Georges, Gerard, Francis, Thierry, moi, Eric et au permier plan, Laurent… Nous voici au départ de cette Stevenson made by the Chilkoot Compagnie… Et s’il pleut, nous le prenons avec le sourire, ceci ne rendant que plus fidèle, la reconstitution 😉
L’histoire du bikepacking a commencé à l’automne 1878, avec un écossais et sa « Modestine »…
Le Puy-en-Velay, nous sommes au départ de cette épreuve. Luc a à coeur de faire des Chilkoot plus que de simples épreuves de vélo. Je reviendrais donc de celui-ci avec un souvenir assez unique, une photo en Kilt, devant Notre-Dame-de-France, et un ciel qu’un Ecossais aurait pu nous envier…
« La cloche du Monastier sonnait juste neuf heures, lorsque j’eus terminé avec ces ennuis préliminaires et descendis la colline à travers les près communaux. Aussi longtemps que je demeurai en vue des fenêtres, un secret amour-propre et la peur de quelque défaite ridicule me retinrent de sourdes menées contre Modestine. » – Le Monastier, statue et fruit du travail de Lucie Delmas
De toutes parts, Goudet est encerclé par des montagnes ; des sentes rocailleuses, praticables au mieux par des ânes, rattachent la localité au reste de la France. Et hommes et femmes y boivent et sacrent dans leur coin de verdure où, du seuil de leurs demeures, lèvent les yeux, l’hiver, vers les pics ceints de neiges, dans un isolement qu’on jurerait pareil à celui des Cyclopes homériques. Mais, il n’en est rien. Le facteur atteint Goudet avec son sac postal. La jeunesse ambitieuse de Goudet est à moins d’une demi-journée de marche du chemin de fer du Puy.
La perspective était assez désolée mais stimulante pour un touriste. Car, je me trouvais
maintenant à la lisière du Velay et tout ce que j’apercevais était situé dans une autre
région – le Gévaudan sauvage, montagneux, inculte, de fraîche date déboisée par crainte
des loups.
Ce n’est pas toujours le croyant le plus débordant de foi qui fait l’apôtre le plus habile !
Je respirai longuement. Il était délicieux d’arriver, après si longtemps sur un théâtre de
quelque charme pour le coeur humain. J’avoue aimer une forme précise là où mes regards
se posent et si les paysages se vendaient comme les images de mon enfance, un penny en
noir, et quatre sous en couleur, je donnerais bien quatre sous chaque jour de ma vie.
Ces diverses musiques d’un charme singulier m’emplissaient le coeur d’une expectative
insolite. Il me semblait qu’une fois franchi le contrefort que j’escaladais, j’allais descendre
dans le paradis terrestre. Et je ne fus point déçu, puisque j’étais désormais entraîné à la
pluie, à l’ouragan, à la désolation de l’endroit. Ici s’achevait la première partie de mon
voyage. Et c’était comme une harmonieuse introduction à l’autre et bien plus belle encore.
La route faisait de si amples zigzags au flanc de la montagne. La montée était roide, il me
fallait maintenir le bât. Au sommet du Goulet il n’y avait plus de route tracée.
Presque du premier instant de mon ascension, un ample bruit atténué comme une houle
lointaine avait empli mes oreilles. Parfois, j’étais tenté de croire au voisinage d’une
cascade et parfois à l’impression toute subjective de la profonde quiétude du plateau.
Mais, comme je continuais d’avancer le bruit s’accrut et devint semblable au sifflement
d’une énorme fontaine à thé. Au même instant des souffles d’air glacial, partis
directement du sommet, commencèrent de m’atteindre. À la fin, je compris. Il ventait fort
sur l’autre versant de la Lozère et chaque pas que je faisais me rapprochait de l’ouragan.
J’avais voyagé jusqu’à ce moment dans une morne région et dans un sillage où il n’y avait
rien de plus remarquable que la Bête du Gévaudan, Bonaparte des loups, dévoratrice
d’enfants. Maintenant, j’allais aborder un chapitre romantique – ou plus justement une
note romantique en bas de page – de l’histoire universelle.
La descente entière fut pour moi comme un rêve, tant elle s’accomplit rapidement. J’avais
à peine quitté le sommet que déjà la vallée s’était refermée autour de ma sente et le soleil
tombait d’aplomb sur moi, qui marchais dans une atmosphère stagnante de bas-fonds.
Elle descendit et remonta en molles ondulations. Je dépassai une cabane, puis une autre
cabane, mais tout semblait à l’abandon. Je n’aperçus pas une créature humaine ni
n’entendis aucun bruit, sauf celui du ruisselet. Je me trouvais pourtant, depuis la veille,
dans une autre région. Le squelette pierreux du monde était ici vigoureusement en relief
exposé au soleil et aux intempéries. Les pentes étaient escarpées et variables. Des chênes
s’accrochaient aux montagnes, solides, feuillus et touchés par l’automne de couleurs vives
et lumineuses. Ici ou là, quelque ruisseau cascadait à droite ou à gauche jusqu’au bas d’un
ravin aux roches rondes, blanches comme neige et chaotiques. Au fond, la rivière (car
c’était vite devenue une rivière collectant les eaux de tous côtés, tandis qu’elle suivait son
cours) ici un moment écumant dans des rapides désespérés, là formant des étangs du vert
marin le plus délicieux taché de brun liquide. Aussi loin que j’étais allé, je n’avais jamais
vu une rivière d’une nuance à ce point délicate et changeante. Le cristal n’était pas plus
transparent ; les prairies n’étaient pas à demi aussi vertes et, à chaque étang rencontré, je
sentais une envie frémissante de me débarrasser de ces vêtements aux tissus chauds et
poussiéreux et de baigner mon corps nu dans l’air et l’eau de la montagne. Tout le temps
que je vivrai, je n’oublierai jamais que c’était un dimanche.
Sur un affluent du Tarn est situé Florac, siège d’une sous-préfecture, qui possède un vieux
château-fort et des boulevards de platanes, maints quartiers anciens et une source vive
qui jaillit de la falaise. Cette ville est renommée, en outre, par ses jolies femmes et comme
l’une des deux capitales, – l’autre étant Alais, – du pays des Camisards.
Nous quittâmes Florac. Un petit chemin en amont du Tarnon, un pont couvert en bois, nous firent pénétrer dans la vallée de la Mimente. D’âpres montagnes de roche rougeâtre dominaient le cours d’eau. D’immenses chênes et des châtaigniers croissaient sur les versants ou sur les terrasses pierreuses. Çà et là, un champ de millet ou quelques pommiers, puis la route longea de fort près deux hameaux obscurs, l’un d’eux nanti d’un ancien château-fort, haut perché, à réjouir le coeur du touriste. Sous les chênes et les châtaigniers, le sol n’était pas seulement déclive, mais encombré de cailloux épars. Là où il n’y avait point de couvert, les montagnes dévalaient jusqu’au cours d’eau dans un précipice rougeâtre tapissé de bruyères.
Saint-Germain-de-Calberte est une grande paroisse d’environ neuf lieues de
circonférence. À l’époque des guerres de religion et juste avant la dévastation, elle était
habitée par deux cent soixante-quinze familles dont neuf seulement étaient catholiques. Il
fallut au curé dix-sept journées du mois de septembre pour aller à cheval, de maison en
maison, faire un recensement. Mais la localité elle-même, quoique chef-lieu de canton, est
à peine plus importante qu’un hameau. Elle s’étage en terrasses sur une pente escarpée au
milieu de vigoureux châtaigniers. La chapelle protestante s’élève un peu plus bas, sur un
éperon. Il y a, au centre du village, une vieille et curieuse église catholique.
Ce ne fut qu’après être bien installé auprès du conducteur et roulant à travers un vallon
rocailleux aux oliviers rabougris que j’eus conscience qu’il me manquait quelque chose.
J’avais perdu Modestine. Jusqu’à cet instant, j’avais cru la détester ; mais à présent
qu’elle était partie « Ah ! Quel changement pour moi ! »
A lire….Et puis à faire… et à refaire…. 😉 !!!! Toutes les photos du Chilkoot en cliquant sur l’image….