ouf, à un trou près c’était trop grand…) qui me permettra de récupérer mon vélo …. Voilà, c’est tout bon. Philippe et Marie ont mis à profit mon retard pour négocier le gilet floqué que Gilles n’aura malheureusement pas l’occasion de porter cette fois…

Nous croisons Marco, Daniel et René tandis qu’ils se dirigent à leur tour vers le poste de retrait des dossards. Les nouvelles de Nicolas ne sont pas bonnes. Il est toujours coincé dans les bouchons aux environs de Chartres…. Si seulement il avait fait beau, nous aurions pu profiter du parc en l’attendant… Mais la boue dans laquelle nous pataugeons n’incite pas à la flânerie…. Vite nous retournons nous abriter aux voitures dans lesquelles nous déjeunerons. Entre la salade de riz format maxi et le dessert, j’ai pu avoir Nico. Sa femme et ses enfants l’ont déposé à l’entrée du parc il y a tout juste quelques minutes…  Il est déjà au contrôle des vélos…. Enfin dans la file d’attente…. Je ne sais pas si je dois lui dire combien c’est long… « Allo Marc, c’est Damien, Nicolas est arrivé… Il est au contrôle… » Nico, je te donne le numéro de Marc, essaie de l’appeler aussi… Mais on peut toujours compter sur le trio infernal. Le Picasso attendra Nico et tout rentrera dans l’ordre… Nous les retrouverons à l’hôtel…un première classe…

La monture équipée de sa plaque de cadre et surtout… de sa roue magique…Merci Joëlle !…

Mais voici venue l’heure du dîner. Repas de veille de course, à la cafétéria du centre Leclerc. Et si nos plateaux sont lourds, l’atmosphère reste… un peu froide…  Et puis au fur et à mesure que les assiettes se vident, l’ambiance se détend et devient carrément joviale… Les anciens du PBP nous racontent avec force ce que nous allons vivre… Parfois je les soupçonne d’occulter les aspects les moins joyeux…. Les fameux « mais » qui terminent souvent les phrases de ceux qui savent …. Demain nous allons donc prendre le départ, motivés, affûtés, sapés de notre beau gilet floqué du logo rouge… J’ai vraiment hâte de vous le montrer…. Mais pour l’heure, allons-nous coucher. C’est une bien longue journée qui nous attend demain.

 

Paris-Brest…

LIVRE I : LE REVEIL DE NOS CINQ SENS….

CHAPITRE I : L’interminable Attente…

 

Dimanche 18 août, il est déjà tard lorsque nous nous éveillons. Nul besoin de nous presser en effet, notre heure de départ n’est fixée qu’à 17 heures… Soit quatre heures environ à pédaler de jour avant d’entamer la nuit complète…. Il est donc sage de nous reposer. Autant que nous puissions. Chaque minute de sommeil glanées ici augmente nos chances de réussite… J’ai réussi à m’en convaincre et, chose rare, moi qui n’arrive d’habitude jamais à dormir les veilles de courses, j’arrive finalement à fermer les yeux… quelques minutes.  Nico, avec qui je partage la chambre, semble lui moins perturbé par ce qui nous attends….

Dix heures, nous descendons prendre le petit déjeuner et nous ne sommes loin d’être les seuls… L’hôtel grouille d’engagés. Des Italiens, surtout… Et c’est la machine expresso, qui n’est à priori ni verte, ni blanche, ni rouge en pâtira… !

A l’extérieur et sur les balcons, fleurissent cyclopèdes en tout genre… T-shirts rayés, peluches casquée, épaules houssées… tous s’affairent autour des montures chargées de lampes, de sacs et autres babioles permettant de passer le temps… L’équipement du vélo est pour tous synonyme de stress. Car il n’est pas si facile d’organiser 3 jours de vie sur un si petit vélo…. Savoir différencier l’essentiel du superflu…  Un vrai casse-tête…. Et voilà pourquoi il vaut mieux anticiper … je choisirai de faire confiance à ma liste, et de ne plus toucher mes sacs… …. L’affaire est dans le sac….

Et tandis que nous nous attachons à ces derniers préparatifs, de grosses averses s’abattent toujours sur la banlieue parisienne… J’échange un coup d’œil à Nico. Lui est aussi au moins aussi inquiet que moi… Mais que sommes venus faire dans cette galère. Les anecdotes milles fois entendues du Paris-Brest 2007 reviennent nous hanter…. 900km de pluie sur les 1200 kilomètres du parcours… Ce ne sera décidemment pas possible…. Heureusement les prévisions pour la suite de la journée sont bonnes… Et puis nous avons les chambres jusqu’à midi, nous attendrons …

Midi, les vélos sont précautionneusement chargés. Direction de Rambouillet… Bip, Bip, ZZZZZ, ZZZZZZ, voici un petit message d’encouragement de Gilles et Joëlle qui vivront cette aventure depuis leur demeure Saltoise… Le message est bref, mais nous fait un bien fou. « Joëlle et moi on a quelque chose à vous dire, bonne chance et à mercredi au téléphone. Profitez bien de votre Paris-Brest. La première fois c’est fantastique. A 17 heures on regardera si vous êtes tous bien partis. Bon appétit en attendant. Bye, Bye… » Un petit message qui nous motive et qui nous rappelle que Gilles a suffisamment récupérer de son appendicite pour garder un œil sur nous… Et c’est bien heureux car j’étais justement en train d’affiner les détails de mon plan de fuite ….

Nous sommes de retour dans le parc de la Bergerie Nationale de Rambouillet. Ce site choisi comme lieu de départ est superbe. Mais il est aussi immense (5 hectares dit-on) et il n’est pas facile de s’y retrouver au milieu de cette foule marchant dans toutes les directions. Indécis entre détacher les vélos ou aller manger, nous cédons à l’appel du festin … Parti à pieds, nous ne mettrons pas longtemps à comprendre qu’il serait bien plus sage de faire demi-tour pour prendre avec nous les vélos…. Nicolas, qui est du genre mec organisé prend en photo la Laiterie de la Reine… Nous sommes garés à coté, et si le nom ne s’oublie pas, mieux vaut prévenir…  C’est la première fois que la Bergerie accueille Paris-Brest, et il est important d’être compréhensif avec les quelques lacunes de cette édition. Gageons que des informations et quelques flèches seront ajoutées au programme de l’édition 2023.

Un coup d’œil sur ma Kalenji achetée pour l’occasion. Il faut savoir que je ne porte que très rarement ma montre, mais la gestion du temps sera ici quelque chose de primordiale m’a-t ‘on dit… Cet accessoire sera donc bien plus utile qu’un onzième pignon. Sur le cadran, il est bientôt 14 heures. La pluie a cessé mais il fait toujours frais…. Regardez bien les pavés sur la photo prise à notre arrivée au parc à vélo, vous constaterez qu’ils sont toujours humides… !!! Vous ne l’aviez pas vu…, rassurez-vous, c’est parce que l’on crève l’écran … 😉 !

La dream-team, même si nous ne savons pas encore…. Cette photo restera également comme celle qui parue dans le journal Le Progrès. Dommage que Nicolas y ait été coupé. La Squadra préfère en tout cas l’originale.

Allons-y, passons aux choses sérieuses. Nous pénétrons dans le grand chapiteau, pour le dernier repas avant jugement…. Philippe et Daniel en profite pour nous faire un long briefing…. Marie-Claude et Marco les écoutent attentivement. Et oui mon Nico, tu te demandes probablement ce que tu fais là… Daniel insiste, René appuie. Les nouveaux dont je fais partis pensent peut-être que les choses s’imposeront d’elles-mêmes. Que nous n’aurons pas le choix.  Mais c’est faux. Le rappel des consignes comme des 37 minutes qui nous ont fait si souvent sourires impose la carte de route, du moins pour cette première partie d’aventure. Ayant tous les mêmes règles en tête, nous pourrons nous y accrocher. Et faire de notre groupe un ensemble cohérent. Après. Et bien l’aventure tient dans un format de 1200 kilomètres… Une seule consigne est dès lors universelle. Celle de gérer… De gérer, de gérer, de gérer. Et si ça ne suffit pas. De gérer encore m’avait dit Bernard…. Voyez donc dans quel état j’ère ….

Philippe à la manœuvre…. On parle stratégie de course, organisation du peloton, techniques de formation…Des pros !!! Philippe se rappel clairement le déroulement du Paris-Brest 2011… 8 ans déjà, et pas l’ombre d’un doute… !

15 heures 30, l’heure fatidique est désormais toute proche… Nous devrions y aller…. On s’égare un peu, dans le parc, entre les vélos spéciaux et nos absences… Mais où peut bien être passé encore Nico ? Nous a-t ’il vu rejoindre les sas où seront donnés les départs. Nous sommes la lettre E. Et Nico nous a fort heureusement retrouvé… Nous nous asseyons dans l’herbe, mais si celle-ci est encore un peu humide, le Soleil, lui, a fait son apparition. Nous assistons aux vagues de départ successives… Avis de tempête. Une forte houle va s’abattre sur la Bretagne, et parmi elle, des voyageurs que nous connaissons… Allez Jean-Pierre, allez Florian, allez Régis… Viendra ensuite notre tour … Et ce sera pour de bon, le début de l’histoire…

Les Vélomobiles…ces bien drôles machines… René. Perplexe…

Nico, dans la cour intérieure de la Bergerie….A quelques minutes du départ, on se sent tous plus ou moins bizarre…. .

C’est la cohue au départ….Daniel pourtant, assis au premier plan, reste zen…sous le Soleil….

 

CHAPITRE II : Les premiers mètres…

17 heures… Nous y sommes…, il n’est plus question de jacasser, et c’est au vol que nous nous intégrons à la vague « E »… L’organisation du départ est néanmoins déroutante.  D’abord, il y a le premier pointage sous un chapiteau bien fragile. On y contrôle aussi les plaques…  Un peu surpris, je peine à trouver la bonne page pour apposer le tampon humide… Dans un carnet de six pages, c’est quelque peu la honte. Le livret dispose dans sa partie centrale de deux doubles pages qui se ressemblent étrangement…. Mais à y regarder de plus près, la différence est notable. L’une concernant l’aller tandis que l’autre indique le retour… Et pour ne rien arranger, ces deux-là sont imprimés à l’inverse l’une de l’autre. Les bénévoles voyant mon embarras se montrent sympa et me remette le carnet à l’endroit… Et Ploc… Le premier cachet…. Le tout premier d’une longue série…

A Paris-Brest, les contrôles se font avec le respect de la tradition…c’est à dire, par tampons humides…

Ce premier contrôle effectué, nous empruntons de longues allées en gravier faites rien que pour nos fins pneus. Commencer Paris-Brest par une crevaison, quel mauvais signe du destin ce serait…  Nous continuons d’avancer. Devant nous la vague « E » s’est amassée sous l’estrade où un speaker tente sans grand entrain de présenter le gratin fédéral. Le président connait à priori bien Paris-Brest pour l’avoir effectué à de nombreuses reprises. Malgré cela, il a dans la voix la retenue de celui qui doute. Alors bien sûr, nous aurions peut-être aimé un peu plus de folie, de musique… Comme sur les cyclos où l’on s’applaudit avant de laisser filer les chevaux. Mais Paris-Brest est définitivement bien différent…. Le travail effectué en amont et durant l’épreuve par les nombreux bénévoles sans commune mesure… Nous ne pouvons que respecter. Et leur adresser, un sincère et non moins immense merci…  Vraiment…

Rambouillet, le 21 août 2019… Le plus beau cachet de l’histoire du vélo….

Je franchis maintenant la « porte » électronique (oui, le Parisbretiste du 21ième siècle est pucé) à 17h00 et 25 secondes (on appelle cela, la ponctualité…), il me reste à moi et compagnons de route 80 heures pour aller voir à quoi ressemble l’Océan Atlantique pour ensuite, changer d’avis et revenir… Une formalité ! Descente légère, nous passons sous la haute grille ouvragée qui délimite le parc… Autour de nous, des dizaines de personnes qui crient, sifflent et applaudissent. La voici l’ambiance dont nous avions besoin. C’est sensas… Me voici gonflé à toc…mais pas autant que Daniel qui…lui… nous a déjà pris quelques longueurs !!!

Les premiers tours de roues sont ceux de la découverte. Nous avons tellement mangé vélo sans en faire ces derniers jours que nous avons oublié comment nous y prendre… Nous souhaitons nous projeter mais les montures résistent. Moins bêtes que nous, elles ont déjà compris….

Après les premières lignes droites, les premières constatations… Le vent sera de face…. Et plutôt fort…. Dominique m’avait pourtant prévenu…. Mais tout n’est pourtant pas négatif. Le fait de partir par grappe de 400 nous a permis de constituer des groupes suffisamment grands pour nous abriter. Ainsi, c’est à une bonne soixantaine que nous progressons… Dans un groupe dont la géométrie varie continuellement….  Le premier checkpoint sera Mortagne-au-Perche…. Il n’est pas utile ni obligatoire d’y pointer… Mais nous nous y arrêterons pourtant.  Car il n’est pas question de passer une nuit entière sans nous être ravitaillé avant….

Bernard Le Bars (L’Equipe magazine)

Gilles nous avait prévenu. « Faites attention au départ, car à Paris-Brest, ça part comme s’il n’y avait que 120km à faire…. Sauf qu’il y en aura 10 fois plus… 120, et 120, et 120, et 120 et…. Vous verrez, c’est très long… Alors économisez-vous !!!! » Ce conseil en tête, nous roulons à allure honorable mais toujours un cran en dessous de ce que nous aurions pu faire. René, qui entame son deuxième Paris-Brest, n’a d’ailleurs pas embrayé d’office dans la roue d’un Daniel qui est décidemment en grande forme.  …. René impose son tempo, 28/30 km/h ce qui est bien assez élevé pour moi…. Les jambes ne répondent pas aussi bien que je ne l’espérais…. Je ne suis cependant pas trop inquiet…  Après toute cette attente, le stress du voyage et des inscriptions, avec toute cette route qui devant nous s’étale… Quoi de plus normal pour le corps que de faire un peu de résistance ? Un seul remède valable dans ces cas-là ? Prendre un ou deux relais pas forcément très appuyés mais qui permette de se rassurer en décollant la soupape bloquée sur « Protection du Bonhomme »…. Voici une méthode qui a fait ses preuves. Quelque relais court passé devant.  Voilà que mes jambes d’abord réticentes acceptent de se montrer plus volontaires… Le pédalage doucement s’arrondit… Le rythme est trouvé. Tout devient alors bien plus facile….

Le groupe au sein duquel nous évoluons n’est pas parfait. Car si nous sommes une bonne soixantaine, seuls un duo d’Italiens, l’un grand, l’autre petit, et Daniel mènent l’allure. Trois devant, et tous derrière…. Voici la triste et dure loi du vélo… La petite Reine n’a que faire des braves… Sauf lorsqu’ils roulent seuls. J’y serai probablement aller il y a quelques années. Mais depuis j’ai appris. J’ai appris qu’il vaut parfois mieux être l’homme qui suit que celui qui se fait attendre. Je me retiens d’aller fanfaronner aux avants postes… D’autant que le vent ne semble point calmé par la nuit qui tombe…

Est-ce que mon corps tiendra ? Est-ce que ma tête tiendra… Voici ce que je désire apprendre de mon premier Paris-Brest… 1200km, 3 jours d’efforts quasi-continu, une quasi-privation de sommeil… Il serait présomptueux de faire des plans sur la suite de cette aventure… Soyez-sûr que la route ne manquera point de me remettre son verdict…. Et il faudra l’admettre…

Les longues lignes droites où le Soleil s’éteint (Le Blog de Brigitte…)

Il est bientôt 20 heures, et nous approchons des plus belles heures de la journée… Nous roulons toujours droit, droit, vers où le Soleil se couche….Le groupe s’étire puis se comprime, comme sensible aux pulsations du vent…. A droite et à gauche, de grandes étendues jaunies et vallonnées qui s’éclairent dans la chaude lumière de cette belle soirée d’été… Coup d’oeil rapide par dessus l’épaule, je distingue non sans peine les maillots  bleutés de la Squadra…. Un nouveau coup d’oeil, un peu plus long et appuyé cette fois-ci, Nicolas est juste derrière…. Notre petit groupe est au complet…. et rien ne viendra troubler sa cohésion, ni les tandem à deux ou trois places, ni les vélomobiles, drôle de tripodes carrénés …..Et si voir ces engins en cote me fait toujours sourire (allez-y, essayez, grimper moi le ce col assis dans votre baignoire….), il faut bien avouer que ces machines de l’espace sont ultra-efficaces lorsqu’il s’agit de descendre ou de fendre le vent…Et quel bruit….!!!!

Cars, ne soyez pas si sérieux messieurs, Flash va vous en mettre plein la vue…

Triplette, à chaque coup d’œil, vos amis vous suivent…Mais attention au dos d’âne… !

Terminé les vastes champs de blé, nous voilà entré dans une région boisée, celle du Perche et de son parc régional. Le terrain se montre plus accidenté et je prends avec Daniel, sans vraiment m’en rendre compte, quelques longueurs d’avance sur le reste des troupes. Nous levons un peu le pied. Daniel se montre satisfait, nous allons arriver à Mortagne-au-Perche avant l’arrivée de la nuit. Ce qui est idéal et conforme au plan fixé avant le départ. Nous prendrons le temps de nous restaurer, et de repartir, rassasié, pour une belle nuit avec les étoiles comme meilleure compagnie…

Mortagne-au-Perche, point de ravitaillememnt non officiel du parcours….

Extrait Ouest-France, 19/08/2019…« Sur la route de Paris-Brest-Paris, Mortagne-au-Perche acclame les cyclistes…. »

Entre la ville du Perche et la course mythique, l’histoire d’amour dure depuis de nombreuses années. 150 bénévoles sont mobilisés pour l’accueil des cyclistes, à l’aller et au retour.

Il était 19 h 30, dimanche soir, quand les premiers cyclistes sont entrés dans la ville. Comme à chaque édition, Mortagne-au-Perche est ville accueil pour les participants, à l’aller, comme au retour. 150 bénévoles sont sur le pont pendant plusieurs jours. Répartis en équipes, ils se relaient à raison de quatre heures de présence continue.

Car si les premiers cyclistes fendent la bise et ne s’arrêtent même pas pour se ravitailler en eau, certains prennent le temps de remplir leurs bidons, voire de prendre un repas au Carré du Perche. À l’entrée de la salle de spectacle, les Mortagnais attendaient les sportifs et les acclamaient à chaque passage.

Les passages se sont succédé tout au long de la nuit. « Entre 23 h et minuit, il est passé un cyclo toutes les deux secondes », lance Eric, bénévole. Les premiers participants sur le retour sont attendus dès mardi midi.

 

CHAPITRE III : La nuit, tous les chats sont gris….

Mortagne-au-Perche, dans le parc, c’est toute la ville qui nous accueille… Philippe tient à nous rappeler une nouvelle fois les consignes, 37 minutes, le temps maximum que l’on s’autorise pour se ravitailler. Cela est court car nous nous sommes nombreux et les zones de ravitaillement dont celle-ci sont souvent étendues… Il va donc falloir nous montrer organisé. Faire vite, aller à l’essentiel, et surtout rester groupé.

Si les deux premières consignes sont à peu près respectées, la troisième n’a pas percuté…. Moi-même un peu perdu (à ma décharge, ce n’est que mon premier Paris-Brest…), j’accroche la roue de Daniel et fait tout pareil comme lui…jusqu’au menu. Soupe en entrée, purée et rôti de porc à la sauce champignons comme plat de résistance.  Un gâteau de riz pour finir, moi qui n’aime pas trop ça…allez hop…à table…. Tout juste le temps de poser la fourchette pour se remplir un verre, toute la tablée semble avoir mis le grand braquet et la purée en deux-deux disparaît…. René et Marco ont sur nous pris un peu de retard …  Tandis que le prix du Pit-Stop le plus rapide est remis à Philippe et Marie-Claude …

Nous rejoignons le parc au vélo, encore assez surpris du nombre de spectateurs venus nous encourager…. Paris-Brest n’a pas volé son titre de vraie institution….

La nuit est tombée mais tout le monde n’est pas d’accord sur l’attitude à adopter…Car si les manchettes font l’unanimité, il n’en ai pas de même pour les jambières…Scission en deux camps. Celui des frileux d’un côté (Philippe, Marie-Claude et moi), et celui des moins frileux, René, Marco, Nicolas….et Daniel qui, ne s’embarrassant pas de ces considérations, n’en a pas emporté… !

René profite de ces tergiversations pour peaufiner les réglages de sa machine… Avec ses cales neuves, il trouve la selle trop basse… et le rendement, quasi-nul… Qui le croit ? Je lui prête mon multi-Tool… mais peut-être n’aurais-je pas dû… de ces quelques millimètres de gagné vont naître les Watts… René retrouve l’efficacité… La Sky est de retour… Accrochez-vous… !

Nous repartons enfin, parfaitement visibles dans nos chasubles jaune fluo… La nuit, autour de nous, s’est resserré. La qualité de l’éclairage que m’ont prêté Gilles et Joëlle est splendide, tout comme celui de Nico provenant de l’Atelier du vélo (tenu par Guillaume que je salue au passage. MàJ L’Atelier du vélo a depuis fermé). Equipés comme nous sommes, nous bénéficions de l’atmosphère unique de la nuit, sans en subir les inconvénients. Inversions des couleurs. La route n’est plus qu’un fin ruban clair sinuant dans l’obscurité. Le calme de la nuit est l’aspect le plus frappant.  C’est une certaine sérénité qui nous enveloppe…Nous glissons silencieusement. Accompagnés simplement du cliquetis singulier de nos roues libres et des pneus sifflant sur le bitume. Chacun de nous à sa propre signature acoustique.  Et nous apprendrons ainsi à nous reconnaître.

Dans cette pénombre, l’affichage de nos compteurs ne nous ait plus d’aucunes utilité. Nous expérimentons l’étrange mais trompeuse sensation de vitesse que procure la nuit…. Aux curieux qui me questionnent souvent sur notre périple, je livre délibérément notre secret… Et oui nous roulons aussi la nuit. Et il se trouve que nous aimons ça… Les yeux alors s’arrondissent…. « Mais comment faites-vous… ? » « Et bien j’ai une lampe sur mon vélo… et des piles dans le sac à dos… ». Voilà exactement ce que m’avait répondu Christian il y a un an…

Le masque et la cape ne sont qu’artifices… Les pouvoirs jamais surnaturels. Les secrets de la réussite sont simples. Travail, abnégation et le plus important, l’optimisme… Le reste n’est que fadaises…

PS : Emportez tout de même avec vous quelques barres. Aux céréales ou aux amandes de préférences. Car celles-ci pourraient, on ne sait jamais, vous sauver la vie… 😉

Dans les creux de la nuit… Eblouissons-nous…

Outtttch … Perdu loin dans mes pensées, l’onde parcourant l’intérieur du groupe me surprend… Une musaraigne, juste sous nos roues, vient de traverser… Puis à zigzaguée, débordante de vitalité… Coup de guidon sec pour l’esquive… C’était moins une. Le genre de rencontre éclair que l’on peut faire la nuit… Il y a des musaraignes. Des lapins… Et parfois des chauves-souris… A non, ça, c’était Jacky…Salut Jacky.  La nuit est le seul territoire que nous avons laissés aux animaux…Et c’est donc à nous de faire attention…

Nous traversons plusieurs villages richement décorés pour l’occasion… Au bord des routes, s’étale vélo enguirlandés, messages de soutien, fausses indications kilométriques…. « Brest à 1000km… » Paris-Brest est une fête où toutes les populations participent. On s’y souhaite régulièrement « Bon courage… » « Bonne chance… » et aussi parfois « de se revoir sur le retour ». J’ai cette image qui me reviens. Nous roulons paisiblement quand…à l’orée d’un village…. J’entends le grincement douloureux d’un volet que l’on entre-ouvre… Et puis il y eu ces quelques mots… « Respect aux courageux ».  Leurs consonnances magiques ont l’effet d’une bombe énergétique…  Le volet s’est à peine refermé. Et nous voici déjà repartis…

Paris-Brest, une l’école de la patience…. 1200km, et malheur à celui à qui il tarderait d’arriver…

J’aperçois de loin le panneau marquant une entrée en agglomération. D’abord indéchiffrable, le nom devient peu-à-peu visible. En toute-lettres, Villaines-la-Juhel…. Christian l’a maintes et maintes fois évoqué, Gilles aussi… Villaines, c’est l’un des cœurs palpitant du Paris-Brest… De par son ambiance et aussi parce que cette ville signifie. Située à 200 kilomètres de Paris sur le retour, celles et ceux qui l’atteindront toucheront leur bonheur des doigts… Mais pas avant.

L’organisation mise en place par la commune est effectivement digne des plus grands évènements…. Car bien qu’il soit une heure du matin passé, nous allons y trouver la chaleur et le réconfort apprécié d’un petit-déjeuner consistant…. Je constate que nous avons encore tous bon appétit… ce qui est bon signe…. Il est d’ailleurs temps de mettre un terme à cette ancienne croyance qui veux que le cycliste, amateur soit-il, se nourrit exclusivement de graines. Qu’il honnit le beurre et les matières grasse. Le sucre et le gras sont la vie…

Je mangerai à l’occasion de ce ravitaillement deux pains-aux-raisins, un croissant et une énorme part de flan… La gourmandise est une qualité première sur Paris-Brest… Il est indispensable de ne point trop s’écouter. Et de se faire plaisir. Un café fumant servi avec le sourire… Une parenthèse enchanteresse avant de reprendre la route.  Un repos exquis…

Villaines-la-Juhel, premier pointage officiel….Il est 1h30 du matin…. l’heure idéale pour prendre son petit déjeuner….

C’est reparti, vers Fougères cette fois-ci que nous devrions atteindre au petit matin. Fougères, c’est aussi un peu les portes de la Bretagne…. Reste un peu plus de 89 kilomètres à couvrir au cœur de cette nuit qui devient de plus en plus froide… J’avais beaucoup hésité avant de partir mais je ne regrette finalement pas mon choix d’avoir pris avec moi ma veste et mes gants d’hiver… J’étais prévenu… les nuits de la fin août sont souvent fraîches…

Nous avons adopté un rythme un peu moins soutenu… Et ce n’est pas plus mal car le vent toujours présent commence à user les organismes… Marco et Daniel ont pris la tête du groupe, tandis qu’à l’arrière garde, notre communauté de fans grandie…. La comète Halley avait sa traîne, la Squadra rassemble… C’est un peu pénible, mais tellement merveilleux 😉 …

Je suis assez surpris. Nous avons fait une bonne partie de la nuit mais je ne suis pas trop affecté par le sommeil… La forme est là et l’envie, forte… Savoir que l’aube arrive tôt à cette époque de l’année me rassure… Pour l’instant, tout se passe bien, la seule ombre au tableau étant finalement cette envie d’uriner qui depuis plusieurs kilomètres me taraude… Fougères approche mais je dois me résoudre à demander un arrêt au groupe… Une demande assez bien accueillie, car je n’étais pas le seul. Une pause brève sous la Lune. Fougères n’est plus qu’à 14 kilomètres… Et le jour ne tardera plus à paraître.

6 heures, nous atteignons la cité fortifiée… Nous avons parcouru 300 kilomètres, et venons de terminer notre première nuit sur le vélo… il en restera deux… Fougères, ma brève échappée, Fougères, mon dieu que tu es belle…

 

CHAPITRE IV : L’Aube d’une belle et grande journée de vélo…

« T’as pas vu Fougères, t’as rien vu… ». Voici le slogan de la ville…. Il faut dire que la place forte impressionne. Avec son Château et son Beffroi … Nous pourrons maintenant dire que nous avons vu Fougères. Et pourtant. Nous n’avons toujours rien vu…

Fougères, à l’heure du ravitaillement. Voilà que recommence cette triviale poursuite qui devient routinière dans cette aventure… D’abord se pointer à la salle en haut puis redescendre pour finalement s’en tirer à bon compte… J’aurais pu faire bouliste plutôt que vélocipédiste. Quant à ceux qui combinent les deux activités, je les comprends… Devant la salle, allongeons nos vélos qui l’ont bien mérité… Restaurons nous mais ne nous endormons pas…. Devant nous s’annonce une belle et grande journée de vélo que nous n’oublierons pas…. Car notre plan n’a pas changé. Rouler et rouler encore pour, si les jambes l’autorisent, atteindre Brest en soirée et y passer la nuit… Nous aurons alors couvert près de 615km d’une traite, soit la moitié du parcours. Et quoiqu’en pense les psychiatres, nous nous en sentons capable. D’ailleurs nous l’avons déjà fait. A l’occasion d’un 600 mémorable… !

Photo prise par Joëlle, à la cime de la Loge des Gardes, avec de gauche à droite, Gilles, Christian, Nicolas, votre serviteur et Régis… On n’a pas l’air, mais nous avons fait kilomètre 540km / 600 (brevet qualificatif 600km, Morvan)

 

Extrait Ouest-France, 14/08/2019, Fougères acceuille le Paris-Brest

Le Paris-Brest-Paris revient à Fougères. La ville va accueillir près de 7 000 cyclistes.

Du 18 au 22 août, le Paris-Brest-Paris revient. La ville de Fougères, fait partie des quinze étapes du parcours.
Elle va accueillir près de 7 000 cyclistes. Ils pourront s’y badger, se reposer et se restaurer avant de reprendre la route vers le Finistère.

Fougères est concernée par l’étape 3 : Villaines-la-Juhel / Fougères et l’étape 4 : Fougères / Tinténiac. Les cyclistes se rejoindront au lycée Jean-Guéhenno.
Pour cela, ils emprunteront les boulevards Michel-Cointat et Edmond-Roussin. Ce dernier sera bloqué à la circulation.

Cette randonnée revient tous les quatre ans. Il n’y a ni podium, ni classement. Seul le plaisir de l’effort compte.

 

La fatigue que nous ressentons renforce la sensation de froid qui nous enveloppe lorsque nous quittons la salle. La rosée du matin est tombée et le matériel tout bonnement détrempé… Ce qui rend la reprise particulièrement désagréable. Les premiers rayons du soleil ne tarderont pas et permettront de nous réchauffer… Je consulte la carte de route apposée sur le dessus de mon cadre… Tinténiac est annoncé à tout juste 55km ce qui en fait le secteur le plus court du parcours…. Mais pas le plus facile cependant… D’autant que la nuit n’aura pas réussi à calmer le vent qui souffle toujours aussi fort… « Comment ça va ? » « Comme un lundi. » « J’sais pas c’que j’ai, j’peux pas pédaler. » « Un p’tit café ? » « Allez, c’est parti ». « Si c’est permis, c’est mercredi… »

Il est difficile de s’extirper de Fougères. Une grande route en léger faux-plat qui n’offre pour seul abris que celui de mes compagnons de route… Sur leurs visages, quelques traces laissées par cette première nuit blanche… Mais rien d’affolant. On dirait même que certains ont fait cela toute leur vie. Nicolas a lui un peu plus de difficulté à se remettre en route… Peut-être est-ce un léger manque d’expérience. Premier 300, premier 400, premier 600 et premier Paris-Brest cette année… La progression est rapide… Je me laisse décrocher du groupe, me retourne…. Il est là, à quelques mètres à peine… Gérant son effort pour éviter de se mettre dans la zone rouge… Il gère. Devant, le groupe a ralenti, et c’est sans difficultés aucunes que nous effectuons la jonction…

Quelques villages, quelques champs, quelques arbres… Le groupe avance mais Daniel manque à l’appel… Il n’a rien dit et nous commençons à nous demander s’il n’a pas eu un souci ou reçu un appel. A aucun moment nous n’envisageons que notre guide ait pu accuser un coup de fatigue. Et pourtant.  Sur Paris-Brest, personne n’est à l’abri. Nous nous arrêterons … quelques secondes seulement avant de le voir réapparaître au bout de la route. Entre temps devant nous sont passés Polonais, Américains, Philippins, Corréens… Et combien d’autres nationalités encore… C’est le monde entier qui progresse ainsi, mélangé… A nouveau au complet, nous repartons…  Je profite de ce moment calme pour tailler la bavette avec Philippe. Celui-ci me rassure… En l’absence de Gilles, c’est lui notre sage… Avec lui nous irons au bout…tous ensemble. Il l’a promis à Gilles…. Et nous lui faisons confiance…

Tinténiac, quatrième pointage, il en reste donc trois sur le chemin de l’aller… A ma montre il est 9h10… Personne n’a vraiment faim et si Marie-Claude et Philippe partagent leur sandwich, je me contenterai d’un fruit… Nous nous sommes assis quelques minutes sous la tonnelle installée au coin de la cour… Nous parlons des petites choses simples que l’effort rend remarquable… Sur nos visages, des sourires… Et tout autour de nous, des sourires …  Le monde entier rêve de Paris-Brest… et c’est un rêve qu’il convient de cajoler…

D’un geste de la main nous remercions les bénévoles pour leur accueil… Nous allons à présent laisser   l’Ille-et-Vilaine derrière nous pour rejoindre Loudéac et les Côtes d’Armor… Nous continuons d’appliquer la bonne vieille méthode des cyclo-long cours, c’est-à-dire, celle consistant à envisager l’objectif suivant sans jamais envisager l’objectif dans sa globalité…. Une méthode simple qui a déjà fait ses preuves et fonctionne avec nous à merveille. Loin de nous l’angoisse du parcours. Nous allons nous focaliser les 85km immédiatement devant nous. Une distance que nous maîtrisons parfaitement. Pourtant les 85km à venir n’ont vraiment rien d’excitant… Je pense à Christian qui m’avait beaucoup parlé de la route qui se durcit après Loudéac…. Et honnêtement j’ai véritablement hâte d’y arriver car, mise à part la cote de Bécherel surmonté de sa fragile antenne, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent dans ce pays… En fait ça manque de densité. Les lignes droites trop longues sont monotones … la vitesse trop stable génère un sifflement se faisant bien trop monocorde… Bref, cette progression trop routinière m’endort…

Heureusement, il y a la Squadra. Sans eux, je crois bien que je me serai laissé glisser dans le confort douillet du fossé…. Grace à eux, j’ai envie d’écourter la sentence en me montrant actif. M’en sentant encore la force, je rejoins l’avant du groupe pour prendre un long relais et je m’applique…. Nous rattrapons quelques cyclistes isolés, et même quelques clubs…. Je sais que la Squadra&Nico est dans ma roue. J’en suis ravi. Et puis derrière, il y a les followers qui n’aiment pas le vent… De plus en plus nombreux… Quel dommage pour eux… Ne savent-ils pas que l’air le plus pur est à l’avant…

Nous nous approchons d’un ravitaillement non officiel. Nous nous y arrêterons… A peine le pied posé à terre, je prends une remarque de Daniel et Philippe qui me disent de ne plus tirer tout le monde comme je viens de le faire… Selon eux je suis en train de me griller… Je ne répondrai pas car je sais qu’ils ont raison. Rouler devant, c’est empêcher les autres de voir que vous grimacez… Je ne regrette pourtant pas ma petite incartade. Le temps passe plus vite lorsque l’on est devant, et puis c’est surtout moins chiant que de surveiller la roue de celui ou celle qui vous précède … Toujours cette vielle histoire du Golgoth qui me trotte dans la tête et dont je peine à me débarrasser. J’ai toujours aimé sa force brute. Celle consistant à baisser la tête et s’arquer de toutes ses forces contre les éléments. Avancer coûte que coûte. Le cyclisme s’apparente parfois à un sport de combat… Et comme dans tous les sports de combat, celui qui n’utilise que ses jambes à d’avance perdu. Alors j’enregistre, et me ravises. Je continuerai à prendre quelques relais, mais ils seront courts et maîtrisés… De quoi participer à la vie du groupe tout en se maintenant éveillé.

De plus en plus nombreux sont les cyclistes allongés dans les prés…

Loudéac. Nous avons tout récemment croisé des éoliennes apparemment ravies de voir le vent dans leurs grandes ailes. Délit de face, nos espèces sont véritablement bien trop éloignées pour se comprendre… Le message qu’elles chantaient était pourtant clair. Vous voici enfin arrivé au cœur de la Bretagne…

Bientôt 450km, ‘après-midi n’en est qu’à ses premières heures et c’est avec un certain soulagement que nous accueillons l’idée de pouvoir se ravitailler… Et il était temps, car la cohésion du groupe commence doucement à s’effriter. Oh non pas qu’il s’agisse de mauvais mots mais comment ne pas remarquer que l’élastique jadis serré s’est depuis peu à peu distendu… Marc et René ont pris quelques longueurs. Marie-Claude, Philippe et Nicolas fermant la marche, toujours prudent. Daniel entre ces deux groupes hésite….

La belle entente que nous avions jusqu’ici réussi à maintenir entre nous n’est plus… Mais n’en soyons pas surpris. Partir à sept pour un parcours comme Paris-Brest relève du défi. Chaque corps, chaque esprit évolue différemment sous les coups de butoirs kilométriques… Les écarts physiques s’aggravent… Et c’est en ça que la maîtrise de ses émotions devient primordiale. Paris-Brest est avant tout une course de tête et je suis parti avec des caractères qui, s’ils sont forts, acceptent pleinement la puissance d’un collectif. Nous ne cèderons pas à la fatigue… Nous allons nous appliquer à repenser solidaire car ceci est notre meilleure chance de l’emporter… Gilles avait d’ailleurs eu cette phrase peu avant le départ. « Pour gagner du temps, il faut avant tout savoir prendre soin de ses équipiers… Aider celles et ceux qui en auront nécessairement besoin, à un moment ou à un autre. » A méditer…

Ravitaillement de Loudéac. Je me souviens de deux choses. La première est importante, la deuxième non. Alors d’abord, il manque une place pour Daniel. Et puis ensuite qu’à Loudéac la vie est chère.  Beaucoup plus qu’ailleurs et c’est pourquoi nous éviterons cet arrêt au retour. Le seul petit truc à corriger pour 2023… Mais Loudéac reste un mythe… !

Loudéac. C’est cette année le deuxième club le plus représenté avec pas moins de 24 participants…. Un exploit qui méritait d’être souligné…

Pour ceux qui ne font pas la course mais officient en tant qu’organisateurs, quelques souvenirs de notre Squadra, remontant à l’âge où Feurs organisait la Semaine Fédérale ….
C’était en 1989, j’avais deux ans… Tous semblent avoir gardé du Forez de bons souvenirs … On les comprend.

Les rues étroites et typiques de Loudéac…

Extrait Le Télégramme, 19/08/2019, Paris-Brest-Paris, passage obligé à Loudéac

Les chiffres donnent le tournis : 6 667 participants (dont 534 femmes) ont pris le départ du Paris-Brest-Paris 2019. 60 nations sont représentées, parmi lesquelles le Japon, le Canada, les États-Unis… Les cyclos ont 1 200 km à parcourir en moins de 90 h.

À Loudéac, près de 400 bénévoles sont mobilisés. 550 lits de camp, loués à la protection civile, sont disponibles pour les cyclos du 19 au 21 et des repas sont servis non-stop pendant les trois jours. À la mi-journée, ce lundi 19 août, 1 200 cyclos avaient déjà pointé au point de contrôle et seulement 4 abandons étaient recensés. Les premiers sont arrivés vers 6 h ce matin et devraient repasser en sens inverse dans la soirée pour rallier Rambouillet.

Des animations sont prévues dès 17 h ce soir au lycée Saint-Joseph, avant l’arrivée vers 18 h 30 des cyclos loudéaciens engagés.

 

CHAPITRE V : Ils ont des vallons ronds, Vive les Bretons….

Mais cessons de perdre notre temps… Enfourchons nos montures et pressons un peu les talons contre leurs flancs encore fumant. La vieille Carhaix n’est pas une ville des plus patiente… Et l’atteindre ne sera pas chose aisée. Plusieurs blogs font état de la dureté de ce secteur. Je vous le confirme. Il n’est pas facile. Mais tellement plaisant. Fini les bandes rectilignes qui nous ont permis d’atteindre Loudéac. Le parcours se fait ici bien plus aventureux. Les routes sont étroites et le revêtement, davantage granuleux…. Tout autour, l’arrière-pays breton que je découvre pour la première fois me plaît. L’authenticité des campagnes mêlée à la beauté des villages traversés. J’aime ce relief que certain juge parfois cassant, souvent usant. J’aime ce vent qui depuis le départ balaye nos sens… Le taux d’oxygène frise l’excès … C’est grisant.

La pénurie de force se fait sentir. Nous n’avons pas le choix. Il nous faudra nous redresser, debout sur les pédales, dans un combat qui vu depuis l’extérieur semble bien trop inégal… Mais cela rend le jeu tellement moins ennuyeux… Nous redécouvrons dans la difficulté le bonheur de pédaler. Les liens du groupe se resserre… Philippe et Marco ont choisi de réaffirmer les règles qui impulseront aux bleus et roses une nouvelle dynamique… Les individus cassant le groupe et le rythme sont poliment priés de reculer… Ceux qui aident sont, en revanche, encouragés. L’efficacité du train bleu en dépend…

Malgré tout ça, Daniel est souvent devant. Tic-Tac, notre cadence devient le reflet saccadé de son tempo. Fixer sa roue surtout, guetter la moindre de ses accélérations pour ne pas se faire surprendre. Le vent est à l’affût de l’interstice qui lui permettrait de s’infiltrer. 50 centimètres, il ne lui en faudrait pas plus. Mais le vent c’est aussi une qualité rare. De toutes les histoires connues, il n’a jamais frappé de dos…

Il y a des lectures qui ont le pouvoir de modifier à jamais votre perception du monde. La Horde du Contrevent est de celle-ci. A sa lecture, j’ai mis des mots sur ce que je cherchais depuis toujours dans ma pratique du vélo. Inconsciemment. Celle d’une pratique épique où la réussite ne serait pas synonyme de victoire mais d’un ultime dépassement de soi. La Squadra sera ma Horde. Paris-Brest, ma quête.

Au milieu de ce décor posé, Daniel campe le rôle du Golgoth, un traceur de génie et dévoué tout entier à la cause et à sa Horde…Le Golgoth est cet insatiable bouffeur de vent et de poussières que rien ne pourra faire reculer. Le fer de lance d’une armée qui dans la trace de son pas avance… L’homme qui derrière toujours se décalera d’un pas… Comme poussé par le besoin inextricable de se sentir toujours en prise…  Marco tient la seconde ligne, celle de Firost, le pilier à l’appétit d’ogre. Son rôle pur est celui du contre. Et le vent lui-même finira par s’en accommoder. René est Tourse, l’Oiselier-Chasseur. Jamais nous ne le verrons forcer.     …. Quant à Philippe, il a de l’Erg en lui… Diminués physiquement, ses interventions seront rares, mais toujours implacables… Nicolas tout comme Caracole sera l’homme de la situation. Inconstant, surprenant mais toujours sympathique et doué d’une conversation facile.  Repérable immédiatement par ses couleurs vestimentaires tranchées, un élément rapidement devenu indispensable…. Marie-Claude en Callirhoé veillera à maintenir la flamme… Grace à elle nous réussirons l’objectif que nous nous étions fixés. Celui de finir tous ensemble.  Dotée d’un mental en acier trempé, cette femme impressionnera bien des spectateurs par sa force et sa ténacité. Les femmes ne sont encore pas si nombreuses à Paris-Brest (534) … Elles le méritent… Quant à moi, qui écrit ce petit bout de texte…. Il se peut que je devienne… pour ceux qui me liront et par la force des choses… Sov. #SovQuiPeut… Mais que voulez-vous… On ne choisit pas toujours.

La Horde du Contrevent comme la Squadra….une équipe qui décoiffe, assurément…

Yep ! Nico, tu vas où là ????   Réveille-toi…. Une petite frayeur pour Nicolas qui dans cette fraction de seconde à quitter sa trajectoire pour se rapprocher de l’autre côté de la route… Le travail de sape auquel la fatigue nous soumet est terrible. Que pouvons-nous faire… ? Nous venons d’apprendre que dormir à vélo est tout-à-fait possible… bien que hautement déconseillé…

Shooté par l’adrénaline, Nico à les yeux désormais bien grand ouvert. Nous tâchons de discuter. Car le voici le meilleur moyen d’oublier le sommeil… Parler. De tout, de rien, des kilomètres parcourus bien sûr mais jamais de ceux qu’il nous reste à faire, de la météo, des vacances… de la Bretagne aussi…. Parler et encore parler…

Et tandis que le sommeil s’oublie… les paysages, à nos fenêtres entre-ouvertes, défilent… Les vélos avec eux nous emportent, à une vitesse de croisière qui leur est propre… Regarde un peu par ici, ce bocage au milieu duquel coule cette rivière… Clop-Clop. Vois-tu un peu par là…  Ces vieux arbres plantés de la main des anciens comme pour souligner la ligne imposante des bâtiments agricoles …. Et la route s’allonge ainsi. Bordée de fossés moelleux où s’allongent quelques cyclistes vaporeux… Continuons. Toujours un peu plus loin. Devant nous, il y a cette tablée dressée de sucreries en tout genre. Abricots, pruneaux, génoises… A côté de cette belle table, un enfant, la main tendue vers nous. Nous la tapotons en passant… Les enfants adorent ce jeu. Mais ce qu’ils ignorent. C’est que nous l’aimons encore plus. A cet instant, et malgré notre fatigue, nous nous savons privilégiés… privilégiés de la route… privilégiés de la vie, aussi ….

Les enfants du Paris-Brest. Par Bernard Le Bars (L’Equipe magazine)

Le contrôle-ravitaillement secret de Saint Nicolas-du-Pelem

Nous venons d’arriver à Saint Nicolas-de-Pelem… Le contrôle secret que tout le monde le connaissait… Nous trouvons sur les tables quatre-quarts et gâteaux marbrés dont nous ne ferons qu’une bouchée… Nico qui s’est absenté quelques minutes, revient avec des crêpes roulées dans leur feuille d’aluminium…  Ce sont des crêpes maison. Des crêpes bretonnes. Et elles sont succulentes….

Attablés les uns à côté des autres, nous formons la tablée du Forez… Indissociable. René blague, Marco tranche… Assis parmi eux, j’ai l’étrange sensation que quelque chose a changé. Le flottement perceptible aux environs de Loudéac à céder place à une cohésion nouvelle… Comme si, au gré des kilomètres, nous apprenions à accepter nos différences, à partager cette Aventure…

Il nous reste une centaine de kilomètres à parcourir avant Brest. Et puis après… ? Je me demande comment mes compagnons envisagent le chemin du retour ? Le croient-ils possible… A les voir tous si déterminé, je suis convaincu que oui. A aucun moment l’un de nous n’a émis ce redoutable mot qu’est l’Abandon.  Malgré cela, le retour reste pour moi inenvisageable… Car cela fait maintenant des semaines que je retourne les choses dans tout les sens. Pour moi, Paris-Brest, aller, serait déjà l’Exploit que je serais si fier de réussir… La possibilité d’un retour n’est qu’une chimère… A laquelle j’éviterai de croire.

Chaque personne à ses ressorts qui lui permette de se tromper elle-même… L’un des miens est celui-là… Focaliser sur la moitié du parcours … et une fois celle-ci parcourue, prendre le reste comme un bonus… Cette manière d’aborder les sorties longues m’a jusqu’ici toujours permise de réussir,  le 400 d’abord, puis le 600… En y réfléchissant bien, j’avais procédé de la même manière pour mon premier 300 à Feurs en 2016, ou mon premier 200 à Nevers en 2011… Les brevets ne sont jamais nombres premiers. Et toujours décomposables. En 2×100, 2×150, 2×200, 2×300 ou 2×600… La multiplication est toujours la même…L’effet ? Rassurant.

Levant les yeux, j’aperçois un panneau indiquant la direction de Carhaix… Cette ville est connue comme étant le chef-lieu du Poher, Pays traditionnel de Cornouaille… Ce qui signifie au moins deux choses. Que nous sommes au cœur du Finistère…. Mais encore bien loin de l’Atlantique. Tout autour de nous respire la Bretagne… Les maisons rustiques sont longues et préfèrent la forme rectangulaire… les murs sont épais et robustes comme le granit typique de cette région…. Les toitures sont faites de la couleur de l’ardoise. Très pentues, leurs rebords sont tronqués, comme durement déchirés par la force éléments… De leur fenêtre, l’on peut apercevoir de vastes espaces fait de collines et de prés couvert d’arbres généreux. Escadrille en formation, au centre de cette nature impeccable, nous avançons, imperturbable….

Village typique de Bretagne… L’eau, le minéral. Et le végétal.

A l’heure de la sieste bretonne ?

Carhaix. Pourquoi ce nom me parle-t ’il donc ? Peut-être parce que Carhaix c’est la ville des vieilles charrues… Un festival de musique mythique qui a lieu chaque année… Je me souviens de vidéo. En 2001, Matmatah montait sur la scène…Une piste qui me résonne encore dans les oreilles. Comme ce que nous vivons sur Paris-Brest,  Out, s’étire sans cesse, longue et répétitive. Et si la voix de Stan reste hallucinée (Me least likely to succeed ), elle ne s’emballe parfois (You love to think you’re on the run) que pour mieux se calmer (I’ve been hanging in the sun). Et si certains jugeront durement leurs quelques fausses notes néanmoins assumées (Singing out of tune), d’autres ne verrons qu’arrangements cousus des mouchetures d’hermines (You love to think you’re on the run)… Gouel an Erer Kozh…

 

Mais refermons cette brève parenthèse musicale qui, si elle ne sert à rien a au moins le mérite de souligner l’état de fatigue avancé dans lequel je me trouve… Il est bientôt 19 heures… Le calcul s’avère besogneux mais nous roulons depuis bientôt 26 heures… Et non il n’y a pas d’erreur. Il est temps à nouveau de nous arrêter.

…. Profitons-en pour vous donner quelques précisions qui vous aideront à visualiser la scène… Brest sera bientôt à portée de manivelle…  Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que ce ravito, comme bien d’autre d’ailleurs, est perché. Et qu’il faut y monter. Parce que c’est obligatoire. Et aussi parce que ce pointage sera le dernier avant Brest…Il est de fait un point de rencontre privilégié entre ceux qui vont à Brest, et ceux qui en reviennent… L’arrivée dans un pointage se fait toujours de la même manière. On arrive d’abord dans un corridor construit de barrières d’acier. Celles-ci nous guident vers un parc à vélo ou s’enlacent tubes et cintres de tout horizons… Le corridor guide aussi les participants sur le tapis électronique qui permettra l’actualisation en temps réel de leur position sur le site internet créé pour l’occasion… C’est très bien pour ceux qui nous suivent… et ça nous motive… J’adresse d’ailleurs un grand merci à toutes celles et ceux qui m’auront suivi et apporté leur soutien durant cette aventure. Je ne vous ai pas toujours répondu. Mais je les ai lus. Vos nombreux messages qui m’ont fait beaucoup de bien. Ceux-ci ont participé à ma réussite. Et en cela je vous dois beaucoup…

Avis aux futurs participants, j’insiste sur le fait qu’à Paris-Brest, une organisation parfaite lors des ravitaillements est primordiale. Pensez impérativement à prendre la ou les gourdes qui devront être remplie(s). Cela économise des pas bien inutiles. Se diriger dès son arrivée vers le contrôle par tampons qui seul est habilité à homologuer votre passage… A Carhaix, le contrôle a lieu dans une petite salle, sur votre droite et en surplomb du parking à vélo. On y rentre d’un côté, on ressort de l’autre. Rien de plus simple, avec un tampon supplémentaire et toujours un petit mot gentil des encadrants… On prend ensuite à gauche, dans le couloir qui mène aux sanitaires… L’attente sera longue. On esquive, virage à gauche, puis à droite. Le sol est jonché de cartons où s’étalent les naufragés… Sur les pointes des cales, nous débouchons dans le réfectoire. Celui-ci prend la forme d’un self où chaque participant peut manger suivant ses envies… Salades, soupe, plat chaud, dessert… Un dernier choix bien difficile. Ce sera donc, un Paris-Brest, bien entendu… Filez ensuite aux caisses… On y prend les espèces, mais aussi la carte bleue… De quoi rester léger, quel progrès….

Cherchez une place, à coté de ses amis… Nous allons pouvoir recharger les accus, bien confortablement assis sur une bonne chaise… Prudemment se relever, s’étirer avant de s’en aller rejoindre le parc où la monture s’est également reposée. Vous l’aurez compris, le plus dur est de ne surtout pas s’éterniser… #J’aiChoisiD’AimerLesRavitos…

Une enseigne typique de Carhaix… Le fléchage qui nous conduit au ravito incite à la visite…

La fatigue rend les choix les plus simples parfois bien difficile….

 

Extrait Le Télégramme, 16/08/2019, Paris-Brest-Paris, le site carhaisien est prêt à accueillir les randonneurs….

Paris-Brest-Paris est la plus grande randonnée cycliste longue distance du monde. Elle s’élancera de la capitale demain en fin d’après-midi. Les premiers cyclos sportifs franchiront le portail du lycée Paul-Sérusier dès lundi matin 19 août, pour un contrôle doublé d’un ravitaillement. Près de 450 bénévoles seront à pied d’oeuvre sur le site qui retera ouvert durant près de 70 heures.

Ville-étape depuis 1979 de la célèbre randonnée organisée par l’Audax Club parisien, Carhaix s’apprête à accueillir dès lundi matin les concurrents du fameux Paris-Brest-Paris, épreuve non compétitive organisée tous les quatre ans. « Ce n’est pas une course car il n’y a pas de classement. C’est plutôt un challenge personnel, un parcours à réaliser en moins de 90 heures consécutives » rappelle d’entrée Yvon Guillossou, interface entre l’organisation générale et le site carhaisien. Venus de 66 pays répartis sur les cinq continents, les participants ont dû auparavant passer avec succès des brevets de qualification : ceux des 200, 300, 400 et 600 km. Ceci pour réduire le nombre d’abandons durant la randonnée.

Un spectacle permanent

Les premiers départs par vagues successives de 300 cyclos seront donnés du parc du château de Rambouillet (78) demain, dimanche, à partir de 16 h. Les derniers auront lieu le lendemain matin à compter de cinq heures. Place ensuite à une randonnée sportive à travers divers paysages, en groupe ou de manière solitaire, la nuit comme le jour. Si la majorité des athlètes roulent sur des vélos dits classiques, d’autres, de plus en plus nombreux, utilisent des tricycles, des vélos couchés voire carénés ou plus simplement des tandems. Comme la dizaine d’autres villes étapes, Carhaix verra passer les 6 668 randonneurs à deux reprises, la première fois lors de l’aller vers Brest, la seconde lors du retour de la capitale du Ponant. C’est dire que le spectacle sera permanent sur la butte du moulin à vent.

De courtes nuits sur des lits picots

Dans la salle omnisports, quelque 250 lits picots appartenant à l’armée ont été installés. Si cela s’avère insuffisant, les tatamis de la salle de judo pourront permettre aux plus fatigués de dormir quelques heures, durée variable suivant l’état de fatigue de chacun. Pour le réveil, il se fera à la demande. Une bonne douche, un copieux petit-déjeuner et si le randonneur ne parle pas français, il pourra demander son chemin à Anke Hiestermann, responsable du groupe d’interprètes. Quant aux représentants du club cyclo local, ils rouleront éventuellement de concert avec des randonneurs du Chili, du Kirghizistan, de la Géorgie, de la Slovaquie et de la Lettonie (nouvelles nations engagées dans l’épreuve). Ils seront neuf, à savoir Nelly Julien, Guy Bernard, Louis Bleuzen, François Com, Bernard Cras, Jean-Paul Henry, Yvon Le Calvez, Patrick Lannezval et Michel Thubuil. Nul doute qu’ils seront très applaudis lors de leurs deux passages dans le Poher.

 

CHAPITRE VI : La Légende des Monts d’Arrée….

Nous y voilà presque. Brest sera notre prochaine étape et, aussi surprenant que cela puisse paraître, nous croisons plusieurs cyclistes roulant déjà sur le chemin du retour…. Ce sont eux que Joëlle appelle les cracks, ou quelquefois, les cadors… Avec pas loin de 200 kilomètres d’avance sur nous (soit près de 10heures), une chose est sûre. Ils n’ont pas dû traîner… Nous leur adressons un petit signe de la main…  La plupart répondront. Les autres resteront concentrés sur leur course. Car à ce niveau, c’est bien d’une course, pour eux, qu’il s’agit… Pour nous, c’est un défi. Ce qui n’a absolument rien à voir.

Entre nous et Brest, se dressent les Monts d’Arrée. Cette terre de légende dont Christian m’a milles fois parlé… J’avais grande hâte d’y arrivé. Et nous y sommes. Le relief pour le moins accidenté de ce parc régional naturel me correspond pleinement. Beaucoup plus que les parties plates dans lesquelles je manque cruellement de puissance. Je trouverais ici mon second souffle… En danseuse, sautant d’un vallon à l’autre, j’ai même l’impression d’avoir retrouvé toute l’étendue de mes moyens. Comme si les 500 kilomètres déjà parcourus ne comptaient pas…

La Squadra&Nico en action…

Le corps humain est vraiment une drôle de machine… Pour un néophyte, la distance et le dénivelé font la difficulté d’un parcours. Combien de fois ai dû-je combattre ces gens qui tiennent pour acquis qu’un 200km à vélo est impossible… Ils se trompent. Faire 100kilomètres en début de saison est extrêmement plus compliqué que d’en faire 200 lorsque l’entrainement est là. Un entrainement sérieux permet de repousser ses limites beaucoup plus loin que ce que beaucoup pensent. Apprendre à rouler efficacement permet de régénérer l’énergie consommée en continu. Et ceux-qui parviennent à l’équilibre fragile entre dépense calorique et production du métabolisme deviennent quasiment inusable. D’une manière générale, les brevets servent à l’apprendre. Et c’est la raison pour laquelle la manière dont se font la qualification est particulièrement adaptée.

Nous l’avons vu, la distance est souvent synonyme de difficulté croissante. Il n’en est rien…. J’ai souvent entendu que Paris-Brest est l’Everest du cyclotourisme. Il n’en est rien. Les qualités nécessaires pour réussir Paris-Brest ne seront jamais celles demandées pour l’escalade d’un sommet réputé. Paris-Brest n’est pas une montagne. Paris-Brest n’est pas le Tour du Mont Blanc. Sur ce dernier. On butte contre la pente. Sur Paris-Brest, on butte contre sa tête. Le principal ennemi n’est pas le terrain. Le principal ennemi, c’est soi-même.

Pour réussir Paris-Brest, il faut savoir garder un cap et faire fi des perturbateurs extérieurs. La route de Paris-Brest est comme la houle des Océans. Couverte de courants porteur et de courant contraire. Avec la fatigue, la tête finie par construire la même image mentale. Synchronisée parfois, mais pas toujours. Toute l’expérience acquise lors des brevets visant à supporter le moment inévitable où le flux se retire, pour être capable, l’instant venu, de jeter ses forces contre ce récif en apparence insurmontable…

Les monts d’Arrée (Menez Are en breton) sont un massif montagneux ancien de la Bretagne occidentale faisant partie du massif armoricain.

La Chapelle des Monts d’Arrée

Daniel, avec déjà six Paris-Brest à son actif (le septième bientôt), a appris à maîtriser à merveille l’usage des vagues… En retrait avant Carhaix, la vue de ces belles contrées lui a comme à moi redonnée des ailes. Le surfeur d’argent nous entraine alors dans son sillage… René assure son flanc droite, Nico le gauche. Marco, Philippe et Marie-Claude sont remonté d’un cran… C’est une Squadra unie qui part à l’assaut de ces monts…. Le groupe semble poursuivre le Soleil qui au loin semble chuter vers l’Océan… Nous voici au pied du Roc-Trevezel, un mythe parmi les mythes.  Nous l’attaquerons par son versant Est. Le plus sauvage, et aussi le plus magnifique.  Les grimpeurs de la Squadra se sont retrouvés… Et c’est victorieux que nous l’atteignons, cette cime si convoitée, à l’heure précise où le Soleil se perd…

L’altimètre indique 385m. Nous sommes au point haut du parcours. La vue qui se déroule à nos pieds est sublime… De vastes étendues dont les contours se fondent avec le ciel… à moins que cela ne soit l’Océan… Toute la vivacité de mon esprit se trouve ralentie par les longues heures de selle. Tout va moins vite, et les images que je perçois sont peu à peu devenues floues… à peine imaginaires.  Ceci concours l’atmosphère quasi irréelle à ce lieu, que jamais, nous ne pourrons oublier…

Une vision, ne serait-ce pas Julien, Jean-Pierre et Benjamin qui nous font signes ? Je me concentre. Ce sont bien eux… Les trois cadors des brevets foréziens. Jean-Pierre et Julien pour les distances qu’ils rajoutaient à nos brevets. Benjamin pour les records de temps qu’il s’appliquait à réaliser.

Les bruits d’une discussion me ramènent à la réalité. C’est Philippe qui évoque les souvenirs de son Paris-Brest 2011…. C’était également une belle édition. Il raconte. Du Roc, la brume noyait entièrement l’horizon. Et puis la nuit tomba. La Squadra d’alors était particulièrement courageuse. Elle y avait plongée, sans l’ombre d’une hésitation.  Il est maintenant près de 22heures et nous pouvons constater que la nuit n’est pas encore tombée. Ceci s’explique par la longitude à laquelle nous nous trouvons. Près d’une heure de décalage avec chez nous…. Mais cessons de disserter. Habillons-nous, revêtons nos gilets fluos, éclairons nos loupiottes… Et zou…

Au sommet du Roc… Je commence à être flou…. Derrière moi, Marie-Claude, Philippe et René, peut-être….

Le crépuscule est quelque chose de magique. (Bernard Le Bars, L’Equipe magazine)

Le Roc est une de ces descentes qui fait du bien… Si nous ne pouvons pas la voir, nous pouvons imaginons la proximité de l’eau à la fraicheur qui nous traverse…

Encore un effort… Si Brest la belle n’a jamais été autant espérée, jamais elle n’a semblé autant fuyante… La faute à une lubie des organisateurs. Leur tracé sillonnant sans fin, virant de incessamment de la droite vers la gauche, interminable… Nico et moi sommes désormais devant. Nous ne sommes pas les plus en forme, oh ça non. Mais nous avons les éclairages les plus puissants… Nos deux roues dynamo balaye la route. Les autres n’ont plus qu’à suivre…

Au détour d’un virage, nous entendrons cette petite voix qui nous indique la piste cyclable menant au pont Albert Louppe… Sans elle nous l’aurions très certainement loupé… Je sais. Elle est facile. Mais toute personne ayant un jour fait Paris-Brest l’a un jour faite… Et me comprendra. Ce pont est aujourd’hui réservé aux piétons et aux deux roues. C’est grâce à lui que nous traverserons la rade de Brest, brillante de milles feux, au milieu de la nuit… Un instant rare que je ne saurais vous décrire… Le mieux est donc de le vivre…. Ce fût l’un des grands Moments de ce Paris-Brest 2019…

Le pont Albert-Louppe….

La cité brestoise, dans son écrin de lumière….

 

CHAPITRE VII : Brest. Voyons le verre à moitié plein….

Comme tout le monde le sait, Brest est une ville portuaire située à l’extrémité occidentale de la Bretagne. A 600 kilomètres de Paris à vol d’oiseau… autrement dit, juste à portée de vélo….

A Brest, je n’y ai encore jamais mis les pieds. Et pourtant la cité que je découvre me semble presque familière. Il faut dire que Paris-Brest s’est construit sur de longues mois. Et peut-être même, de longues années… Je remercie Christian, Joëlle, Annie, Gilles, Régis, Florian et toutes ces personnes qui m’auront racontée et fini par me convaincre de tenter l’aventure… Au-delà de ça, de croire en moi. Les limites que nous nous fixons sont bien souvent les seules vraies limites que nous avons… Et s’il faut savoir rester raisonnable, il faut aussi parfois savoir se dépasser… Ne pas penser à l’échec. Car peu importe le chemin parcouru. Tu auras appris, et plus fort tu seras lorsque tu reviendras…

Jusqu’ici évoquer Paris-Brest-Paris suffisait à me terrifier. Mais maintenant que je commence à l’apprivoiser, je m’y sens bien. Il faut dire qu’en atteignant Brest avec mes compagnons, je viens de réaliser l’exploit que je m’étais fixé. Comment décrire ce que je ressens à ce moment-là. Un mélange équilibré de bonheur et de fierté… Inutile de chercher plus. Ces deux mots simples sont les seuls que mon esprit embrumé parvient à formuler. Je suis exténué… Mais soyons vigilant, se laisser aller de la sorte si tôt dans l’aventure serait suicidaire…

D’ailleurs, mes monologues ont fini par me faire perdre le groupe… Je sens le stress qui monte car le ravitaillement de Brest est l’un des plus grand du parcours. Et puis l’obscurité rend la recherche de mes camarades difficile… Oubliées sont ces quelques minutes de volupté volées, je retrouve la terre et ses préoccupations primaires les plus brutales… Je dois impérativement retrouver mes compagnons, et puis avec eux filer dormir… Les trois heures d’arrêt que nous avons prévu sont bien courtes… et la trotteuse tourne si vite…

Sur les tableaux blanchis à la craie, les numéros de dossard et l’heure de réveil de celles et ceux qui sont déjà couchés. Au bout des lignes, les numéros de couchage. Nous devrons nous rendre à l’évidence. Aucuns n’est libre… ce qui veut dire que nous allons devoir attendre. Je croise le regard d’un participant probablement Japonais. Son visage est avachi, son regard vide. Car lui a compris tandis que je persiste à ne pas vouloir voir ce qui me deviens insupportable. Le lit auquel nous rêvions ne sera pas. Mais est-ce une raison pour baisser les bras ?

Nos mines devaient lui paraître trop déconfites. L’un des bénévoles nous entrainent dans l’escalier menant au sous-sol… Quelques marches, que nous descendons prudemment. Chaussures à la main pour ne pas risquer la chute… Notre hôte entrouvre la porte d’une petite salle tout en nous faisant signe d’entrer… La pièce est sombre mais je peux distinguer un billard, et quelques tapis… De nombreux cyclistes s’y sont effondrés…et ronflent. Je m’affale sur le premier tapis qui vient, celui juste à côté du billard. Daniel et Nico se sont allongés à côté. Philippe, Marie-Claude et René, un peu plus loin… Et soudainement nous réalisons.  Marco a disparu…

Trop fatigué pour le chercher. Je me suis couché là, comme ça, rêvant de sombrer rapidement dans les bras de morphée. J’ai commis une erreur. J’aurais dû prendre le temps de me changer… et de former un oreiller… Car la température est basse et j’ai froid, terriblement, dans ces vêtement humides… Si ce lien de cause à effet paraît aujourd’hui bien évident, je vous assure qu’il ne l’était pas… Mais j’aurais appris. La nuit que je rêvais réparatrice se révèle finalement n’être qu’un long calvaire… Trop fatigué pour dormir, j’écoute les sons difformes des va et vient ininterrompu. Je ne dors pas… et cela me hante… Si cela continu, je sais que mes chances de réussite seront grandement hypothéquées… Car ce n’est pas un mais bel et bien deux jours que nous devrons encore tenir…

 

 

Notre courte nuit touche à sa fin. Il est trois heures du matin lorsque je perçois une légère agitation du coté de Daniel… Il n’y a pas à en dire plus. Je sais à quoi m’en tenir. Je n’ai pas fermé l’œil une minute… Il reste 600 kilomètres… Ce sera dur…

Nous avons pourtant réussi à nous lever pour rejoindre le petit hall glacial où nous allons nous préparer. Ce qui n’est pas une mince affaire puisque mes pieds semblent avoir pris leur distance avec le haut de mon corps durant la nuit… J’essaie par deux fois de me chausser… Et devrais m’y reprendre, assis, cette fois-ci… Nico me regarde. Haussement de sourcils. Nous ne sommes pas loin d’en rigoler… Nous nous sommes compris… Gilles, tu avais raison. « Du sang et des larmes, il y a eu »… 😉

Mes amis s’en iront d’un pas décidé vers le réfectoire tandis que je filerai pour ma part récupérer le bidon rester sur le vélo… Nouvelle erreur. Que de temps perdu à chercher le point d’eau qui me permettrait de le remplir. Ce sera finalement un bénévole qui me l’indiquera. Seul, je ne l’aurai jamais trouvé. Celui-ci se trouve au sous-sol, derrière une haute grille… Il y a encore quelques marches à descendre. En bas, une grande salle couverte du sol au plafond de carreaux de carrelages froids comme la glace.  Contre les murs, des dizaines de cyclo et cyclottes se pressent les uns contre les autres, emmitouflées… Finalement, nous ne pouvons que nous satisfaire des conditions que nous avons eu… Je me dirige vers les robinets, essayant de faire le moins de bruits possible… Le clac, clac de mes cales résonne dans cette environnement vide… Et puis je remarque cette fille dans le coin qui me suit du regard… Et puis il eut cette improvisation dont je fus le premier surpris. L’esquisse d’un pas de loup, bombant le torse comme si je m’apprêtais à courir… provoquant un éclat de rire qui m’emplira de joie… Cela fait partie des petits moments que procurent Paris-Brest … Celui-ci aura été le mien. Si bref et pourtant, si intense.

A l’approche du réfectoire, je croise Régis, le cyclo de Saint Just-Saint Rambert que tout le monde connait… Nous échangeons confusément quelques mots… Je n’ai pas trop compris si lui arrive à Brest ou en repart… Chose étrange, il m’a paru inquiet. Et qui l’aurait cru. Lui qui est tellement hors-norme. Car il ne faudra pas oublier que c’est Régis nous aura tiré sur le 400kilomètres de Gillonnay. Et puis ensuite que le 600 kilomètres de Feurs. Tellement impériale que tous nous le croyons tombé dans la marmite du Paris-Brest au cours de sa petite enfance. Mais aujourd’hui Régis a mal au dos. Et cela le gêne… Plus que nous le laisserai croire cette éternelle sourire qu’il promène toute l’année sur les routes de France… Nous nous souhaitons une nouvelle fois bonne chance. Et puis nous nous séparerons… Car ainsi va la vie…

Mais trêve de péripéties, j’entre enfin dans la salle où nous pourrons nous restaurer. Je cherche mes compagnons de route. Je les aperçois enfin. Et nous pouvons dire qu’ils ont mis le pain sur la planche et les coudes sur la table. Assez perdu de temps. Je me précipite. « Formule petit déjeuner ou sandwich jambon ? » « Sandwich bien sûr, avec un grand café brûlant. On a de la route, nous ! » Le plateau à la main, je file m’asseoir…. J’ai faim… mais quelque chose ne va toujours pas…

…C’est bien ça, il en manque un…Il en manque toujours un. Marco ? Que fait-il, où est-il ?… Autant de questions qui plongent le groupe dans l’embarras… Nous ne savons que faire… Faut-il l’attendre au risque de mettre toute l’équipe en difficulté… Ou bien partir en abandonnant notre compagnon à son triste sort… Si nous le savons costaud, sera-t ‘il capable de repartir seul pour terminer dans les délais… ? Et puis nous avons besoin de lui. Daniel essaie. Philippe aussi. Le portable de Marco est muet… Imaginez un peu, il se pourrait que Marco dorme dans un lit, à poings fermés… La décision est prise. Nous allons prendre le temps de déjeuner. Et puis, lorsque nous aurons finis, nous repartirons…. Aussi cruel que cela puisse paraître, nous n’aurons pas le choix….

Je profite de cette pause qui s’allonge pour discuter un peu avec deux amis venus du Sud de la France, Dominique et François… S’ils m’expliquent qu’ils viennent d’arriver à Brest, je sais qu’ils sont également partis à 20h. Avec la vague des 90heures. Il leur aura donc fallu seulement la moitié du parcours pour nous rattraper. Et pourtant nous n’avons jamais eu l’impression de trainer… Des costauds ces deux-là… qui pour l’instant fileront se reposer. Nous voici presque prêts à repartir. Et Marco n’est toujours pas là.

Dehors la température a continué à baisser… Mes doigts engourdis par le froid peinent à rattacher ma sacoche contre la selle… Je me bats avec la fermeture. Une fois, deux fois et puis le clic… La grande malle est de nouveau arrimée sous la poupe de mon vélo… Je retrouve le groupe… et à ma grande surprise. Marco est là… avec les autres… Il nous raconte comment les bénévoles chargés de le réveiller l’ont oublié… Heureusement qu’il a le sommeil léger nous dit-il… Heureusement c’est sûr…. Marco n’aura pas le temps de déjeuner. Que nous l’embarquons déjà avec nous… Voilà…

 

…Paris !

LIVRE II : UN 6ième SENS, CELUI DE L’EFFORT

SECTEUR VIII : Brest / Carhaix.

 

Il est près de 4h du matin lorsque nous quittons Brest et la nuit froide ne facilite pas notre remise en route … Nos trajectoires, dans les rues de Brest, sont hésitantes…

L’organisation a heureusement eu la bonne idée de nous épargner les longues disgressions de l’aller et c’est avec une rapidité déconcertante que nous quittons la capitale bretonne. Sous l’impulsion des 3 hommes forts de l’équipe Daniel, René et Marc, l’équipe à reprit son régime de croisière. Sizun. Nous venons d’entrer dans le parc régional d’Armorique. Je ne suis plus très sûr mais je crois bien que c’est ici que nous nous arrêterons quelques minutes pour permettre à Marco de boire un kawa et manger quelque chose. Le reste de la troupe l’attend sur une petite place, tandis que je visite la boulangerie au coin. Rien ne vaut un croissant tout juste fini de cuire pour le moral…. Dehors certains s’impatientent…. Derrière les vitrines, Marco reste assis, encore quelques minutes….

A Paris-Brest, la lumière sera toujours fabuleuse…

Nous arrivons au pied du Roc qu’il va bien falloir escalader… La pente de ce côté-ci est moins rude car surtout plus régulière… Mais nos organismes sont fatigués et réagissent bizarrement à cette heure où pointe le jour… Le quatuor Marco, Daniel, René, Nicolas va filer devant. Derrière eux, Philippe et Marie-Claude à qui j’ouvre la route. Mon rythme pas très virulent doit leur convenir. J’ai bien du mal à redémarrer… mais le bon côté est que nous aurons le temps pour profiter de cette longue et belle montée.  A gauche un large panorama sur la campagne qui environne Brest. Devant nous, la fine silhouette rouge et blanche du relais hertzien du Roc’h Trédudon… Encore un petit effort. Nous atteignons le rond-point où nous nous sommes arrêtés la veille. J’observe sur cette ligne de crête, la lente progression des cyclistes dispersés… De part et d’autre de la route, les plateaux montagneux et sauvages. Nous allons poser pied à terre quelques minutes pour en profiter. Vers l’Est, le Soleil qui se lève nous inonde de sa lumière orangée.

Un classique qui ne vous sera pas inconnu…

Le début de cette journée du 20 août 2019 commence bien. Nous venons de nous hisser tout en haut d’une haute vague que nous pensions à tort avoir le plaisir de surfer. Nous en avons déjà parler. Paris-Brest a cette faculté de pouvoir faire vivre en 3 jours les plus beau et les plus mauvais moments de votre vie (de cycliste) … Et il est quasiment impossible de s’y habituer. L’ivresse que nous venons de ressentir en arrivant au sommet du Roc’h va brutalement se transformer en complaintes lorsque nous découvrirons son autre versant… Car si la pente est suffisante pour nous emporter sans efforts, la brume épaisse qui va subitement s’abattre sur nous nous transpercera… J’essaierai bien de faire bonne figure, mais je sens bien que je vais finir par céder… La morsure du froid fige nos muscles et nos articulations… Le sommeil fera le reste…

There is no pain you are receding
A distant ship smoke on the horizon
You are only coming through in waves
Your lips move but I can’t hear what you’re saying
When I was a child I had a fever
My hands felt just like two balloons
Now I’ve got that feeling once again
I can’t explain you would not understand
This is not how I am
I have become comfortably numb

(Pink Floyd)

 L’éclaircie que je pensais connaître après cette dur nuit se dérobe à nouveau dans cet épais manteau de brume…. J’observe sans réaction mes compagnons se dérober dans cette atmosphère étrange… Le trou s’est formé. Le groupe s’en est allé, sans moi.  René, Marco sont-ils devant ou bien derrière ? Daniel s’est-il comme moi laissé aller ? Qui devons-nous attendre ? Et qui nous attends ? Le plus sûr moyen d’y arriver est de continuer à progresser, coûte que coûte.

Prostration, où la limite des corps (Bernard Le Bars, L’Equipe magazine)

J’ai retrouvé Philippe, Marie-Claude et Nico. Avec eux je vais continuer lentement dans cette partie difficile de mon Paris-Brest. Nous retrouverons par chance les autres au contrôle de Carhaix…. Celle-ci nous a réservée d’ailleurs une bonne surprise. Construite sur une petite butte, le caractère surélevé de cette position la place à distance des brouillards bretons rencontrés dans la plaine…. Et lorsque nous franchirons ce mur, ce fût l’apothéose…. Nous y sommes…. Un ciel bleu, clair, et illuminé à nouveau d’un magnifique Soleil…. Nous ressentons immédiatement cette douce chaleur sur nos épidermes éprouvés… Il n’en faudra pas plus. Nous retrouvons le sourire… notre folle envie de pédaler…

Il y a beaucoup de monde à Carhaix ce matin. Entre les gens qui arrive et ceux qui reviennent. Nous sommes maintenant de la deuxième catégorie. Et c’est tant mieux…

La Bretagne a revêtue pour nous ses habits de fête….

Nous avons encore une fois bien mangé et tout le monde s’accorde à dire qu’une petite sieste nous ferai le plus grand bien. J’imite un moment Daniel, légèrement penché en avant, les deux coudes posés sur la table. Nicolas a lui préféré s’allonger sur les cartons étalés à même le sol… Le bruit de la foule qui nous entoure tout doucement s’éloigne… Il est si facile de lâcher prise….

Carhaix…. Contrairement à d’autres, nous n’avions pas d’assistance. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de nous arrêter. Et nous avons bien fait. Car l’histoire de Paris-Brest passe aussi par là.

Des minutes se sont ainsi écoulées. Combien ? 5, 10, 20 peut-être. Nous venons d’investir notre capital temps puisque cette micro-sieste nous aura davantage retapée que la nuit passée à Brest. La voici peut-être la solution pour aller vite. Dormir peu, mais dormir chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Mais comment faire en étant si nombreux ?

Nous nous regardons pour savoir qui se lèvera le premier… Tout le monde est prêt. Tous ? Non.  Il manque Nico qui dors quelque part sous les tables…. Il va falloir le retrouver, et le réveiller… C’est à moi de m’en charger… « Nico ? Nico… Réveil-toi, ils sont partis ! » Nico à ces mots brusquement émerge. Mais pourquoi sommes-nous aussi méchants ?

Nous quittons le parc à vélo. L’arrêt s’est prolongé et nous sommes bien loin des 37minutes convenues avant le départ. Mais pouvions faire autrement ? Les corps ne sont pas des machines et le froid auquel nous avons été confrontés ce matin nous a épuisé. Nous ne faisons plus que ce que nous voulons, mais uniquement ce que nous pouvons… Et lorsque nous avons senti que le besoin de récupérer était trop fort, nous nous sommes écoutés. Car réussir Paris-Brest, c’est aussi s’avoir s’adapter.

 

SECTEUR IX : Carhaix / Saint Nicolas-du-Pelem

Carhaix, Saint Nicolas. Un secteur qui bien que réputé difficile devient aussi bien plus agréable puisque nous quittons enfin la grande nationale pour revenir sur un réseau secondaire bien plus calme. Les rares conducteurs rencontrés s’y sont montrés très respectueux, nous dépassant prudemment après s’être signalés par un petit coup de klaxon sonore… Et avec parfois, un petit mot d’encouragement glissés par une vitre entre-ouverte…

Autour de nous, la campagne vallonnée et charmante que nous avions découvert à l’aller.  Mais si ces routes ne nous sont plus inconnues, le changement de sens et la fatigue que nous ressentons à présent les rends méconnaissables… Le Paris-Brest est tellement long, tellement intense. Il y a tellement à voir et à entendre que nos mémoires en ressortiront saturées…. Cette chose nous marquera à jamais, d’un amas de souvenirs entrelacés qu’il nous sera peut-être bien difficile d’isoler… et de raconter… On me demande parfois si je me souviens ? Et même si l’image m’apparaît claire, je ne saurais plus dire si nous partions ou si nous revenions… Si nous l’avons véritablement vécu, ou bien… seulement rêvé….

Nous avons vécu et vu tellement de choses…. Dans mon esprit désormais troublé s’emmêlent routes et souvenirs….

Ainsi se confondent les noms des villages traversés, l’origine de mes coups de cœur, les innombrables visages du Paris-Brest… A peine quelques semaines depuis notre retour se sont écoulées… et le travail de mémoire rendu nécessaire par la rédaction de ce petit récit prend déjà tout son sens… L’important n’est pas l’exactitude des faits colportés qui vous paraîtront sûrement discutable… L’important est de fixer de manière durable les grandes lignes de cette aventure un peu hors norme… Une aventure que peut-être mes camarades trouveront plaisir à relire. Une Aventure sur laquelle également je reviendrais… Trouvant à l’intérieur ce qui forge l’attrait d’un conte pour enfant. Une histoire où chaque évènement aussi mineur soit-il aura sa place… Comme un terreau de faits rassurants sur lesquels pourront germer les graines de notre imagination… Les graines de nos défis futurs…

 

Extrait Ouest-France, 18/08/2019, Maël-Carhaix, Une boulangerie ouverte 24h/24 pour le Paris-Brest-Paris….

La course cycliste a commencé dimanche 18 août, et à partir de lundi 19 août, en fin de matinée, 7 000 concurrents passeront dans la commune. Une particularité cette année, la boulangerie locale sera ouverte 24 heures sur 24.

Les petites structures favorisées….

Si les concurrents se sont préparés, les commerçants sont également prêts. Rachel et Yvan Coic tiennent une boulangerie et seront ouverts non-stop de lundi à jeudi matin.

Un record d’ouverture pour un couple qui a découvert cette épreuve en 2011. Ils racontent : « On a fait notre première expérience en 2011, on avait ouvert une nuit et deux jours et on se posait des questions car le contrôle de Carhaix n’est qu’à dix kilomètres et ça a marché au-delà de nos espérances. Il y a quatre ans, on a renouvelé cela, cette fois trois nuits, cette année à partir de lundi et ce sera non-stop. » Yvan ajoute : « lors de la dernière édition, j’ai même fait des crêpes. »

En discutant, le couple de boulangers explique que durant ces journées, certains cyclos préfèrent s’arrêter dans les petites structures, car dans les grands centres, l’attente leur joue aussi un mauvais tour. Alors fort de leur expérience, ils ont commencé à préparer l’affichage et ils préparent les sandwichs, les pizzas, les soupes, les boissons…

Des amis étrangers….

Les boulangers se souviennent de quelques anecdotes du passé : « On a logé certains coureurs dans la chambre des enfants pour qu’ils puissent dormir, cette année, on mettra en plus des transats. » Et ils se rappellent aussi de ce Canadien, épuisé au retour, qui a passé presque une journée chez eux, attendant son épouse qui venait de Paris. Ou encore cet Australien qui leur écrit souvent et qui sera dans l’épreuve cette année. « Il veut la recette d’un pain pour en faire chez lui, nous l’attendons », rigole Yvan. Et Rachel ajoute : « Il y a eu aussi ce chinois qui a fait des photos de toute la maison et du fournil, on se demande bien pourquoi. »

Certains concurrents sont devenus des vrais amis qui appellent pour les anniversaires, qui écrivent régulièrement et là comme dit Rachel : « on sait qu’ils arrivent… Ça va être génial. » Les deux locaux sont prêts à faire face à toute éventualité comme en 2015, « de Carhaix, on nous avait appelés la dernière nuit, pour nous demander de ne pas fermer », racontent-ils.

Nous entrons tous ensemble dans le parc à vélo de Saint Nicolas-du-Pelem. Il fait beau et l’ambiance dans le groupe, pour l’instant, détendue… Nous prenons le temps d’échanger quelques mots avec les bénévoles qui assurent le contrôle des carnets. Philippe veut connaître notre progression par rapport à celle des autres concurrents… Et il semblerait que ceux qui nous précèdent soient finalement assez peu nombreux. Nous voici rassurés. La longue pause effectuée à Carhaix n’a finalement eu que peu d’incidences. Nous avons bien roulé … Et pourtant…

Nous délaissons nos montures contre les barrières pour filer vers notre ravitaillement. En passant, j’aperçois attendant sagement une monture bien connue. Minimaliste, et tout de noir vêtue… Un seul plateau. Un seul pignon…. Je ne l’ai vu que deux fois, et bien que son propriétaire soit absent, je sais de manière quasi certaine à qui elle appartient… Il faut dire qu’il s’agit d’un mythe dans le domaine du cyclotourisme. Peut-être le connaissez-vous. Thierry Saint-Léger, homme qui parcours les routes de France et d’Europe au seul guidon de son fixie… Avec lui, Paris-Brest c’est 1200km muni d’un seul braquet… Comme le faisait les Pionniers. J’apprendrais d’ailleurs un peu plus tard que Thierry tente de reproduire le chrono de Charles Terront… vainqueur de la première édition en 1891…. En 71 heures et 37 minutes, sa bicyclette pesant à l’époque pesant près de 22kg…. Je vous laisse imaginer le contexte, l’état des routes, les moyens d’éclairage disponible, la conception même des vélos, les errements de la nutrition… Mesurez la pleine mesure de l’exploit… Et même si cela n’est pas comparable de celui de Thierry qui avec un matériel beaucoup plus évolué doit rouler à contre-courant d’un peloton bien aidés par des avancées technologiques dont nous aurions bien du mal à nous passer….

C’est simple, c’est beau, et cela va à l’essentiel. Un fixie…. 😉

Saint Nicolas-du-Pelem, nous sommes une nouvelle fois accueillis avec le sourire par les bénévoles officiant au pointage ou à la cantine…. Nous prenons une nouvelle fois le temps, peut-être même, nous pouvons l’avouer, de le perdre… Ce n’est pas que nous ayons faim mais ces pauses loin du vélo se font de plus en plus agréables… Perdre la selle de vue quelques minutes… Nous redécouvrons le plaisir incomparable de nous assoir sur une bonne chaise, large et forte, d’un dossier, et de ses quatre pieds…  Alors profitons… !

Les quatre quarts de Nicolas…

Et tandis que nous discutons, notre capital temps durement gagné à l’aller s’amenuise doucement… Pas facile d’être synchronisé quand on est sept… Et si certains se montrent toujours très organisés, d’autres, en revanche, sont, avec l’excuse de la fatigue, moins lucide. Et ceci tend à générer quelques frustrations…

Si Marignan restera la première victoire de François Premier, Saint Nicolas-du-Pelem restera pour nous le siège d’une joute verbale épique entre René et Marco… La source du différent ridicule. Celle de bidons non remplis… Petite erreur rapidement contrebalancée par le fait que le premier ne manque pas de rappeler au second qui dormait lorsque nous voulions quitter Brest… Un set partout, et balle au centre…

Nous avons eu de la chance. Celle d’avoir un groupe intelligent et qui se connait bien… Les égos seront bien vite rangés dans la poche centrale du maillot, et le k-way posé par-dessus… La petite troupe repartira, comme si de rien n’était… De toute façon nous savions que des  tensions comme celles-ci apparaîtraient… Partir et rouler à sept, sur l’intégralité d’un Paris-Brest, relève de l’exploit… Mais nous aimons ça, nous, les exploits….

 

SECTEUR X : Saint Nicolas-du-Pelem / Loudéac

Nous voici quittant Saint Nicolas, remerciant d’un petit signe les bénévoles qui nous le rendent comme s’ils voulaient nous dire « Aurevoir et bonne route à vous. On se revoit dans quatre ans… 😉 ». Et si je ne pourrais sur le coup pas m’empêcher de penser qu’ils sont fous, je dois bien dire qu’aujourd’hui déjà… 2023 sonne rond…

La section qui mène à Loudéac n’est pas très longue et nous avançons bien. Le petit coup de gueule poussé par Marco au dernier ravitaillement semble avoir redynamiser les troupes… Comme lui, nous souhaitons par-dessus tout le réussir… D’abord parce que nous ne sommes pas certains de revenir en cas d’échec… Et puis parce que la qualification à cette épreuve est tellement exigeante, tellement prenante… Et il ne s’agit pas seulement d’avoir les capacités physiques pour le faire…  Il faut avoir une envie débordante, se l’avoir mis dans la tête comme l’a dit Christian…

La réussite n’est possible qu’avec un parfait alignement des planètes… Avoir du temps d’abord, pour s’entraîner, beaucoup. Echapper à la blessure ensuite, ne pas avoir de gros soucis durant les 8 mois préparatifs, qu’il n’y en ait pas non plus dans son entourage. Lors des brevets, ne se perdre, ou oublier de remplir sa carte de route correctement. Il y aurait encore milles et milles raisons de ne pas pouvoir disputer cette course ou bien de ne pas être en mesure de la terminer… Je me souviens des mots de Gilles : « Les choses ne seront gagnées qu’une fois la ligne d’arrivée passée … Alors soyez prudent… »  Et pourtant, plus j’y pense… plus j’y crois… Nous ne sommes pas encore arrivés à Loudéac. Il reste un peu plus de 400km…

Etrange est le raisonnement cycliste. Car si l’on retourne le verre vide pour en voir les deux tiers pleins, les 800 kilomètres déjà couvert ressemble à un formidable moteur… Qui parmi nous auraient cru un instant à ce pari un peu fou de les faire sans quasiment s’arrêter ? Et pourtant c’est ce que nous venons de faire. Tous les sept !  Et sans faire quoi que ce soit d’exceptionnelles. Nous avons seulement géré, géré, et géré encore. Mais ce ne sont déjà plus ces quelques 800 kilomètres que nous avons en tête mais bien plutôt les 400 qui viennent… La Squadra a la bonne attitude, elle se resserre. Et elle fait corps. Fendant toujours aussi efficacement le vent…

La Squadra&Nico, Eole, l’outre des vents…

Et faire bloc aujourd’hui est primordial… le moindre trou laissé entre nous se paie cash. Car si nous aurions pu espérer un peu de clémence pour le retour, il n’en sera rien… Le vent d’Ouest qui domine généralement dans ces contrées semble avoir fait demi-tour à Paris, impatient de retrouver Brest et la vaste étendue de l’Océan… Ce vent défavorable, implacable, nous use, nous mine des pieds à la tête… L’accalmie relative de ce début de matinée laisse place à un vent qui devient de plus en plus fort à mesure que nous approchons de Loudéac. Une composante importante de cette édition qui conduira à placer le taux d’abandons relativement haut (près de 26%) compte tenu d’une météo pour le reste relativement clémente…

Mais ne nous plaignons pas, à choisir entre l’air et l’eau, je préfère de loin l’intermédiaire du son … Et si celui-ci rend notre progression plus difficile, il ne gâche d’aucunes façons les paysages et les ambiances qui inondent l’abord des routes……Je l’ai déjà dit, et je me répète… C’est un vrai bonheur de voir tous ces gens, toutes ces familles amassées le long du chemin… Si je devais retenir une chose seulement de Paris-Brest, ce serait celle-là… L’image d’une foule de curieux célébrant de la manière la plus simple qui soit un peloton composé d’anonymes aux traits marqués… Des applaudissements, des encouragements pour la seule beauté de la petite Reine… Celle consistant à découvrir et repousser ses propres limites… Dans un effort commun, modestement, gratuitement, pour ses proches, pour ses amis et finalement peut-être aussi un peu pour soi…. Paris-Brest est de toute les courses auxquelles j’ai participé celle qui fût la plus totale…. Une victoire sur le mythe. Une victoire sur moi-même…

Ne pas surestimer ses forces, rester humble, et ne surtout jamais oublier d’en profiter…

Nous allons maintenant faire notre entrée dans Loudéac. Ce bourg important est parfaitement reconnaissable sous ses grises toitures. Nous sommes heureux. Et nous avons de quoi… Le compte à rebours commence. 4, 3, 2, 1, à la nuance que nous l’effectuerons par pas de cent….

Loudéac est décidemment l’une des places fortes du Paris-Brest. Combien de spectateurs tassés dans la cour… ?  Combien de maillots bleus, combien viennent de loin, voire de très loin ? Une chose est sûr, les Loudéaciens devaient être bien nombreux à avoir fait le déplacement dans le Forez à l’occasion de la semaine fédérale 1989… Les maillots de la Squadra n’ont pas changé et suscitent de nombreux commentaires… Et tous ont, à priori, gardés de bons souvenirs….

Le parc à vélo (Loudéac)

Le parc à cyclistes (Loudéac)

 

Et tandis que nous posons une nouvelle fois pied à terre, nous remarquons un engin curieux autour duquel se pressent des badauds pas moins curieux… Il faut dire qu’avec ses pneus énormes et son cadre en acier, l’engin détonne au milieu de tous ces purs sangs aux fins jarrets… C’est un fatbike proclame l’un… Un Fatbike ? Il y a un mec ici qui est ni plus ni moins en train de parcourir Paris-Brest sur un Fatbike… Je ne saurais vous dire s’il s’agit d’un fou ou l’auteur d’un bien mauvais tour… Et si de toute évidence, il n’ira pas au bout, le panache d’avoir osé traverser la moitié du globe pour conduire cette machine méritait bien un petit paragraphe… Les 400kilomètres déjà parcouru relève à eux seuls de l’exploit… Je n’ai pas trop su quelle était sa nationalité, mais il aura pour sûr marqué cette édition de son empreinte… Tâm Biết l’ami que je ne connais pas… Et que la force soit avec toi …

La pause à Loudéac se limitant à un café et une petite collation, il sera bien vite l’heure de repartir… Non sans avoir pris le temps d’échanger quelques mots avec Jonathan qui arrive au point de contrôle…. Il roule seul mais tient la forme… Je ne suis pas trop inquiet, Paris-Brest relève pour lui de la simple formalité… Tout comme pour les membres de la Team Cyclosportissimo en général… Mes amis sont partis et je dois filer… C’est dommage, j’aurais bien pris davantage de temps pour discuter, de ses impressions, du déroulement de son Paris-Brest… Mais le groupe a ses contraintes, je dois faire avec. Nous nous souhaitons bonne chance… Puis je quitte le parc par l’étroit corridor couvert de graviers… Ainsi va, nous aurons qui sait l’occasion de nous croiser un peu plus loin… Je l’espère…

Loudéac. Un café et un croissant. Oui. Mais choisir devient de plus en plus difficile…

 

SECTEUR XI : Loudéac / Tinteniac

Nous avons repris notre route vers l’Est… Il n’est pas tout-à-fait 15 heures et le ciel s’est très légèrement voilé… Nous n’en demanderons pas plus…  Le cap des huit cents kilomètres est désormais dépassé et les endorphines sécrétées en nombre nous présentent le monde sous un angle bien favorable. Cette hormone adoucie les douleurs que nous ressentons à la selle, aux pieds, au cou ou même aux cheveux….

Voyez une boule d’énergie dorée qui blanche devient bleu puis rose, puis orange. Variant de Couleur en fonction de votre respiration comme des vagues d’énergie.
Cette boule d
‘Energie devient de plus en plus grande au point de déborder à l’extérieur de votre  visage et de votre crâne.
Cette boule d’énergie devient si puissante qu’elle se d
éverse dans votre corps tout entier.
Une quantité infinie d’énergie u
niverselle se diffuse dans votre corps.
Envoyez l’endorphine p
artout à l’intérieur de vous et vous sentirez un
Soulagement général se concrétiser.

J’adhère à cet embrasement de couleurs qui autour de moi s’emballe… Mon action est similaire à celle d’un rouage dans une articulation des plus complexe. Un mouvement d’horlogerie où l’égoïste trotteuse se conjuguerait au pluriel… Chacun de nous prenant appui sur l’autre, dans cet immuable mouvement silencieux…

Mon esprit peu à peu s’allège… Mon corps s’installe dans une routine mécanique symbole de progression…. Un tour, deux fois cent soixante-douze et demi et Pi un autre… La chaîne s’enroule sur ce mouvement des plus idéal. Circulaire, répétitif et surtout suffisamment simple pour pouvoir n’être produit que par notre seule moelle-épinière…. Laissant libre cours aux histoires magnifiques nos mondes secrets et imaginaires …

Aller à vélo. C’est d’une certaine manière courber son propre espace-temps… Concentrez-vous assez, et vous verrez peut-être, l’aiguille du cadran, un temps, hésiter…

Oui mais voilà un fait qui toujours se vérifie. Toute mécanique aussi merveilleuse soit-elle peut être victime de son talon d’Achille. L’intensité en sera le plus cruel le révélateur… Qu’un grain de sable survienne et tout pourra prendre alors des proportions tout juste imaginable…. Baigné dans l’euphorie nous avions fini par l’oublier… Ce sera au tour du malheureux Philippe de nous le rappeler…

Lui qui au fil des kilomètres s’était fait plus discret à l’arrière du groupe, tendant un élastique qui finira par rompre dans ce que certains appellent : le mur de l’Emetteur (Saint Pern) … Philippe heureusement bien épaulé de Marie-Claude…. Philippe qui pourtant en a vu d’autre…. Philippe dont le genou refuse le rythme à 3 temps imposé par son pédalier…. 1-2-3…. 1-2-3…. 1-2-3…… L’éternelle répétition n’a que trop durée.

En bons équipiers nous nous sommes relevés. Pour l’aider d’abord et aussi parce que nous avons besoin de lui… Mais la discussion n’est pas facile… La fatigue, l’enjeu rend le sujet de la blessure sensible… Brûlant même… Le vélo reste un sport individuel et nos moyens de l’aider physiquement sont limités. Nous pouvons l’abriter. Mais lui seul peut pédaler… Alors si ce genou venait à bloquer, nous n’aurions sûrement d’autres choix que de laisser un valeureux compagnon en chemin… Marie-Claude peut-être aussi s’arrêterait… Et de sept nous ne serions que cinq. Et l’échec deviendrait alors collectif…

Mais si nous ne pouvons l’aider physiquement, nous pouvons nous montrer solidaire et l’aider à trouver les ressources mentales qui pourraient bien suffire à l’emmener au bout… Comme je l’ai déjà dit, nous sommes allés vite et les minutes que nous avons emmagasiné forment ce matelas de sécurité qui pourrait suffire à économiser ce genou bien fatigué… Nous levons le pied… Laissant la masse de nos jambes s’actionner sous l’influence de la seule gravité… Notre économie musculaire est devenue totale… Nous progressons lentement… Mais nous progressons… à sept toujours…. Et c’est bien cela. Le plus important….

Bon Philippe, je ne suis pas médecin, mais tes douleurs doivent surement venir d’un de ces trucs….

Quatorze kilomètres, voici l’indication que nous prenons la peine de relever à hauteur de ce nouveau carrefour. Nous approchons de Tinténiac… Philippe s’accroche et habitué des longues distances gère parfaitement… sans s’affoler… Philippe est un dur-au-mal comme il y en beaucoup dans le monde de la longue distance. C’était lui déjà qui avait accompagné notre descente lors de Pacques-en-Provence alors qu’il était victime d’une terrible rage de dents… Je ne peux qu’admirer le sang-froid et le courage dont il fait preuve… Comment aurais-je réagi si les rôles avaient été inversés… Peut-être me serais-je écouté… peut-être pas… Le Paris-Brest révèle les êtres m’avait-on dit… Et je ne peux qu’acquiescer…

Honneur aux hommes-machines…

Tinténiac, enfin. C’est toute l’équipe qui laisse ici échapper un soupir de soulagement…. Nous croisons les doigts. Philippe toujours accompagné de Marie-Claude va enfin pouvoir consulter l’une des antennes médicales qui sont présente à chaque contrôle… Un massage, un anti-inflammatoire ou même quelques mots rassurant sur l’état de son genou pourraient bien le remettre d’équerre… Nous attendrons son retour… Avec impatience.

Lorsque nous descendons de vélo, les visages sont fermés et les démarches titubantes… La fatigue nous submerge… et l’appétit aussi…. Contrairement à notre premier passage, nous choisissons cette fois de faire un vrai dîner…. Au restaurant du lycée…. Une bonne idée, mais qui nous vaudra de devoir monter quelques marches…. Le restaurant est à l’étage…. Et je m’en souviendrais…

Les chefs de Tinteniac…Le choix est difficile…

Les efforts toujours sont récompensés. Derrière les fourneaux, l’association des charcutiers-traiteurs de Bretagne… Du consistant, du savoureux, du local… ! Il y a bien sûr les inévitables féculents accompagnés de leur viande en sauce et aussi le roi des desserts, l’inégalable Far breton.  Les plateaux pèsent lourd entre les mains de participants qui ne se rendent plus vraiment compte de ce qu’ils font … Pensent-ils vraiment manger tout ça ? Voici une table, nous nous asseyons…. Voilà une chaise…. Quelle plus belle invention…

Et tandis qu’avec bon appétit nous mangeons, Philippe nous rejoins… Il a pu consulter le médecin…qui lui a annoncé une probable tendinite… Il n’y a pas grand-chose à faire. Si ce n’est tâcher de s’économiser.  Mais voyons le bon côté, Philippe a eu l’autorisation de repartir… Ce qui est déjà une très bonne chose en soi…

« Hey, you, do you speak English?” Le participant qui vient de nous invectiver montre un air préoccupé. Il nous dit être médecin et avoir une chose importante à nous dire… Nous échangeons quelques mots… Il est inquiet pour Marco… Par ses yeux rougis que nous avions pris pour un simple signe de fatigue ou de la morsure du vent… Notre Anglais est beaucoup plus pessimiste. D’après lui Marco doit beaucoup boire sans quoi ce Paris-Brest pourrait lui laisser des séquelles oculaires… Nous observons Marco avec insistance et nous ne pouvons qu’admettre le fait que les vaisseaux de ses yeux sont fortement gonflés…. Philippe et son genou, Marco et ses yeux. Paris-Brest malmène les corps… Ne tolérant aucune faiblesse ni aucune erreur…

Et pourtant, malgré ces petits « accidents », nous y croyons… Il reste quelques heures avant que la nuit ne tombe et nous allons continuer à suivre le plan qui a été établi avant le départ… Nous repartons vers Fougères que nous devrions, si tout se passe bien, atteindre dans le courant de la nuit… Là-bas, nous dormirons trois heures ce qui, en plus du sommeil réparateur auquel nous rêvons, aura pour avantage de l’écourter… Cette troisième nuit est empli d’espoir, après la première nuit que nous avons vécu sur le vélo et la deuxième, à Brest, où le sommeil nous a cruellement fait défaut…. Je m’accroche à l’image de ce lit douillet dans une belle et douce chambre silencieuse… Je crois que je n’ai jamais eu autant envie de dormir… jamais…

 

SECTEUR XII : Tinteniac / Fougères

De nos pérégrinations entre Tinténiac et Fougères je garde un souvenir flou… Ce qui est sûr, c’est que nous sommes repartis, avec Philippe, et une équipe toujours soudée… Toujours, gravitant autour de nous, quelques cyclos qui profitent du groupe pour avancer sur le chemin du retour… Notre allure a malgré nous encore faibli et il est probable que nos « suiveurs » (Gilles et Joëlle en tête…) commencent à se poser sérieusement des questions … Il faut dire que les seules informations dont ils disposent est notre heure d’arrivée et de départ aux différents pointages. Sept points rouges qui restés longtemps immobiles bondissent soudainement sur la carte. En grappe, mais de moins en moins souvent. Sont-ils aussi inquiets que nous pouvons l’être ? Possible. Mais il faut bien savoir aussi un peu ménager le suspense… !

Peu d’informations filtrent de notre progression… J’ai la chance de faire partie d’un groupe voulant vivre Paris-Brest et non publier une Story Instagram … Ce qui veut dire que de vraies discussions sont possibles sans qu’une notification ou tout autre kudos viennent nous interrompre toutes les cinq secondes…Nous avançons hors du monde. Hors du temps. C’est agréable … Le ravitaillement est le seul moment où nous pouvons transgresser à ce principe. Lire les messages de nos proches et de nos amis est essentiel.  Cela nous motive, nous réconforte. D’ailleurs, aurions-nous pu réussir, sans eux ? Je ne pense pas.

Nos réponses, pourtant, resteront brèves… Nous les avions prévenus. Toute notre énergie sera employée à remplir cet objectif.  Et puis comme je l’ai dit plus haut, cette déconnexion volontaire renforce encore la puissance de cette aventure… Vivons ces trois jours comme si le monde n’avait à offrir que ce qui se trouve dans notre environnement immédiat… Apprendre à différencier le grain des routes, mémoriser la beauté de ces paysages toujours changeant, construire un groupe à travers les difficultés et les joies… Considérer chaque rencontre comme un souffle nouveau dans cette histoire parfois quelque peu linéaire….

Apprécier chaque incident aussi. Comme cette fois où, après avoir traversé la voie ferrée, nous avons cru avoir perdu l’itinéraire…  Nous avions, par habitude, pris tout droit à la sortie du village sans que personne ne puisse confirmer avoir vu la flèche indiquant Paris… Une incertitude conduisant à un certain malaise… Les plus sûrs traçant la route … Les autres s’arrêtant pour attendre confirmation.

Une flèche type, bien visible, avec Paris ou Brest inscrit dessus. Personnellement, je trouve que celle avec Paris est bien plus belle…

La lumière qui décline semble à présent étirer nos ombres à n’en plus finir…  Appuyons davantage sur les pédales… Et nous parviendrons peut-être à les rattraper… Car voici une belle journée qui se termine … et nous sommes là. Marie-Claude, Nicolas, Daniel, René, Marco, Philippe et moi. Pédalant sous les plus belles couleurs du jour. Jamais nous ne nous étions sentis aussi grands…

Finalement, la nuit aura fini par nous rattraper. Sans que nous ne nous en rendions vraiment compte. Sept lueurs avançant inexorablement vers Fougères. Dans un silence absolu. Comme s’il ne fallait surtout ne pas gâcher. Ne pas abîmer l’étrangeté de cette nuit… Cachés. Furtifs. Vivant dans l’obscurité totale…

C’est le silence qui s’est une nouvelle fois abattu sur les routes bretonnes…

Fougères, nous te traversons. Fougères que, à cette heure, à peine nous reconnaissons.  Fougères, au son des voix que nous suivons. Virage à droite prudemment négocié, viser entre les barrières et puis longer cette longue allée légèrement montante. Contourner le parc où gisent vélos et cyclos, dos-à-dos dans cette épreuve. Tchac. Tchac. Fait le son court et sourd du tampon sur nos cartes de routes.  La case « Fougères-retour » se trouve belle et bien remplie… Et notre journée aussi…

Eteindre nos lampes…. Souffler quelques secondes…  Descendre de vélo… Nous revenons de Brest et nous sentons marins. Nos jambes sont des mâts… Nos bras sont des cordes. Nos corps prennent l’eau mais notre esprit reste grande voile…  Clac. Voici le son mat que produit la cale (de René) sur le pont du bateau. Le vernis a son éclat. Tel une cicatrice. Pour se rappeler…

Mon couchage papillote, à côté de Daniel….

Ne rien oublier de cette dernière nuit où nous sommes restés allongé sur les trop minces tapis de cette haute salle communale… Pas de fioritures, pas de confort. Nous demandions l’aventure, nous avons été servis. Couchés quasiment à même le sol, emmitouflés dans des couvertures de survie dont les crépitements incessants nous rendrons la nuit impossible…. Peu d’entre nous dormirons… Ceux qui y parviendrons le feront mal. Et pourtant. Cette nuit fût parfaitement supportable.

 

SECTEUR XIII : Fougères / Villaines-la-Juhel

Il est à peine trois heures du matin lorsque je perçois la vibration étouffée d’un portable. C’est celui de Daniel qui une fois de plus s’est chargé de surveiller la durée de notre arrêt … Mais ce n’est pas grave, cela faisait de toute manière bien une heure que j’étais éveillé. Et je commençais à avoir sérieusement froid. Pourtant cette pause m’a fait le plus grand bien. Car même si j’ai peu dormi, la position couchée a eu un effet particulièrement bénéfique. Surtout, elle m’a permis de reposer les yeux. La migraine naissante avant cet arrêt s’est envolée. Le corps est (un peu) moins douloureux… De bon augure avant d’entamer cette longue et dernière journée de vélo.

Pas besoin d’insister, tout le monde est déjà réveillé. Plus ou moins facilement. Nous savons qu’avec la blessure de Philippe, et, il faut bien l’avouer, notre état de fatigue général à tous, que le jeu ne se fera plus sur la route. Pour réussir dans les délais, il va nous falloir gérer notre capital temps… gérer nos ressources et … gérer encore, notre humeur et nos passages à vides. Le mot prononcé par Bernard peu avant le départ prend cette fois tout son sens…

Autour de moi, des bruissements comme le font les papillotes agite la salle…. Un spectateur un peu trop curieux verrait de nos cocons dorés tous parfaitement alignés émerger nos corps visiblement encore grandement engourdis…. Et tandis que certains comme Daniel se montrent philosophes (oui, nous aurions bien pu dormir dehors…) d’autres comme René tente un mot pour rire… Drôle d’allure que nous avons… Avec nos corps raides et secs comme des morceaux de bois flottés, supports bien peu recommandables à nos visages creusés et fatigués….  Paris-Brest te marquera, tu verras…. J’ai pourtant la tête dure… Mais jamais je ne l’oublierai…

Nous avons enfilé nos vêtements encore humides de nos efforts d’hier, puis, lentement, avons enjambé nos montures pour repartir vers le village.  Nous avons plus que jamais besoin d’un petit déjeuner solide… et silencieux. Chaque gorgée de café nous tire progressivement de la léthargie dans laquelle nous avons sombrés… Comme mes camarades, je ne montre pas une grande envie de repartir… Tout autour de nous, cet état d’esprit semble partagé. Sur ces visages du monde, un étrange mélange de désespoir et de sérénité…. Je repense comme eux aux brevets et aux récits qui nous ont été rapporté. Nous savions ce qui nous attendait… Nous savions que ce serait difficile…. Que la seule chose fondamentale serait de continuer… Vaille que vaille… Coûte-que-coûte. Il n’est nullement question d’abandonner… Ce serait gâcher tant d’efforts, et aussi tant de bons moment… Nous nous moquons du score. Notre seule ambition est de franchir cette ligne dans les délais. Avec le plus de monde possible… Et là, j’y crois…

Dehors, la nuit est toujours épaisse… L’une de ces nuits sans lumière… L’une de ces nuits froide…. Frissonnant dans mes vêtements humides… je rêve au lever du jour, de la douce chaleur de ces rayons …. Nous roulerons alors vers l’Est… Et devant nous, un spectacle magnifique.

Les nuits sont fraîches, au mois d’août, dans cette région du monde…

Et tandis que mon esprit divague nous quittons Fougères.  Installé confortablement dans la trace sans vent que les hommes forts, à l’avant, s’applique à élargir…  Espace exiguë dans lequel, roue dans roue, nous prenons place…  Jusqu’au petit matin…

Je lève les yeux. Au-dessus de nos têtes, il y a ce noir opaque qui me semble avoir légèrement bleui… Il y a trois jours, je n’y aurais probablement pas prêté attention… Mais depuis que nous vivons au rythme de la Terre, les signes qu’elle nous adresse deviennent davantage perceptible … La nuit serait-elle en passe de devenir une amie… Une amie dont je me méfie… Car ce bleu porteur d’espoir pourrait bien aussi être annonciateur d’un froid intense… Une contrepartie que nous devrons accepter…

Il n’y a rien de plus grisant que d’aller, libre, dans la nuit….

Nous venons tout juste de traverser un énième petit village endormi lorsque le groupe choisit de s’arrêter. Là, sur le parking en contrebas de la route… Cette pause tombe à point nommé. L’occasion de se ravitailler… J’avais bien essayé avant, en roulant. Mais mes doigts rendus maladroits par le froid piquant butaient sans réussite sur l’emballage des sucreries parsemant mes poches…

Le bleu profond et sombre s’est peu à peu transformé. D’abord uni, il présente désormais un dégradé s’éclaircissant sensiblement au niveau de l’horizon… La température aussi a chuté… Les heures à venir seront difficiles, c’est une certitude… Pour moi, qui craint l’aube par-dessus-tout, mais aussi pour Nico qui semble marquer le pas… Serrer encore un peu les dents… Et repartir… Une nouvelle fois.

Cette fois, Nicolas a définitivement cédé, dans l’une de ces bien trop nombreuses descentes. Inquiet, je me suis relevé, laissant filer le groupe… Nico n’est toujours pas visible. Et il me faudra m’arrêter quelques minutes pour enfin le voir apparaître au détour d’un virage… « Nico, ça va ? » …  Il m’avoue avoir eu une absence et s’être arrêté un peu pour récupérer… Prudent, et encore lucide. J’ai vu sur Paris-Brest bien d’autres participants qui, à ce stade de l’épreuve, ne l’était plus. Voilà le principal danger.

Nicolas a tellement sommeil qu’il commence à douter… Les autres sont déjà bien loin devant… Et son moteur n’a plus de jus… Nous roulons ensemble et j’essaie tant bien que mal de l’aider à surmonter cette mauvaise passe. « J’en ai eu, on en a tous eu… Il faut voir cela comme un test qui ne dure jamais vraiment. Nous allons rejoindre Villaines-la-Juhel, y manger, et peut-être, y dormir. Je ne sais pas si le groupe pourra nous attendre. Mais rien, rien n’est encore perdu… »

A Villaines-la-Juhel, enfants, parents, grands-parents, tous sont de la fête…

Bon gré, mal gré, nous atteindrons Villaines-la-Juhel… L’accueil que nous réserves la foule valait bien de souffrir un peu… Et puis, qui voit-on ? Cinq Squadra partis devant en éclaireurs qui nous font signes de les rejoindre… Nous sommes tellement contents de les retrouver… Que je me laisse gagner par l’euphorie… Il reste 200 kilomètres, une petite journée de vélo 😉 Nous sommes toujours sept. Et nous avons encore presque une vingtaine d’heures pour finir. Christian m’avait prévenu que ça arriverait. Qu’il ne faudrait surtout pas penser en avoir fini… Mais je n’y peux rien, je suis trop fatigué pour lutter. Et me laisse submerger… Par ce bonheur total…

 

SECTEUR XIV : Villaines-la-Juhel, 1000km. T’es cap !

Villaines-la-Juhel fait partie des lieux mythique du Paris-Brest. Nous allons nous y arrêter. Y reprendre quelques forces. Et profiter de l’ambiance particulièrement festive qui y règne. Car il est, il faut bien le dire, étonnant de voir autant de spectateurs (et spectatrices) donnant de la voix et applaudissant à chaque passage. Et c’est même une véritable ovation qui s’élève lorsque le speaker annonce le nom d’un habitant du canton. Et ils sont nombreux. Le village entier semble en fête et nous tâchons, en bons acteurs, d’être à la hauteur de leurs attentes. Sourire… Et surtout ne pas tomber. Il faut bien l’admettre. Tout ceci commence à sentir très bon.

Nos gueules noircies sur leurs photos … Et au milieu, notre regard qui pétille devant un chiffre aussi parfait…. Mille kilomètres… Un chiffre que je n’ai vu qu’une fois. Je me rappelle. C’était à l’occasion de « la Loire à Vélo en 9 jours ». Je me souviens très bien avoir pensé à mes parents et à mon frère lorsque le compteur tourna. Et ce fût encore une fois le cas.

Dans le mille. Le pouls s’accélère… Nos mains se lèvent au dessus de nos têtes. Avec cette envie irrésistible. D’applaudir…

Les bons comptes font les bons amis. Villaines-la-Juhel (Le Blog de Brigitte)

Petite anecdote souvenir du parc à vélo de Villaines. J’y casse la protection plastique située sous mon bec de selle. Une petite égratignure heureusement sans incidence … Et qui ne valait sûrement pas le coup d’être racontée… donc je vous la raconte. Un Sketch 😉 !

Cette dernière journée s’annonce particulièrement douce… sur la route… avec mes camarades… et ce soleil venu à notre rescousse… Il reste un peu plus de deux cents kilomètres ce qui est plutôt rassurant… C’est une distance qui me convient parfaitement… Suffisamment longue pour voir du pays… Suffisamment courte pour éviter l’ennui. Deux cents kilomètres soit une dizaine d’heures. Peut-être douze vu les circonstances… Et comme il n’est que huit heures du matin, ceci signifie que nous pouvons espérer échapper à une nouvelle nuit… Et cette idée me plaît au plus haut point….

Le ravitaillement de Villaines-la-Juhel fût magique… Nous y avons opté pour le plat du jour, histoire de vérifier une nouvelle fois l’adage « qui a faim, se donne les moyens ». L’appétit, comme consolation à la privation de sommeil. Les bénévoles ont une nouvelle fois été aux petits soins avec nous…

L’un d’eux, bienveillant, m’accompagnera jusque dans le réfectoire… Vigilant lorsque nous avons descendu cette courte rampe glissante car couverte de cartons. Moi qui ne suis qu’un petit amateur parmi tant d’autres. On prend soin de moi, on porte mon plateau jusqu’à cette table où je m’affale… Nous ne remercierons jamais assez les bénévoles du Paris-Brest. Ce sont eux qui rendent l’épreuve si merveilleuse. Et c’est pour eux que nous devons terminer.

Je me souviens aussi de ce Paris-Brest abondamment garni. Pas d’une pâtisserie industrielle et fade. Non, d’un vrai Paris-Brest comme seuls l’artisan pâtissier du pays sait les faire… Un délice… et parfaitement digeste… Aller, pour se détendre un peu en attendant le café, cette vidéo bien sympathique de la scène Villainaise … 3,2,1…

Nous quittons enfin le réfectoire, nous frayant un passage au travers des barrières… Entre elles, toujours c’est procession de cyclistes ininterrompue….  Ayant retrouvé notre lucidité, nous les laissons passer. Calmement. Courtoisement. Les encourageant. Ni premiers, ni derniers. De minces sourires fatigués. Pour des êtres simples et beaux, dans le reflet de la difficulté…

Le fairplay est l’un des fondements de Paris-Brest. Partout, le respect domine et ce malgré la fatigue qui provoquera parfois quelques écarts (dédicace à celui qui me fit une vilaine queue de poisson à l’approche de la-Juhel…). Ce n’était probablement pas volontaire …  Participants et spectateurs ont depuis bien longtemps admis le défi personnel que cela représente… Que l’unique victoire qui soit est de pouvoir se dire « Oui, là, je me suis dépassé » … Certains auront établi un nouveau record, d’autres termineront seulement dans les délais. D’autres encore, abandonneront, à bout de forces… Tous sont respectables.

Entrainement, volonté, entraide… Voici les mots clés. La fierté, aussi, est un puissant moteur… Fierté de s’accrocher, de prendre sa part dans un événement unique, de partager et de se forger des souvenirs impérissables… De petites choses qui à coup sûr vous changeront… Pas pour devenir plus fort, mais plus serein…. Voici peut-être ce que nous sommes venu chercher. Certains le trouveront. D’autres reviendront. Une chose est sûre… Tous, nous auront appris…

 

SECTEUR XV : Villaines-la-Juhel / Mortagne-au-Perche

Quatre-vingt-quatre kilomètres séparent Villaines-la-Juhel de Mortagne-au-Perche. Une grande partie à travers le parc régional naturel Normandie-Maine. Nous allons retrouver les interminables lignes droites que nous avions littéralement survolé à l’aller. C’était il y a trois jours ou presque. Cette fois nous nous y attardons. Non parce que nous le voulons, plutôt parce qu’il nous est impossible de faire autrement. La faute au vent peut-être qui, après avoir très faiblement faibli durant la nuit, est revenu s’intéresser à nous… Joueur lorsque, au détour d’un bosquet, il disparaît. Uniquement pour mieux nous surprendre. Moqueur lorsqu’il s’adresse à nous. D’après lui, cela fait déjà 18 heures que le Morbihannais Robert Coquen a franchi la ligne. Soit déjà presque un jour d’avance, et nous sommes loin d’être arrivé 😉.  Lui en voulons-nous pour autant ? Je ne crois pas. Son histoire et la nôtre cette année ne feront qu’une.  2007 fût l’année de la pluie, et tous ceux qui l’on vécut s’en souviennent. 2019 restera marquée par le sceau du vent…. De ces frasques nous nous souviendrons…. Flottement. Marco reprend la tête. Et le vent, derrière lui, devient moins turbulent….

Marco et René forme le duo fort de cette fin d’épopée. Daniel semble désormais avoir un peu plus de mal. Il a sommeil. Alors il se laisse décrocher, disparaissant au loin pour, dit-il, éviter tout risques, de s’assoupir dans nos roues… Quelques minutes passent. Et le revoilà. Assurant de longs relais comme lui seul a le secret. Face à ces trois-là, Philippe, Marie-Claude, Nico et moi sommes davantage en retrait. Mais ceci ne veut certainement pas dire que nous évitons tout relais… Le groupe a plus que jamais besoin de mettre en commun ses dernières forces…

De mon côté, le coup de fatigue du matin est passé. J’ai même la forme, pourrait ‘on dire. En fait, je crois que je ne me rends plus trop compte de ce qu’il se passe…. Je m’applique à suivre l’étroite ligne blanche qui face à moi coupe les paysages en deux. Le vélo ne m’a jamais paru aussi simple. Et agréable…

Philippe, blessé, a lui aussi a repris des couleurs. Et s’il se trouve toujours cloué sur sa selle, son genou nous paraît avoir retrouvé un peu de souplesse. Marie-Claude à ses côtés, toujours. Un duo inséparable. Après les errements du début de journée, Nicolas a quant a lui aussi retrouvé le sourire. Le ravitaillement de Villaines lui a redonné des forces, et le moral. Et dire que lui comme moi étions parti avec en tête l’idée d’un aller simple. Nous sommes à la limite de voir Paris. Qui l’aurait crût… Gilles est peut-être finalement le Guy Roux du deux roues. Un talent démontré en tant que sélectionneur. Et des pures qualités d’entraineur… Le tout associé à un certain sens du réalisme. « Rappelez-vous, l’important, est que vous franchissiez la ligne. En soignant le beau geste, et sans attendre les prolongations… On vise le 7-0 les gars… » Exigeant le Gilles, une chance qu’il ne nous ait pas interdit de boire avant parce que sinon… 😉 Merci Gilles… Pour tes conseils, la confiance que tu as su nous donner, mais aussi pour tes quelques omissions…  Un grand merci au Président, de ma part et de toute l’équipe…

Ravitaillement (non officiel) à Mamers….Se détendre, boire, manger, prendre, et donner, des nouvelles…

Mais ne parlons plus du père, voici Mamers…. Oui, je sais, c’est grave, après plus de mille kilomètres, sur les bords, je divague ….  Nous dépassons la place Carnot sur laquelle officient les bénévoles du Vélo loisirs Saosnois. Ce ravitaillement n’est pas officiel, et pourtant, il y a du monde assis (ou couché) sur les bancs…. Partout, cette étrange sérénité. Comme si personne ne semblait véritablement pressé malgré le chrono… Lucides, nous ne nous arrêterons pas. Dès la sortie du village, nous bifurquons un peu plus au Nord. En direction de Mortagne-au-Perche que nous découvrirons Montagne-Haut-Perchée… Dans cette même ligne étymologiste… Suée (Suré), par fond de vallons (Parfondeval), où l’on se languit des montagnes (Saint Languis-lès-Mortagne) … et puis nous grimpons … jusqu’à s’en trouver définitivement perché. Le secteur que nous venons de traverser est superbe, et tout aussi accidenté. Les milles mètres de dénivelé annoncé par le roadbook faisaient mystère. Il n’en fait plus. Nous allons de collines en collines boisées. Toutes rassemblées autour de leur chef. Un peu raide, et pas peu fier de protéger depuis les siècles la haute cité médiévale. Autour de moi les braquets craquent, les genoux grincent. En escadron uni, contre ce rempart, nous nous jetterons…

En escadron, un peu désuni, à son sommet, nous arrivons… Enfin autorisés à poser pied à terre. Dans un grand soulagement. J’avais choisi d’emmener mon 34×28 sur ce Paris-Brest. Ce même braquet que j’avais utilisé il y a quelques années au Tour du Mont-Blanc… Je ne l’ai pas regretté.

Mortagne-au-Perche, rendez-vous nous est donné au Carré….

En haut, dans le parc à vélo, de nombreux cyclos attendent dehors… cherchant leur souffle…   Il y François, des Chilkooteries, aussi. Il me dit avoir préféré s’arrêter quelques instants pour dormir au bord de la route. Laissant Dominique filer un peu devant. Son visage est creusé. Mais il aura la décence de rien dire du mien. Malgré tout, François garde le sourire… Il a la niaque… Ce qui veut dire que nous allons certainement nous recroiser un peu plus loin….

Je retrouve le groupe confortablement assis dans la Cafétéria, à l’ombre. Il est 13heures et nous allons consommer le dernier ravitaillement solide de ce Paris-Brest. Il en naîtra un moment culte. Celui d’un Nicolas désinhibé allant défier Marco sur son propre terrain. La partie fût serrée… Mais après plusieurs rebondissements ce fût encore l’indétrônable Marco qui l’enleva… réduisant le faîtage d’une seule bouchée. Alors oui nous étions alors probablement dans un profond état second. Mais nous rîmes… nous rîmes !!! Une page sincère d’un Paris-Brest que nous n’oublierons pas…

Je repars, avec un petit pincement au cœur… Je viens seulement de réaliser. Ce soir, c’est une page d’une belle histoire qui sera tournée…

 

SECTEUR XVI : Mortagne-au-Perche / Dreux

Notre escouade a, comme à son habitude, reprit la route. Sans trainer, mais non sans difficultés. Fuyant Mortagne, une courte descente qui se transforme sans prévenir en une montée vraie. Nous venons de manger copieusement et le changement de rythme imposé s’avère sévère. Je me retourne, et vois Nico resté planté au pied de la bosse. Les autres ne l’ayant pas vu, et je leur ferais signe avant de redescendre. Nico est la victime d’un saut de chaîne. Au pire moment… Notre premier (et seul) ennui mécanique de ce Paris-Brest…

Mais ce n’est pas grave. Nico a besoin d’un peu de temps pour redémarrer la machine. Habrité dans ma roue, nous rejoignons le reste du groupe qui nous attend…  Nous voici au complet. Et notre objectif de finir à sept, toujours possible.

La lecture des panneaux de signalisation m’occupe l’esprit. Ici, Saint Mard-de-Réno est écrit. Là, Longny-au-Perche que nous n’atteindrons qu’une fois traversée l’ombre fraîche des belles forêts domaniales de Réno-Valdieu. On m’avait dit que le Perche au retour serait terrible. Je peux aujourd’hui l’affirmer. Des vallons, des collines, aucun temps mort. On dit aussi que Paris-Brest n’est pas fait pour les grimpeurs. C’est faux. Je me régale !

Les paysages vallonnés et verdoyant du Perche. Sublimes.

Nous arrivons aux belles heures de l’après-midi. Et il fait chaud. Pas très chaud mais suffisamment pour déclencher aux pieds les brûlures que je redoutais… Mais je pensais tout de même les voir apparaitre beaucoup plus tôt… Il faut croire que le fait de n’avoir que très peu serré mes chaussures dès le départ a été profitable… René clip et déclip pour réactivité la circulation du sang. Nicolas sort les pieds pour les poser sur les chaussures. Une méthode qui semble efficace mais tout de même parfois acrobatique…

Exit les denses forêts domaniales, nous sommes assis au centre d’un vaste ensemble agricole… Entre les champs généreux, de longues lignes nécessairement râpeuses. Mon vélo soudain devient réticent au mouvement. En ai-je trop fait ? Possible. Mes symptômes sont ceux d’une grosse fringale. Jambes cotonneuses et étoiles devant les yeux… Du genre de celles qui scintillent d’un fossé à l’autre. Absence d’hallucinations faites d’éléphants et de lapins magiques cependant. Mon état est sérieux mais non critique. Je fouille dans mon sac et met la main satisfait sur quelques miettes de Gatosport… Celui au chocolat moelleux. Miam… 😊.

Il arrive parfois que mes envies dérivent… Cette disgression est, quant à elle, authentique.

Marco nous presse. A juste titre. L’heure tourne inexorablement et notre matelas est semblable au tapis trop mince de nos nuits en camping. Quatre-vingts heures pour mille deux cent trente kilomètres c’est bien court… J’essaierai bien de m’accrocher. Au mental. Mais rien n’y fait. Les piles sont vides…

Lâché, j’aperçois enfin Dreux. A l’extrémité d’un trait de bitume devant à minima atteindre les 15km…. Il y a aussi Thierry Saint Léger, son fixe et la Squadra qui rétrécit. Nous échangerons quelques mots…   Un peu malheureux du vent qui aura finalement eu raison du pari fou qu’il s’était lancé. Tenter d’égaler le record originel établi par Charles Terront… Pourtant la performance reste remarquable… et respectable. Car rouler en fixe c’est techniquement rouler minimaliste, c’est-à-dire sans vitesses et sans roue libre. Humainement, c’est aussi être condamné à rouler seul, le plus souvent. Imaginez. 1230 kilomètres de mano à mano contre le vent… En fixe. Seul. Et pourtant dans les mêmes temps que nous…. Le fruit d’un caractère hors norme, de beaucoup de préparation et d’arrêts limités au strict nécessaire… Cet homme est un extraterrestre, définitivement. Un extraterrestre que je suis heureux d’avoir croisé.

Etrangement, cette rencontre m’a reboosté et je me sens de nouveau la force d’accélérer un peu. Au loin, mes compagnons de routes… La plaque tourne retrouve de sa rondeur et ce ne que quelques minutes après eux que j’atteins le point de ravitaillement. Il est maintenant un peu plus de 17heures, ce sera le dernier… pour cette année du moins 😉.

Ravitaillement à Dreux. Siège de notre dernier pointage. Oui, j’ai bien dit… ‘’siège’’

A Mortagne j’avais croisé François. A Dreux, ce sera au tour de Dominique. Les deux compères de Cogolin qui sont de tous les défis. Comme François qui n’étais plus très frais, Dominique est cuit mais garde le sourire. Le même que lorsque, il y a quelques mois, nous avions pris la Tour (Matagrin) au Zanzibar… Alors déjà nous pensions au décollage. Le parcours ne lui a plu que moyennement me dit-il. Mais Dom’ comme François sont en train de réaliser une sacrée performance. Parti de Rambouillet trois heures après nous, ils ont réussi à nous rattraper…C’est fort. Rendez-vous est pris pour le Tour de Lozère historique. Ce sera l’occasion de refaire notre Paris-Brest sur les terres de Thierry. Enfin, si nous survivons jusqu’à l’arrivée…

En face de la table où nous nous sommes assis, il y a aussi Thierry de Rambouillet que je connais pour avoir fait les Copains 2017 (Ambert) en sa compagnie. Lui aussi est extrêmement fatigué. Son genou le fait souffrir. Une tendinite à coup sûr. Malgré cela, il ne mettra qu’à peine cinq minutes de plus que nous pour terminer son Paris-Brest-Paris…

Paris-Brest est une petite communauté à l’intérieur de la grande famille des cyclistes … Et ce soir, il se pourrait bien que j’en fasse partie… Et cela me rend malgré tout assez fier 😊 !

 

SECTEUR XVII : Dreux / Rambouillet

Le voici venu. Le dernier tronçon de cette aventure que j’aurais pris plaisir à vous raconter.  Tellement elle nous aura fait rêvée. Au loin, un clocher sonne délicatement l’heure. Ce seront nos derniers-tours de roues. Quarante kilomètres comme un ultime baroud d’honneur. Nous allons le réussir, ce Paris-Brest, et de la plus belle manière qui soit. Ensemble. Attentifs et solidaires, jusqu’au bout de l’effort. Sept camarades d’âges et d’expériences diverses qui auront su additionner leurs forces pour que de cette expérience ne ressorte que de bons souvenirs. Gilles, le Président de la Squadra, peut être fier. Lui qui aurait dû être ici, avec nous, sur les pavés de Rambouillet. Christian aussi pour qui la flamme Paris-Brest-Paris vacille brûle depuis longtemps. C’est à vous deux que je dédicace ce Paris-Brest…

Nous en terminons, installés dans le sillage d’une Marie-Claude que ces mille deux-cent kilomètres ne semblent pas avoir beaucoup émoussé.  Notre championne que nombre de spectateurs ont applaudi depuis le bord des routes. Un coup de chapeau à toi, Marie-Claude.

Derrière elle. Philippe, Daniel, Marco, René, Nico et moi, l’esprit engourdi mais tellement heureux. Sommes-nous en train de réaliser l’ampleur de ce que nous venons de réaliser. Sommes-nous simplement soulagés ? Nous savourons ces dernières minutes qui à jamais resteront gravées. Nous franchissons la lourde grille de fer forgée qui ouvre sur le parc de la Bergerie. Empruntons ces larges allées où le monde entier est réuni et se salue. Avec eux, nous avons ralenti. Comme pour faire durer encore un peu cet instant magique… Et puis apparaît devant nous l’arche marquant l’arrivée. Gonflée, improbable, flottant là, juste devant nous. Nous franchissons la ligne après 75h et 11 minutes passé sur la route. Marco peut enfin souffler. Nous sommes dans les délais et notre Paris-Brest-Paris est bien validé… Un petit tour d’honneur sur les pavés irréguliers de la Bergerie. Et puis nous nous arrêterons. Et nous regarderons. Et si les mots manqueront, les regards, eux, seront sincères.

A notre retour, Joëlle (deux Paris-Brest) écrira sur le site du club ces quelques mots qui résument pleinement la portée de cette aventure extraordinaire….  Et c’est ceux que j’ai choisi pour clôturer ce long récit …

 « Cette épreuve n’est pas à la portée de tous, l’entraînement ne suffit pas, il faut aussi avoir un mental d’acier pour continuer à pédaler de jour, de nuit, ne pas craquer, supporter l’environnement, la météo, les autres quand la fatigue fait son travail de sape. Un très grand bravo à vous tous ! D’autant plus que vous avez fait tout le trajet ensemble et groupés, une vraie performance supplémentaire. Nos stars sont même passées au journal de 20h sur TF1, de façon fulgurante mais bien identifiables.

Daniel, le recordman de la Squadra avec sept PBP à son actif. René et Philou qui réalisaient leur 2ème PBP n’en demeurent pas moins méritants mais savaient ce qui les attendait. Marie-Claude, Nicolas et Marco, Damien ont donc été bien entourés et coachés. Les maux se réveillent, les caractères se dévoilent sur de telles épreuves mais chacun de nous y puise une force qui nous accompagne longtemps dans notre quotidien… »

Daniel, Marco, Marie-Claude, Philippe, René, Nicolas, Damien …
…Souvenirs éternels. Paris-Brest-Paris 2019…

 

Epilogue

EPILOGUE : #LaSquadra&Nico, 7/7 au Paris-Brest…

 

Réveil des plus agréable ce matin, après une belle nuit passée dans un lit moelleux. Au fond de moi comme un petit sentiment de fierté. Celui d’avoir pu, d’avoir su aller au terme de cette épreuve tout de même hors norme. Une épopée d’amateurs mais mythique, trois jours dans les entrailles d’un réacteur où viennent s’entrechoquer territoires, légendes, fête populaire, défi personnel, camaraderie, drames et aussi joies intenses….

De ces longues heures passées en votre compagnie, j’aurais appris à ne jamais renoncer. « Tant que tu l’auras dans la tête, tant que tu seras optimiste, tant que tu feras fi des galères et des doutes pour te concentrer uniquement sur ces moments de joies simples, de rire, ces moments que tu n’aurais probablement pas remarqué en temps normal et qui te rendront plus forts… » « …Tant que le groupe sera soudé, que tu sauras pouvoir compter sur tes camarades … » « L’aventure continuera… »

Au-delà des chiffres irrationnels (66 pays, 1200km, 11000m de dénivelé, 90heures de route…), c’est l’aventure humaine vécu sur Paris-Brest qui m’aura le plus touchée. Avec pour apothéose le moment où nous avons franchi tous les sept ensemble la ligne à Rambouillet. Avec le même chrono vénérable de 75h et 11minutes. Instant fugitif mais qui restera gravé. Car à son évocation se rappel à moi toutes les histoires, parfois incroyables, écrites au cours de ces huit derniers mois… Et davantage….

J’espère avoir réussi dans ce petit livre à montrer que son histoire n’est pas seulement la mienne. Mais bien celle d’un groupe qui restera toujours pour moi la Squadra&Nico. A mes compagnons, MERCI !!!

La Squadra&Nico. De gauche à droite. Daniel (E129), moi (E099), Philippe (E151), Marie-Claude (E150), Marc (E118), René (E153), et Nicolas (E139).

 

– A Daniel d’abord (7 Paris-Brest), une infatigable force motrice dont il usa pour nous guider… Et s’il nous a parfois un peu secoué, c’est aussi grâce à lui et à son départ tambours battant que nous avons pu terminer dans les délais… 80heures, ce n’est pas très large…

– A René (2 Paris-Brest), qui, pédalant toujours sans en avoir l’air aura gardé un œil sur son rétro tout en ponctuant l’aventure des pointes d’humour dont nous avions besoin…

– A Philippe (2 Paris-Brest), à qui Gilles avait délégué ses pouvoirs de Président, et qui a œuvré du début à la fin, malgré sa blessure, pour assurer la cohésion du groupe. Essentiel.

– A Marie-Claude (Premier Paris-Brest), l’une des fantastiques féminines officiant à la Squadra. Heureusement lestée sans quoi nous aurions eu beaucoup de mal à la suivre… J’en veux pour preuve son dernier relais, que nous avons trouvé, très appuyé…

– A Marc (Premier Paris-Brest), sans nul doute l’homme fort de la bande, un appétit d’Ogre et des qualités de grimpeurs insoupçonnables. Face au vent, Marc devant, et nous derrière…

– A Nicolas (Premier Paris-Brest), représentant émérite de l’ALFG. Une sympathie communicative et un mental d’acier. Son aventure est particulière puisque non inscrit il profita à la fois de la place du malheureux Paulo et de la gentillesse de Jean-Gualbert Faburel (organisation du PBP) pour s’inscrire.   Nicolas est l’homme des premières. Premier 300, premier 400, premier 600… et Paris-Brest, validé !

– A Gilles, enfin qui, malgré une appendicite et une grande déception, n’aura jamais cessé de nous encourager. Maigre consolation, Gilles apparaît dans le magazine officiel du Paris-Brest-Paris 2019 (dossard E113 / NP).

Encore une fois, bravo, et merci à vous… ! Ce Paris-Brest, nous l’avons fait, et nous l’avons bien fait. Pour nous mais aussi pour toutes celles et ceux restés à la maison et qui auront, je l’espère, vibrés en suivant notre progression …

Encore un mot pour Gilles, qui fut bien malheureux puisque victime d’une appendicite… Au pire moment qui soit puisqu’il aura raté la semaine fédérale et Paris-Brest…. Une malchance terrible alors que pour lui tous les signaux étaient au vert. Et un coup dur pour nous qui comptions sur lui… Gilles. Rassure-toi, tu n’en as pas fini avec le Paris-Brest et ses belles épopées… Dans quatre ans tu seras au top et nous, les débutants, nous rappellerons que nous te devons beaucoup. Tu as su nous rassurer et nous transmettre les clés qui nous ont permis de réussir…. Avec Joëlle aussi qui, je crois, avait glissée malicieusement un petit moteur dans la roue dynamo que vous m’aviez prêtée….

Une pensée toute particulière aussi à tous les Squadratistes, qui ont fait les brevets qualificatifs et qui auraient dû logiquement se joindre à nous. Paulo, Bernard, Roger… Je n’oublierai pas que c’est grâce à Bernard (malade la veille du 600km) que j’ai pu partir avec ce groupe fabuleux. Nicolas, quant à lui, n’oubliera pas que son inscription n’a été possible que grâce au dossard du malheureux Paulo (victime d’une mauvaise chute lui ayant fracturée plusieurs côtes) ….

Et puis il y a aussi toutes celles et ceux qui ne font pas partie de la Squadra mais qui sont indissociable de cette grande Aventure…

– A Christian et Annie d’abord. Merci de m’avoir si bien préparé à cette grande « Epopée ». Christian, un amoureux du PBP (auteur de plusieurs participations dont deux validées – 2011 et 2015) qui m’aura tellement bien raconté Paris-Brest que j’en connaissais les détails avant même d’y poser mes roues… Tout dans ce qu’il avait dit était vrai. Tu verras des gens blottis au cœur de la nuit qui t’encouragerons… Tu connaîtras cette ambiance incomparable … Ces toboggans incessant et digne du Morvan…. La beauté de nos lampions comme le reflet des étoiles… Brest lumineuse derrière la rade … Ces participants venus de toutes les régions du monde. Profite de cette euphorie et combat le désespoir… Christian, j’ai été tellement content d’effectuer cette campagne de brevets avec toi… J’aurai tellement aimé t’accompagner dans un nouveau PBP mais je respecte ton choix, qui est celui de la raison comme tu l’as toi-même dit. Ce choix tout comme ton parcours cette année sont admirables.

– J’adresse mes félicitations à Régis alias « Bip-Bip la moulinette », qui, même sur une jambe vous sème, mais toujours avec le sourire… Il faut savoir que Régis est connu et apprécié de tous, et je vous souhaite, à vous, d’avoir un jour, la chance de le rencontrer.

– A Maurice ensuite, Président de Gillonnay que j’ai, en plus d’un brevet qui restera mythique, accompagné sur la route Napoléon et de Ganagobie. Maurice qui, j’en suis, certain aurait aimé conduire un groupe comme le nôtre jusqu’à l’arrivée… Parce qu’il est un peu comme Gilles, Maurice…

– A Christophe (Boën), à Patrick (Gillonnay), à toutes ses belles personnes croisées sur les brevets mais qui, pour diverses raisons, n’auront pas pu concrétiser leur aventure. Je resterai marqué par leur présence, leur volonté et leur abnégation sans failles…

– Bravo aux nombreux cadors venus faire leurs brevets à Feurs ensuite, et qui boucle cette édition en tout juste une soixantaine d’heures : Jean-Pierre Cellier, Julien Duflot, Benjamin Kiel, Henri Gallot… Des noms qui sonnent comme ceux d’authentiques Champions…

– Une pensée à toutes celles et ceux que j’aurai maladroitement oublié de citer, et qui, je l’espère, me pardonneront…

Voilà, ça en fait du monde croisé sur les routes depuis les premiers brevets… Beaucoup de belles rencontres et des beaux souvenirs pleins les poches…2019 restera pour moi une année véritablement extraordinaire. Et pourtant, si je me suis dit heureux, ce n’est pas tout à fait vrai. Confiné dans mon appartement, je deviens de plus en plus nostalgique de cette aventure passée…. Je n’ai qu’une hâte. Celle de vous retrouver, sur les routes, ou les chemins, pour les petites sorties du samedi, ou les périples au long cours…. Lançons-nous, et ne manquons jamais une occasion…

« Paris-Brest-Paris… nos riches Olympiades … »

 

 

La Squadra

Une petite sélection des commentaires à chaud paru dès la fin de l’épreuve sur le site de la Squadra Forezienne….

Daniel M.

Michel, je ne peux pas te renseigner pour le moment. Mon vélo et donc son compteur est resté chez Marco du BT. De mémoire, il me semble que l’on avait 23,5 km/h de moyenne. C’est sûr que nos arrêts étaient trop longs, en moyenne 15 minutes de plus chaque fois par rapport à 2015 avec Roger et Marco de la poste ce qui fait près de 3 h de plus au total. Ce n’est pas rien. Il faut bien dire que de toute façon c’est forcément plus long quand vous passez au controle ou au self à 7 qu’à 3.
Pour ce qui est du sommeil, ce n’est pas le faît que nous avons perdu du temps, c’est que nous sommes les 2 fois, Brest et Fougères,très mal tombé, donc, très mal dormi et donc, des coupures  » sommeil » pas vraiment profitables.
Ceci-dit, partir à 7 sur un Paris-Brest et terminer à 7 ensemble ne coule pas de source. Ce n’est pas évident et si quelque part, il y a un exploit, il est bien là.

 

Daniel M.

Contrairement à ce qu’affirme le Marco du BT, je n’ai absolument pas avalé les premiers km du PBP à grande vitesse ou alors…..mes camarades étaient eux à toute petite vitesse avec peut être le frein à main coinçé…
Lorsque ceux de la série D sont tous partis, le SAS de départ s’est ouvert pour nous série E avec départ 17h. Nous étions très bien placé en second rideau juste après la première ligne. J’ai suivi le premier groupe qui s’est formé. Il était un peu rapide, je l’ai très vite laisser partir. J’ai pris un second groupe, puis un troisième et plusieurs sans jamais forcer jusqu’à que mes camarades reviennent. Là, nous avons fait un bon bout de chemin dans un groupe conduit par un couple d’italiens. Comme personne ne leur prêtait main forte ( une trentaine de cyclos quand même), j’ai eu de la peine pour eux et je leur ai assuré quelques bouts. Nous sommes arrivés à Mortagne sans avoir forcé outre-mesure et contrairement à beaucoup qui zappent à tort ce premier controle, nous nous sommes restaurés ce qui a permis de poursuivre sereinement jusqu’à Vilaines km 218
Je pense que mes camarades et surtout les novices ( ce qu’on peut comprendre) étaient particulièrement stressés au départ, pour ne pas dire carément tétanisés. Les 100 premiers km sont la partie la plus roulante du Paris- Brest et l’allure des differents groupes n’était jamais démentielle sans doute aussi à cause du vent de face. Ce n’était pas si dur de rester dans les roues à ce moment là.
Damien avec son coup de pédale souple et économe , parfait pour les grandes distances, s’est rapidement dé-stressé et a vite trouvé le bon rythme. De même, Nicolas inquiet au départ s’est mis au diapason du groupe au fil des km. Il a souffert pour finir en puisant dans les dernières forces qui lui restait mais il ne faut pas oublier qu’il n’avait jamais de sa vie dépassé les 200kmavant de venir au BRM 300 de Feurs sur l’insistance de Gilles. Chapeau!
Marie-claude a forcement eu des moments de moins bien mais avec cette ténacité qui la caractérise, elle n’a jamais rien laché. De plus elle savait bien que Philou en particulier mais aussi toute la troupe était aux petits soins pour leur princesse et veillait sur elle.
Incontestablement, le genou défaillant de Philou nous a trop tôt privé d’un bon relayeur. Il a pu malgré tout aller au bout et c’est une performance en soi. Jamais vraiment en difficulté, René a parfaitement assuré avec des relais de métronome. Du grand René..!!
Enfin, le problème de Marco est que contrairement aux autres, il ne s’est jamais dé-stressé du départ. Il avait pourtant une condition physique parfaite et les jambes pour passer en moins de 70h donc largement sous les délais. Le stress du départ ( c’est parti comme une bombe (….) en vérité pas du tout ! ) ne l’a jamais quitté. Il avait l’angoisse de ne pas dormir – une chambre à Brest- , de ne pas assez trouvé à manger( et si jamais à un ravito, il ne reste que des biscottes, je fais quoi….). Lorsque des cyclos nous dépassaient, il avait l’impression que l’on avançait pas. Il voyait, je le cite, passer les heures à grande vitesse et nous autres pédaler à petite vitesse.Il s’imaginait alors hors délai, un échec……ce qui le conduisait à pédaler à l’envers en tout cas pas dans le rythme du groupe. Il n’y a rien de neuf sous le soleil . En 1987, Jacky et Jo Démoliere savait déjà que dans un Paris-Brest, une seule règle monter les bosses en dedans et rouler surtout le premier dès le haut.
On est arrivé malgré tout en 75 h 10, soit une bonne marge sur les délais, et tous ensemble ce qui après 1240km et 11000m dénivelé+ relève de l’exploit.

 

Joëlle

Quel plaisir de lire ou d’entendre les comptes-rendus de nos valeureux PBP ! Pleins de souvenirs endormis dans un petit coin de ma mémoire se sont réveillés. Non, Gilles et moi ne vous avions rien caché, Nicolas et Damien, avec le temps nous n’avons retenu que le meilleur, l’entraide, la solidarité, le ruban nocturne qui éclairait les routes, le mélange de nationalités, les points d’accueil bondés de cyclos parfois hagards, les rires, la musique à tue-tête pour se tenir réveillés dans la nuit, les encouragements et les friandises des autochtones à tout heure du jour et de la nuit,…etc.
Je vous avais répété la petite phrase de Philou qui disait à René en arrivant à Brest, il y a 8 ans, (déjà ! il me semble, avec vos récits, revivre tout ça comme si c’était… la semaine dernière !) : « Mieux vaut mourir que de souffrir comme ça ! ». Preuve aussi que les souffrances ont été oubliées puisqu’il est reparti cette année accompagner sa chère et tendre Marie. Le petit moteur dont tu parles Damien, était dans tes jambes et ta tête et non dans ma roue. Tes longues sorties de cette année, les 24h d’Andrézieux, la rando des bières et les brevets ont fait de toi un vrai champion !
Cette épreuve n’est pas à la portée de tous, l’entraînement ne suffit pas, il faut aussi avoir un mental d’acier pour continuer à pédaler de jour, de nuit, ne pas craquer, supporter l’environnement, la météo, les autres quand la fatigue fait son oeuvre de sape. Un très grand bravo à vous tous ! D’autant plus que vous avez fait tout le trajet ensemble et groupés, une vraie performance supplémentaire. Nos stars sont même passées au journal de 20h sur TF1, de façon fulgurante mais bien identifiables.
Daniel, notre recordman de la Squadra qui en est à son 7ème PBP, René et Philou qui réalisaient leur 2ème PBP n’en demeurent pas moins méritants mais savaient ce qui les attendait. Damien, Marie-Claude, Nicolas et Marco ont donc été bien entourés et coachés. Les maux se réveillent, les caractères se dévoilent sur de telles épreuves mais chacun de nous y puise une force qui nous accompagne longtemps dans notre quotidien.
Bonne récupération maintenant, à chacun d’entre vous. Il restera peut-être des douleurs dans tous le corps pendant quelques temps mais… il faut bien quelques souvenirs de ce périple hors norme !!!

 

MIMI

Vos témoignages me donnent envie de participer au moins une fois au PBP, mais me font aussi flipper. Flipper car vous êtes des cyclos aguerris , aussi bien dans le physique, la ténacité, la methodologie, le mental pour aller au de là de la souffrance et malgré cela, vous en avez bavé .
Envie car cette aventure est et restera hors normes, mythique,. Une aventure humaine, qui ouvre l esprit : dans un groupe le soutien quand un membre est moins bien, le plaisir de rouler avec des nationalités différentes, les applaudissements et encouragements des autochtones, le vivre ensemble. BRAVO ET ENCORE BRAVO.

 

Jacky T.

Salut à tous et encore bravo pour cet exploit collectif. Vous avez tout dit ou presque sur Paris Brest, et notamment le fait qu’il faut monter les bosses en dedans avant d’en mettre un bon coup dans la descente ( pour celui qui est devant), chose que l’on faisait déjà en 1987 lors de mon premier PBP avec le regretté Georges Démolière. Quand au problème de couchage, je ne sais pas combien vous avez payé pour vos tapis de sol, je sais seulement qu’en 87 c’était 3 francs le carton pour dormir dans une salle sur le béton!! cela a bien évolué depuis, mais je suppose que ceux qui voulais dormir et qui étaient avec la foule en 90 heures ont dû avoir quelques soucis !!
Quand aux « fifilles » comme dit Daniel, c’est que ce sont des cyclos qui ne font pas de « grandes aventures cyclistes » comme les diagonales, Bordeaux -Paris et autres épreuves de renom qui permettent de prendre des habitudes de rapidité et d’organisation. Mais ce que vous avez fait il faut le faire et c’est tout dans la tête, encore bravo !!

 

Marc G.

Quel aventure se PBP
Aventure humaine ou tous les pays se côtoient sans distinction.
Au bretons qui sont la au bord des routes pour nous applaudir jusqu’à tard dans la nuit
Une météo inédite et inespéré (pas de pluie ) la contrepartie le vent de face 3 jours sur 3 usant les organismes
Une équipe soudé ou Nicolas a su vite trouvé sa place
Daniel a avalé les premières 10e de kilomètres a grande vitesse alors qu on nous avait lacine il ne faut pas partir trop vite
Je me suis un peu énervé le mercredi matin en voyant les heures défilées a grande vitesse et les km a petite vitesse
Tout cela est oublié seul le résultat compte

Une aventure humaine hors normes a ne pas refaire
Mon souhait maintenant est de faire du cyclotourisme avec un grand T
A bon entendeur !!!

 

Gilles D.

On va laisser Marco se reposer on lui posera la question dans quelques temps pour savoir s’il veut pas refaire le Paris-Brest.
La première fois que je l’ai fait je m’étais dit tu n’y reviendras pas.
Je l’ai fait 3 fois déjà et si la santé ne m’avait pas abandonné je serais été parmi vous.J’ai bien apprécié tous vos commentaires qui relatent bien la vie sur cette randonnée infernale…..!! Mais qui procure tellement de joie lorsque l’on y arrive, au bout de quelques mois après le retour on se dit qu’il serait peut-être bien d’y retourner dans 4 ans

 

Damien C.

#LaSquadraAndNico, 7/7 au Paris-Brest

Ce matin je me suis réveillé tellement heureux, après cette longue et bonne nuit de sommeil dans un lit moelleux. Heureux et peut-être aussi un peu soulagé d’avoir pu, d’avoir su aller au bout de cette épreuve hors norme qu’est devenue au fil des ans Paris-Brest-Paris. Une épreuve absolument mythique, un réacteur en fusion au cœur duquel s’entrechoquent territoires, légendes du cyclisme, fête populaire, défi personnel mais aussi, drames et joies intenses….

Car si une chose ressort des longues heures de selles passées en votre compagnie, c’est que si Paris-Brest n’est jamais complètement gagné, il n’est également jamais complètement perdu. « Tant que tu l’auras dans la tête, tant que tu resteras optimiste, tant que tu t’affranchiras des galères et les moments de doutes pour te concentrer sur ces petits moments de joies et de rire dont la force sera décuplée par la fatigue et l’intensité de l’effort…. » « …Tant que le groupe restera soudé, tant que tu sauras que tu peux compter sur tes camarades de route alors même que ton corps et ta tête te pousseront à arrêter… » « L’aventure continuera… »

Au-delà de ces chiffres totalement irrationnels (66 pays, 1200km, 11000m de D+, 90heures de route…) qui rendent le Paris-Brest si exceptionnel, je crois bien que c’est l’aventure humaine qui m’a le plus touché. Une aventure humaine dont l’apothéose fût bien sûr le moment où nous avons franchit tous les sept ensembles la ligne d’arrivée située dans la cour de la Bergerie Nationale de Rambouillet mais s’est en fait en fait étalée tout au long de ces 8 derniers mois….Et même un peu plus….

A tous mes compagnons de routes d’abord…les expérimentés….

– Daniel, notre infatigable moteur qui nous a guidé au cours de ces 3 jours… Alors c’est vrai qu’il nous a secoué parfois, mais c’est certainement grâce à ça que nous avons pu terminer dans les délais…80heures, c’est chaud. (Septième Paris-Brest)
– A René, qui, pédalant sans en avoir l’air (veut dire facile), nous a régalé de ces pointes d’humour…(Deuxième Paris-Brest)
– A Philippe, le Président par délégation, qui a œuvré pour la cohésion du groupe et dieu sait que rester soudé à 7 dans une épreuve aussi hors-norme n’est pas une mince affaire, surtout quand vous devez faire sans cesse le gendarme pour chasser quelques intrus un brin collant…(Deuxième Paris-Brest)

…aux débutants ensuite….ou devrais-je plutôt dire, aux novices du Paris-Brest….

– Marie-Claude, l’une des deux fantastiques féminines officiant à la Squadra et que nous avions heureusement un peu lesté sans quoi il aurait été bien difficile de la suivre….pour preuve, son dernier relais appuyé entre Dreux et Rambouillet….(Premier Paris-Brest)
– A Marc, l’homme fort de la bande à n’en point douter, un appétit d’Ogre et des qualités de grimpeurs insoupçonnées. Dans le vent, Marc devant et tous derrière…. ! (Premier Paris-Brest)
– A Nicolas, représentant émérite de l’ALFG, un mental hors-norme qui lui a permit de dominer le sommeil qui semblait vouloir le terrasser. C’est aussi l’homme des premières, premier 300, premier 400, premier 600…(Premier Paris-Brest)….La Trans Continental Race l’an prochain ???

Bravo, et merci à vous … ! Nous l’avons fait, et nous l’avons bien fait. Pour nous mais aussi pour tous ceux rester à la maison et qui auront, je l’espère, vibrer en suivant notre progression …

L’explication à l’inquiétude de Gilles voyant l’écart de 40minutes entre Daniel, Marie-Claude et Philou et le reste de la troupe à Villaines-la-Juhel…Il n’y avait pas d’écarts…Simplement le tapis était positionné à la sortie du SAS à vélo et nous l’avons franchit en arrivant avant de nous rendre compte que nous étions aller trop loin et de faire demi-tour. Daniel Marie-Claude et Philou ont été eux plus malin…Ils se sont arrêtés avant les tapis, se sont ravitaillés en même temps que nous, et ont franchi les tapis en repartant…. Mais voyons la chose du bon coté, cette « erreur » nous donnes le temps de notre arrêt, 40 minutes au lieu des 37 recommandées par le coach. C’est presque pareil, tes consignes Gilles ont été respectées…mais pas toujours comme le signal Daniel, j’avoue que nous pouvons faire mieux… 😉 !!!

Gilles, le Président, qui nous aura manqué tout au long de ce périple, sa santé lui ayant joué un bien villain tour au pire moment de l’aventure….A son arrivée à Cognac, le privant à la fois de sa semaine fédérale et du Paris-Brest…. Un coup dur pour lui mais aussi pour toute l’équipe qui comptait sur lui… Bon rétablissement Gilles, tu n’en a pas encore fini avec le Paris-Brest et les belles épopées qui vont avec…Nous les débutants nous te devons beaucoup, tu as su nous rassurer avant l’épreuve et nous transmettre les clés qui nous ont permit de réussir…. Avec Joëlle aussi qui avait en plus, du moins je crois, glissée un petit moteur dans la roue qu’elle m’avait prêtée…. Tu sais, elle est magique cette roue Joëlle !!! Et puis une pensée toute particulière à tous les Squadratistes, à ceux qui auront participés aux brevets qualificatifs, et à ceux qui aurait logiquement dû se joindre à nous, Paulo, Bernard, Roger….N’oublions pas que c’est grâce à Bernard que j’ai pu partir avec ce fabuleux groupe, et que c’est grâce à Paulo que Nicolas a pu partir avec nous….

Et puis il y a aussi ceux qui ne font pas partie de la Squadra mais avec qui j’ai pris grand plaisir à rouler et à discuter…
– Un grand merci à Christian et Annie, qui font partie des gens qui transforme cette épreuve de vélo en une « Belle Epopée ». Christian, passionné et passionnant qui m’aura fait vivre Paris-Brest avant même de le faire…Tout ce qu’il m’avait raconté y était, ces gens perdu dans la nuit à 2heures du matin, qui vous scande bonne chance ou simplement bon courage…Ces mêmes gens qui vous aident à porter votre plateau repas lorsque la fatigue devient intense et le pied moins sûr… Ces toboggans, si semblables à ceux du Morvan…. La nuit où les lampions paraissent si fragiles….L’arrivée à Brest, le port et ses lumières…Des participants euphoriques aux participants déboussolés, hagards…. Il y aurait tant et tant de choses à dire… je vous laisse lire le CR de Daniel qui nous livre bien des détails sur notre progression, nos galères, nos satisfactions … Merci à vous …
– Bravo à Régis « Bip-Bip la moulinette », qui, même sur une jambe, mais toujours avec le sourire, vous laisse derrière, à Maurice, président de Gillonnay que j’ai accompagné sur la route Napoléon et qui aurait aimé, je suis sûr, guider un groupe comme le notre jusqu’à l’arrivée…Parce qu’il est comme Gilles, Maurice…. .
– A Christophe à Patrick, et à tous ceux qui nous ont accompagnés sur les brevets mais qui n’ont pas pu concrétiser l’aventure malgré leur volonté et leur motivation pourtant sans failles.
– Bravo aux cadors de la région venu faire leurs brevets à Feurs et qui boucle cette édition en 60 heures, Jean-Pierre Cellier, Julien Duflot, Benjamin Kiel, Henri Gallot… Maintenant que je connais le profil de l’épreuve, je confirme, ces gens sont des champions….
– A tous ceux que j’ai malencontreusement oubliés….

Voilà, ça en fait du monde croisé sur les routes depuis le début de PBP… De belles rencontres, de beaux souvenirs, et même si je me disais heureux dans les premières phrases du compte rendu, ce n’est pas entièrement vrai, je suis déjà aussi un brin nostalgique de cette aventure passée….

Alors j’ai hâte de vous retrouver, sur les routes ou sur les chemins, pour de petites sorties « normales » et d’autres, probablement, un peu moins normales….

Bonne lecture, bonne récupération aux camarades, à bientôt…

 

Daniel M.

Je vous remercie tous de nous avoir suivi durant notre périple, ceux qui écrivent sur le site et ceux qui n’écrivent pas tout en s’inquiétant de notre avancée. Nous avons fait de notre mieux pour faire honneur au maillot du club. Notre malheureux président bien handicapé en ce moment peut être fier de nous. 7 au départ et 7 ensemble à l’arrivée avec une bonne marge pour les délais, ce n’était pas gagné d’avance et comme le fait remarquer très justement Julien, c’est en soi un exploit.
75h11, je suis d’accord, il y a eu dans le passé de meilleurs temps à la Squadra. Je pense que mes camarades avaient tous largement les jambes pour un PBP en moins de 70 h mais les circonstances de cette édition 2019 ne nous ont pas été favorables. Le vent d’ouest, s’il a eu la bonne idée de pousser les nuages un peu plus loin ( il pleuvait encore sur Paris 3h avant le départ ), a été un handicap. Il soufflait assez fort au départ le dimanche à 17h, s’est calmé dans la nuit et à repris de plus belle la journée du lundi . Chaque cyclo confronté un jour ou l’autre à un vent défavorable dans la plaine de Feurs comprendra combien ça peut être usant et pourquoi nous sommes arrivés assez éprouvés à Brest le lundi soir 23h 45. Il a nettement faibli, hélas pour nous, la journée du mardi et tourné le mercredi à N- NO pour le final après Vilaines la Juhel. Il était à nouveau de face ou 3/4 face, pas très fort et bien sensible dans chaque lieu exposé.
Le second point qui a été très compliqué pour nous , c’est le sommeil. A Brest, il n’y avait plus de places pour 7. Ce n’était pas très bien organisé avec les chambres à 2 lits de l’internat du lycée.Il y avait 1 seul lit de libre à notre arrivée et les autres auraient dû attendre qu’un cyclo se lève pour prendre sa place. Ce n’était pas envisageable . Le GO de Brest nous a alors proposé une salle annexe du lycée avec des tapis de gym où nous pouvions tous dormir ensemble. Mais sans couverture, nous avons à peu près rien dormi. A Fougères, pour notre seconde coupure le mardi soir 23h 30, ça ne s’est pas mieux passé. Là encore, nous avons eu droit aux tapis de gym avec cette fois la couverture de survie (photo du site ). Outre que c’est bruyant et agaçant, je n’ai pas dû bien savoir bien l’utiliser puisque j’étais trop frigorifié pour dormir…..
De plus, alors que la météo avait annoncé des nuits à 10° avec des passages nuageux, elles étaient en faît claires , sans le moindre nuage et beaucoup plus froides avec même du côté de Carrhaix un brouillard glacial. Voilà qui n’arrangeait pas des cyclos déjà fatigués….et qui a sans doute été la cause d’un genou douloureux pour Philou.
Enfin, un dernier point où nous avons perdu beaucoup de temps mais là entièrement de notre faute, c’est dans les arrêts aux points de contrôle. Dans un Paris-Brest, il faut être parfaitement organisé, avoir une sacoche pratique ou au moins bien agencé pour trouver instantanément ce dont vous avez besoin. Il ne faut jamais oublier son bidon pour refaire le plein, penser aux toilettes…etc…..J’avais beau répété et répété  » Allez les fifillles, on se dépêche, on y va. », l’heure tournait, il y en avait toujours un qui ne trouvait plus ses manchettes, qui devait vider toit son sac pour trouver le deuxième gant long (!), qui n’avait pas rempli son bidon, qui prenait envie de pisser au moment de repartir…….Si je compare par rapport à mes équipiers de 2015 Roger et Marco de la poste mieux organisés, nous avons mis 10 à 15 minutes de plus à chaque arrêt. Multiplié par le nombre de points de contrôle, ça fait 2h30 à 3h en plus ce qui n’est pas anodin. Il faut dire aussi que c’est forcément plus long quand vous arrivez à 7 dans un contrôle que à 3 ou 4 ( à mon point de vue la taille idéale pour la meilleure efficacité)
Nous sommes malgré tout rentrés dans les délais tous ensemble en 75h 11 , mission accomplie et c’est très bien.
Nous ne sommes jamais arrivés, Marie-claude, Philou et moi dans un contrôle 40 minutes après les autres, je suppose que c(est un bug de l’informatique. Par contre, je suis effectivement arrivé 10 minutes avant mes camarades à Tinténiac. Ce n’était pas pour larguer les amarres ou pour dormir un peu plus comme l’ont pensé Michel et Gilou, c’était pour donner une leçon au Marco du BT qui ne voulait pas comprendre comment il fallait rouler. Paris- Brest n’est pas une sortie du samedi. Dans un Paris-Brest, il faut faire durer le bonhomme pour qu’il aille le plus loin possible tout en avançant. Une seule solution, monter chaque bosse en dedans pour arriver en haut tous ensemble roue dans roue et relancer immédiatement, ceux qui sont derrière profite alors de suite de l’inertie du groupe pour avoir une bonne vitesse sans effort. Si vous montez la bosse trop fort, vous étirez le groupe qui peut casser et une fois en haut, les premiers doivent attendre sinon les derniers doivent pédaler comme des dératés pour retrouver leur place et ce n’est vraiment pas efficace sur la distance. Bien évidemment, d’autres cyclos vous doublent dans la côte mais aucune importance, ce n’est pas grave, il faut bien les laisse faire, ne pas s’occuper d’eux, ils se calmeront tout seul et …bien avant Paris.
Que dire encore ? pas de crevaisons, pas d’ennuis mécaniques, pas d’erreur de parcours, pas de chutes malgré les pièges de la route (dos d’âne, bordure de rétrécissement…Joelle doit se souvenir..) Le sympa Nicolas de l’ALFG Firminy s’est parfaitement intégré au groupe, Damien et Marco du BT ont tenu le choc ce qui n’est pas évident pour une première, Philou est allé au bout malgré un genou douloureux. Les longs relais d’un René bien en jambes ont été précieux et ont permis de toujours gardé une bonne cadence. Enfin, on ne pouvait être qu’admiratif en voyant après Dreux et 1200km dans les jambes l’énergie avec laquelle pédalait encore Marie-claude. Cette fille est extraordinaire…!!!
Bien sûr, quand je repense à ces gens devant chez eux à 5h du matin dans la brume glaciale , qui vous applaudissent et à ceux qui sont là sur les places des villages ou aux rond-points jusqu’au milieu de la nuit pour vous encourager, ça fait vraiment chaud au coeur et rien que pour les remercier, j’aurai envie d’y retourner en 2023. Seulement 4 ans, c’est long….Je ne veux pas faire de plan sur la comète. On a la santé, on croit l’avoir et parfois tout se détraque très vite…..Alors disons 2023, peut être….!!!
Bonne route à tous samedi, je ne serai pas présent, je m’accorde encore un peu de repos.

 

Julien D.

Bonjour à tous,

Je fais un crochet rapide par ici pour partager mon admiration de voir la Squadra mener un groupe uni et aussi fourni au bout de cette aventure épique. Les états de forme des uns et des autres étant rarement alignés, sans parler du besoin de dormir ou manger, c’est un succès collectif impressionnant. [Je l’ai fait avec un groupe plus petit – avec Benjamin effectivement et JP Cellier – et les obstacles à la cohésion du groupe ont été nombreux.]

Et puis, avec mes 4 BRM qualificatifs passés à Feurs, je vous dois bien quelques remerciements pour m’avoir permis de participer à ce PBP. Ces brevets sont effectivement la meilleure préparation aux routes du Maine et de Bretagne, toujours vallonnées, sans jamais de répit.

Bonne récupération à ceux qui reviennent de Rambouillet et bon weekend à tous.

Au plaisir de vous retrouver pour célébrer ça.

 

MIMI

Ce fut un feuilleton haletant. Chaque suiveur devait élaboré son film : vont ils arriver avant les 72h ? vont ils arriver groupé? … mais le dénouement était programmé car nous avions confiance de leur état d esprit d’équipe, de leur mental, de leur forme physique. Leur aventure presque en direct fait envie de participer au prochain PBP dans quatre ans . On attend leurs ressentis, leurs récits.
Mille bravo à vous tous. Une pensée un peut plus forte à notre féminine Marie Claude et aux cyclos qui ont réussi pour leur première participation.
Encore bravo à tous et à bientôt sur nos routes.
A samedi.

 

Gilles D.

On ne peut que les féliciter. Finalement ils n’ont eu aucun souci sauf le vent défavorable. Daniel a effectivement accéléré un certain moment car il avait sommeil et il voulait faire 10 minutes de sommeil en plus. ils reviennent tous sans trop de bobos et bien sûr satisfaits d’avoir gagné la partie. j’ai vécu tout ça avec beaucoup d’émotion notamment le départ lorsque j’ai vu les compteurs s’afficher et les secondes défiler, j’ai bien sur imaginé le stress des copains dans ces premières minutes qui sont souvent très difficiles. 7 au départ 7 à l’arrivée c’est super, il étaient bien entraînés et il y avait de la solidarité. Je suis fier d’eux.

 

Christian A.

Bravo à la Squadra, à son équipe solidaire et une pensée pour toi Gilles cloué à la maison et qui avait toute sa place au sein de ce formidable groupe. Il y aura d’autres brevets et d’autres occasions de partager encore des grands moments et félicitations à tous.

 

Joëlle

Un très grand bravo à nos cadors de la Squadra et à Nicolas de Firminy ! Partis à 7, ils reviennent groupés à 7 ! Une belle solidarité ! Nous avons certainement été nombreux à les suivre roues à roues. Ils nous ont fait vibrer pendant 3 jours et 3 nuits, nous attendons maintenant impatiemment leurs retours pour leurs commentaires et impressions, et que nous puissions les féliciter en direct.
Bonne récupération à tous

 

Jean-Jacques M.

Bravo, la préparation était bonne ! ils ont tous finis le PBP en 75H11mn.
On peut le dire se sont bien les Cadors de la Squadra.
Et oui le petit train bleu à arpenté les routes Bretonnes à un rythme régulier sans décroché un wagon !
Je suis admiratif de cet esprit collectif.
On dit du vélo , que c’est le sport individuel qui se pratique le plus en groupe : ça se confirme.
Bonne récupération.

 

Gilles P.

Je suis admiratif, des héros, des vaillants, les mots manquent
J’ai hâte de vous retrouver pour vous féliciter pour de vrai

Gilles « ke Doc »

 

Danielle

Bravo à tous.
Bon retour et bonne récupération après un tel effort.

 

Michel G.

Terminé !
75h 11′

Bravo à tous !

Presse

Brochure

Parcours

Descriptif :

GPX : #Paris-Brest-Paris 2019
Pays : France
Région : Ile-de-France
Dépt : Yvelines
Départ : Rambouillet (78120)
Difficulté : Très Haute
Distance : 1219km / D+ : 11 000m
Durée : 75 heures 11
Sport : Cyclisme Route

Autres rappel historique, sur pécadille….

 

 

Check-List

  1. Vélo
    1. 1 pompe
    2. 2 Gourdes
    3. 1 compteur
    4. 2 Eclairages AV   /    2 Eclairage AR
  2. Sacoche de Selle
    1. Réparation vélo
        1. 2 Chambres à air   /    1 kit rustine
        2. 1 multi-tool
        3. 1 câble frein    /    1 câble dérailleur
        4. 2 bouts de pneus
        5. 1 maillon rapide 10vit
    2. Santé / Hygiène
        1. 3 petits morceaux de savon
        2. Papier hygiénique
        3. Brosse à dents + Dentifrice
        4. Crème chamois
        5. 2/3 Efferalgan + 1 antiacide
        6. Couverture de survie (face dorée à l’Ext pour se réchauffer)
        7. Mouchoirs
    3. Vêtement rechange
        1. 1 cuissard court de rechange    /    1 maillot manche courte
        2. 1 paire de chaussettes basse
    4. Vêtement chaud
        1. 1 Veste
        2. 1K-Way
        3. Jambières
        4. Sous-Gants long
        5. 1 tour de cou + 1 bandeau
        6. 1 paire chaussette haute
        7. Sur-chaussures
        8. 1 paire de lunette nuit
  3. Sacoche de cadre
        1. Fruits secs + Amandes
  4. Sac à dos
    1. 1 batterie + 1 jeu de piles AAA
    2. 1 sandwich + 1 Gatosport
    3. 5 Powerbar   /    5 barres céréales classiques   /    4 Pains d’épices
    4. 4 sachets boisson Isotonic
    5. 1 impression de la Confirmation d’inscription »
    6. Des euros pour les ravitos….
  5. Bonhomme
    1. 1 cuissard court
    2. 1 maillot manches courte
    3. 1 sous maillot
    4. 1 paire de chaussette courte
    5. 1 paire de manchettes anti-UV
    6. 1 paire de lunettes soleil
    7. 1 casque avec support frontale
    8. 1 paire de chaussure

 

2019
08.09

Paris-Brest-Paris….en congés….mise en condition…. ;-)

L’esprit…

Le Départ…

Les points de contrôle….

L’arrivée…à Brest….

Le Film….Officiel….

La première édition, 1891….Charles Terront vainqueur…en 71 heures….

Et pour 2019 ? …

…les Brevets sont fait….

 

 

…la suite de l’histoire est à écrire….

2019
08.04

Le Buzzer de Pierre-sur-Haute….

Nouvelle sortie vélo en direction du sommet de la Loire, l’antenne de Pierre-sur-Haute… Une montée que j’affectionne particulièrement…sous le soleil…avec un super vélo… Une belle journée donc…oui…et non en fait car nous apprendrons le forfait de notre valeureux coach… D’une appendicite….Journée noire….. 🙁

2019
08.03

#RoseDesVents Nord-Ouest by Nico…


Résumé

Nous sommes à 15 jours du départ…. L’équipe s’est, à l’initiative de Nico, une dernière fois réunie…Pour une rose des vents, la dernière longue sortie avant de nous retrouver à Rambouillet, Nico et moi….L’occasion de nous rassurer sur notre état de forme et d’échanger avec Christian et Christophe sur l’ombre du monstre qui marche à notre rencontre….Merci à Jean-Jacques pour la photo, une pensée à Régis à qui nous souhaitons prompt rétablissement… A bientôt….


Fiche

Descriptif :

GPX : #RoseDesVents (NO)
Pays : France
Région : Rhône-Alpes
Dépt : Loire
Départ : Saint Just-Saint Rambert (42170)
Difficulté : Moyenne
Distance : 206km / D+ : 2000m
Durée : 8 heures 24
Sport : Cyclisme Route

Parcours